Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine: Monique Gravel, de CIBC Wood Gundy.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Ce qui est arrivé cette semaine, c'est Bâle III. Le nouvel accord aura un impact majeur à travers le monde. Le niveau de capital requis dans les banques sera plus élevé, afin de mieux protéger les investisseurs. Cela renforcera la confiance envers le système bancaire mondial qui sera plus robuste.

Les règles de Bâle III auront beaucoup plus d'impact sur les banques étrangères que les banques canadiennes qui sont déjà plus solides, mieux réglementée. Notre ratio de capital de première catégorie (Tier One capital) était deux fois plus élevé que celui de nos concurrents étrangers.Mais les banques ont énormément de temps pour s'ajuster. Bâle III a été très bien pensé. Ce n'est pas arrivé comme un cheveu sur la soupe, comme Sarbanes Oxley (ndrl: la réforme américaine adoptée dans la foulée du scandale comptable d'Enron) qui n'a pas eu les résultats souhaités, et qui a même créé plus d'ennuis dans certains cas.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Je suis attentivement les changements des taux d'intérêts. Chez nous, la Banque du Canada vient d'augmenter son taux directeur de 0,25%. Ça me dit deux choses. Premièrement, ça veut dire que notre économie va assez bien merci. Les statistiques disent que le pays n'est pas à la veille de retomber en récession, bien au contraire. Et deuxièmement, une hausse des taux d'intérêts, c'est une bonne chose pour les investisseurs, même si ça peut sembler difficile à concevoir. Les intérêts représentent un rendement et un revenu pour les investisseurs. Depuis 5 ou 10 ans, leur taux de rendement a été beaucoup plus faible que prévu. Les investisseurs ne s'étaient pas préparés pour des rendements si faibles, durant si longtemps. Cela a fait mal aux régimes de retraite et à tous ceux qui gèrent leurs fonds de retraite.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Il faut se concentrer sur les plus grandes entreprises, soit canadiennes ou américaines, celles qui sont très bien gérées, qui ont des flux monétaires en croissance, ainsi qu'un dividende en hausse constante depuis plusieurs années. Sur la liste des sociétés canadiennes de grande qualité, on retrouve les sociétés financières, les conglomérats, les télécommunications, les pipelines... il y a du choix. Aux États-Unis l'univers est encore plus vaste, mais il y a le risque de la devise qui ne convient peut-être pas à tout le monde

Aujourd'hui, il faut retourner à la base. Il y a une prime de risque sur les actions qui avait disparue dans les années 90. Présentement, l'investisseur est mieux payé avec un bon titre canadien qu'avec des obligations à long terme. Alors, pourquoi considérer autre chose? Le revenu sur votre placement est plus élevé, et il sera en croissance.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

N'achetez pas un produit qui est très complexe si les promesses de rendement sont ordinaires. Il y a beaucoup de produits structurés qui permettent de réduire le risque. Mais il y en a d'autres qui sont excessivement complexes et qui n'ajouteront pas nécessairement de rendement, à moins de très bien les comprendre. Par exemple, des fonds négociés en Bourse à levier inversé peuvent procurer le rendement désiré, mais si vous avez mal compris ce qu'il y a à l'intérieur... ce serait mieux d'aller faire vos devoirs.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Les gens ne voient pas jusqu'à quel point la qualité des dettes souveraines peut avoir un impact à travers le monde. Les gens savent ce qui se passe en Grèce. Mais ils ne mesurent pas trop ce qui se produirait si la Grèce cessait de rembourser, et jusqu'à quel point cela pourrait influencer d'autres pays.

Monique Gravel a été la première Québécoise à prendre les rennes de CIBC Wood Gundy, en novembre dernier. Elle fait carrière depuis 32 ans pour le cabinet de courtage, l'un des plus importants au Canada avec 110 milliards d'actifs, 2500 employés, incluant plus d'un millier de conseillers financiers, dont 170 au Québec.

Photo fournie par CIBC Wood Gundy

La conseillère de CIBC Wood Gundy, Monique Gravel.