C'est peut-être parce que sa grand-mère a 103 ans et qu'elle a vécu seule dans sa maison jusqu'à l'âge de 100 ans... Toujours est-il qu'Antoine, représentant de 41 ans, fait beaucoup d'efforts pour planifier sa retraite. «Je ne veux surtout pas manquer d'argent pour mes vieux jours, explique-t-il. Je veux voyager, me payer du bon temps, et peut-être me retirer aux alentours de 60 ans si je peux me le permettre.»

Étant donné qu'on vit longtemps dans sa famille, il accorde beaucoup d'importance à l'épargne retraite, d'autant plus qu'il ne veut pas compter sur l'aide du gouvernement. «Je ne suis pas sûr qu'il va rester de l'argent dans les coffres de l'État, alors je préfère me fier à mes propres épargnes», dit-il.

Antoine épargne donc 620$ par mois - 410$ dans un CELI, plus 210$ dans un REER, auquel son employeur contribue avec une somme égale. En plus, il possède une caisse de retraite entièrement payée par son patron.

Une dette négligée

Parce qu'il consacre tellement de ressources à planifier sa retraite, Antoine néglige cependant le paiement de sa dette la plus importante: son prêt hypothécaire. D'autant plus que, au lieu d'opter pour un prêt hypothécaire normal lorsqu'il a acheté sa maison il y a trois ans, il a choisi une marge de crédit hypothécaire, dont le taux d'intérêt est un peu plus élevé. «Je voulais avoir la flexibilité de faire de plus gros remboursements si je le désirais, explique Antoine. Mais finalement, en trois ans, je ne l'ai pas fait. Et le solde de ma marge de crédit n'a presque pas diminué.» Il ne paie que les intérêts, qui s'élèvent à 565$ par mois.

Père de trois enfants en bas âge, Antoine gagne un salaire d'environ 100 000$ par année. Sa conjointe s'occupe de la progéniture à la maison et n'a aucun revenu. La famille a peu de marge de manoeuvre budgétaire.

La situation financière du couple n'est pas mauvaise, mais le choix des priorités est discutable, dit David Paré, planificateur financier pour Desjardins. C'est bien d'épargner pour la retraite, mais il ne faut pas négliger le remboursement du prêt hypothécaire.» De plus, les taux d'intérêt ne manqueront pas d'augmenter un jour, ce qui mettra de plus en plus de pression sur le budget familial, souligne-t-il.

Revenu de retraite plus que suffisant

Avec ses collègues de l'équipe de planification financière de la Caisse populaire Sillery-Saint-Louis-de-France, à Québec, M. Paré a analysé le cas d'Antoine et de sa conjointe Geneviève. S'il continue à épargner au même rythme, le père se famille pourrait compter sur un revenu de retraite équivalent à 85% de son revenu actuel. C'est beaucoup. Bien des planificateurs financiers estiment que l'on devrait avoir besoin à la retraite de 70% de nos revenus. Mais plusieurs estiment que même ce chiffre est trop élevé. «La projection des revenus de retraite d'Antoine confirme qu'il n'a pas à mettre autant d'efforts de ce côté», dit le planificateur financier.  

En plus d'une caisse de retraite entièrement payée par son employeur, Antoine verse dans un REER 3% de son salaire, et son employeur y met autant. C'est un avantage important. C'est pourquoi il devrait continuer d'en profiter, suggère David Paré. Toutefois, les sommes consacrées au CELI pourraient être utilisées autrement. Même s'il arrête maintenant de contribuer au CELI, Antoine pourra compter sur un revenu de retraite correspondant à 77% de ses revenus actuels. C'est amplement suffisant.

La marge devient un prêt

Voici le plan que propose M. Paré. D'abord, Antoine devrait convertir sa marge de crédit hypothécaire en prêt hypothécaire normal. En ce moment, il est possible d'obtenir un prêt à un taux de moins de 3% pour cinq ans; c'est le moment idéal pour en profiter. Pour rester prudent, David Paré a utilisé un taux hypothécaire de 4% pour faire quelques calculs. Un prêt de 170 000$ amorti sur 25 ans nécessiterait des paiements mensuels de 890$. En cessant de faire des contributions à son CELI, Antoine pourrait faire de tels versements sans problème. En faisant un petit effort, il pourrait diminuer son solde encore plus rapidement. La plupart des institutions financières offrent la possibilité de faire des versements supplémentaires, souligne le planificateur financier.

Antoine devrait aussi se servir des fonds accumulés dans son CELI pour rembourser sans tarder sa seconde marge de crédit, dont le taux d'intérêt est plus élevé.  

Geneviève en situation précaire

Le couple devrait aussi, de façon urgente, signer une convention de vie commune, établir un testament et revoir ses assurances vie. Geneviève, la conjointe d'Antoine, a quitté le marché du travail il y a six ans, lors de la naissance de leur premier enfant. Elle a l'intention d'y retourner en 2013, mais compte se réorienter. Elle n'a aucune épargne en prévision de sa propre retraite.

Le couple n'est pas marié, ce qui place Geneviève en situation précaire. Comme elle et son mari n'ont pas rédigé de testament, elle n'aurait droit à aucun des actifs de son conjoint en cas de décès. Ce sont les enfants et les parents d'Antoine qui sont ses héritiers légaux. De plus, le représentant peut compter sur une assurance vie collective, mais il n'est pas certain qu'elle soit suffisante pour bien protéger sa conjointe et ses enfants.

En cas de séparation, Geneviève risque aussi d'être démunie. Une convention de vie commune permettrait au couple de déterminer comment seraient partagés les actifs s'il se séparait, notamment la caisse de retraite et les REER d'Antoine. Un tel document peut aussi prévoir le versement d'une pension alimentaire pour Geneviève. De plus, Antoine pourrait contribuer dès maintenant au REER de sa conjointe, ce qui permettrait de rétablir une certaine équité dans le couple.

David Paré, Planificateur financier et représentant en épargne collective pour Desjardins Cabinet de services financiers inc.