Vidéotron attaque Bell dans la téléphonie avec et sans fil. BCE rétorque en opposant Fibe à Illico dans la télédistribution. Pour brancher nos ordinateurs, Bell Internet et Vidéotron jouent de vitesse. Et sur nos gros écrans au plasma, Bell Média rencontre Québecor Média, une confrontation exacerbée par les vues de BCE sur les chaînes d'Astral Média. Ne craignant pas l'adversité, nous amenons aujourd'hui ces deux adversaires de longue date dans l'arène boursière pour un autre face-à-face.

En termes de capitalisation boursière, BCE est certainement un poids lourd avec ses 36,5 milliards à la pesée. Mais Québecor, avec 2,8 milliards à la cote, n'est pas un poids léger pour autant. En termes d'actif, le rapport est de moins de un pour cinq, le holding de la famille Péladeau reposant sur une plus large part de dettes.

Autrefois deux catégories distinctes, les «câblos» et les «telcos» convergent par ailleurs. Drew McReynolds, de RBC Valeurs mobilières, se dit ainsi indifférent entre ces deux profils. Les entreprises de télécom, comme BCE gagnent des parts de marché dans la télédistribution avec l'essor du protocole Internet et des réseaux cellulaires, tandis que les câblos empiètent dans la téléphonie, avec ou sans fil, depuis longtemps.

Depuis le début de l'année, Québecor vole la vedette avec une appréciation boursière majeure de plus de 17%. Le titre est recommandé par tous les analystes financiers qui s'y intéressent.

BCE n'est pas en reste mais doit se contenter d'une hausse nettement moindre de 10%. La communauté financière est aussi plus partagée à l'endroit du titre, la grande majorité s'en tenant à en recommander le maintien en portefeuille.

Les actionnaires de la plus grande entreprise de communications du Canada comptent néanmoins sur un rendement en dividendes enviable de 5%, alors que le groupe dirigé par Pierre Karl Péladeau génère un rendement dix fois moindre à ce chapitre.

Les deux titres trônent à des sommets historiques. Leurs multiples des bénéfices courus sont quasi identiques et à un niveau encore très raisonnable. Ils se dissocient toutefois nettement par rapport aux profits à venir, le cours de BCE capitalisant presque 16 fois les profits de 2013 comparé à un ratio de 12 pour Québecor.

On en saura plus sur les chiffres de Québecor pour le quatrième trimestre et l'exercice entier de 2012, jeudi prochain. Les résultats de sa filiale Vidéotron pourraient être dévoilés avant, comme ce fut le cas l'an dernier. Du côté de BCE, rien à déclarer sur ce front avant le 9 mai. Pour ce qui est de l'offre d'achat sur Astral Média, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes devrait entreprendre ses audiences en mai également.

Ce qu'en disent les analystes

À PROPOS DE QUÉBECOR

Maher Yaghi, Valeurs mobilières Desjardins

L'analyste de Desjardins s'attend à ce que Québecor se détache du peloton des titres de télécommunications et câblodistribution ces 12 prochains mois. Le titre lui paraît sous-évalué tant par rapport à ses perspectives de bénéfices que comparé à la valeur des actifs composant le conglomérat. Selon lui, le marché accorde trop d'importance aux journaux du groupe, une composante plus cyclique que les télécoms, et craint de voir Québecor se lancer dans de grosses acquisitions coûteuses. Or, les journaux ne comptent que pour 9% du bénéfice d'exploitation prévu cette année, rappelle l'analyste, et la direction de Québecor lui paraît plutôt réticente à se lancer dans des fusions ou acquisitions.

Adam Shine, Financière Banque Nationale

L'analyste de la Financière Banque Nationale a révisé à la hausse, en début d'année, sa cible de prix pour Québecor qu'il assortit d'une promesse de «superformance». Adam Shine avoue avoir sous-estimé jusqu'ici les flux d'encaisse pour 2013, lesquels demeurent toutefois négatifs si l'on inclut les investissements prévus de 300 millions pour l'accès à la nouvelle et puissante bande de transmission sans fil de 700 MHz. Les estimations de bénéfices par action ont aussi été relevées pour refléter l'impact du rachat de la participation de 20,7% de la Caisse de dépôt et placement du Québec dans Québecor Média, en octobre dernier. La cible de prix sur 12 mois, à 46$, est en voie d'être atteinte.

Vince Valentini TD Valeurs mobilières

Les actions de Québecor figurent sur la liste des chaudes recommandations de la Banque TD avec un prix cible de 50$ et une croissance substantielle du dividende prévue d'ici 2015. Tout en étant très réservé quant à la croissance des bénéfices tirés du câble (3%) avec la perte d'abonnés, Vince Valentini trouve sa confiance dans le potentiel du sans-fil les trois prochaines années. Le titre, longtemps négligé par les marchés, lui apparaît surtout irrésistiblement sous-évalué par rapport à ses compétiteurs.

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À PROPOS DE BCE

Maher Yaghi, Valeurs mobilières Desjardins

L'analyste spécialisé dans les titres de télécoms et câblodistribution préfère BCE entre tous, Québecor figurant aussi dans son «top 3». Maher Yaghi estime que, même avec la renonciation à certains beaux avoirs d'Astral, BCE pourrait compter sur 77% du bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement du groupe. Il estime que la transaction ajouterait 100 millions par an au flux de trésorerie, ce qui soutiendrait une augmentation d'au moins 5% du dividende dans les prochaines années. Maher Yaghi croit que l'imprimatur du Bureau de la concurrence augmente les probabilités que le CRTC donne sa bénédiction à la transaction. Il s'attend cependant à une forte contestation de la part de Québecor, Cogeco, Rogers et de groupes de consommateurs aux audiences à venir. Avec un bénéfice prévu par action de 2,99$ pour 2013 et 3,12$ en 2014, l'analyste croit que le titre pourrait atteindre 47,50$ d'ici 12 mois.

Adam Shine, Financière Banque Nationale

BCE figure sur la liste des favoris de la Financière Banque Nationale depuis la mi-janvier avec un prix cible porté récemment à 46,75$ pour refléter l'expansion probable du géant des télécoms dans le marché télévisuel québécois. Adam Shine croit que BCE est résolument engagée à conclure l'affaire. Compte tenu du potentiel d'appréciation des profits et en conséquence du cours du titre et, fort d'un dividende rapportant déjà près de 5%, l'analyste estime qu'il s'agit du titre qui offre le meilleur potentiel de rendement pour le risque, dans l'univers des télécoms et de la câblodistribution.

Vince Valentini TD Valeurs mobilières

Dans un rapport d'analyse préalable à l'annonce de la nouvelle offre d'acquisition de BCE pour Astral Média, l'analyste de la TD applaudit l'excellente performance du groupe en 2012, tant dans la téléphonie cellulaire que filaire, et se dit confiant pour 2013 et 2014. Il est toutefois plus réservé que ses collègues dans ses prévisions, vu les défis de l'industrie, la fiscalité qui s'alourdit pour BCE et sa sensibilité à une toujours possible hausse des taux d'intérêt. Dans ce contexte, il dit privilégier les compagnies sujettes aux mainmises aux prédateurs, comme BCE. Son prix cible de 44$ est d'ailleurs déjà largement dépassé.