Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, David Driscoll,  de Seamark.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse ?

Je pense que c'est la mise en place de l'opération Twist par la Réserve fédérale américaine (Fed). La Fed vendra des obligations de court terme pour en racheter d'autres à plus long terme, de manière à faire baisser les taux d'intérêt à long terme. L'objectif est d'encourager les entreprises à emprunter afin de propulser la croissance économique. On en parlait depuis déjà quelques semaines, mais les investisseurs ont été surpris par l'ampleur de l'offensive. Et surtout, les marchés ont été surpris par les propos de la Fed qui a dit que les risques pour l'économie étaient très élevés. Cela a fait ressurgir le spectre d'une récession, alors que la plupart des économistes s'attendaient à une longue période de croissance économique modérée.

Je crois que l'opération Twist aura un impact limité. Mais il est difficile de voir ce que les gouvernements pourraient faire de plus, en ce moment. Quand on regarde la politique monétaire, les taux d'intérêt sont déjà extrêmement bas. Et du côté de la politique fiscale, les gouvernements ont très peu de marge de manoeuvre, car les déficits sont très élevés. Normalement, ce sont les deux cartes que les gouvernements ont dans leurs manches pour stimuler l'économie. Mais il sera difficile de les utiliser.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment ?

Je garde toujours un oeil sur les indicateurs avancés de l'économie. Mais en ce moment, je surveille attentivement la réaction des pays de l'Union monétaire européenne face aux problèmes de la Grèce. C'est ce qui fera bouger les marchés au cours des prochaines semaines.

Est-ce que l'Europe ira vers des euro-obligations ? Plusieurs se posent la question. À long terme, ce serait probablement une bonne idée de mutualiser les dettes de tous les pays. Cela ne se fera pas du jour au lendemain. Mais à court terme, n'importe quelle indication que l'Europe s'en va dans cette direction sera une bonne nouvelle.

Que feriez-vous avec 10 000 $ à investir ?

J'investirais dans des actions de sociétés très stables qui versent de bons dividendes. Des sociétés qui ont une marque de commerce très solide, qui sont très rentables, qui génèrent d'importantes rentrées nettes de fonds permettant de continuer de verser le dividende. Je viserais le secteur de la consommation de base qui s'en tirera mieux que le reste de la Bourse, compte tenu de sa nature plus défensive. L'américaine Kellogg (K, NY) et la société Reckitt Benckiser (RB, Londres ou RBGPY, Pink Sheet) qui fabrique les détergents Lysol, versent des dividendes supérieurs à 3 %. Nestlé (NESN, Suisse ou NSRGY, Pink Sheet) ainsi que Diageo (DGE, Londres ou DEO, NY) qui produit la vodka Smirnoff, ont un dividende autour de 4 %. Selon nous, il est plus facile et moins coûteux d'investir dans ces sociétés à la Bourse américaine, sous forme d'ADR, plutôt que d'acheter les titres directement en Europe.

Quel placement évitez-vous à tout prix ?

Je resterais loin des obligations qui sont très dispendieuses, particulièrement en Amérique du Nord. Par exemple, les obligations de 10 ans versent moins de 2 % d'intérêts. Votre capital se fait manger par l'inflation.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement ?

Les marchés ont sous-estimé l'incertitude économique. Les gens n'accordent pas assez de probabilité à un scénario de rechute de l'économie dans une deuxième récession, alors que les risques sont élevés. Je reste optimiste à long terme, mais à court terme ce sera difficile pour les investisseurs. Il y a tellement de vents contraires.