La jeune entreprise technologique de Québec Vooban, spécialisée en services d’intelligence artificielle appliquée, vient d’accueillir un premier investisseur externe depuis sa fondation en 2011, alors que la Caisse de dépôt et placement vient de prendre une participation minoritaire à son capital. Une association qui permettra au groupe de prendre de l’expansion et de contribuer à la transformation numérique de nombreuses entreprises qui font partie du portefeuille de placements de la Caisse.

La première chose que j’ai demandée à Kevin Moore, fondateur et PDG de Vooban, a été de m’expliquer quelle était l’origine du nom plutôt inusité de l’entreprise.

« C’est en l’honneur de Sébastien Le Prestre de Vauban, un architecte et ingénieur français du XVIIsiècle qui a inspiré la construction en forme étoilée de la Citadelle de Québec. On l’a modernisé avec les deux O en référence à Google », m’explique simplement l’entrepreneur techno.

C’est qu’avant de fonder Vooban, en 2011, Kevin Moore a travaillé durant six ans pour le compte de la multinationale japonaise Fujitsu (ancienne DMR) au centre de recherche Valcartier de Recherche et développement pour la défense Canada, où il a été responsable de coordonner les travaux de recherche en commandement-contrôle pour l’armée canadienne.

« Il fallait développer des logiciels de prise de décision et faire le lien entre Fujitsu, Thales et General Dynamics. J’ai quitté en 2008 pour me joindre à un nouveau groupe de développeurs informatiques à Québec qui n’a pas marché, avant de partir à mon compte comme consultant. C’est à ce moment-là que j’ai préparé avec un partenaire le lancement de Vooban », résume Kevin Moore.

Durant deux ans, lui et son associé de l’époque, Martin Langlois, ont continué de réaliser des mandats de consultant tout en mettant sur pied leur entreprise qui employait cinq personnes en 2011, principalement des anciens collègues de Fujitsu avec qui ils avaient travaillé au centre de recherche à Valcartier.

On a fait un premier projet pour Desjardins, puis un autre pour PPP, qui faisait la vente de produits de garanties pour les concessionnaires automobiles. On a tout refait l’architecture de leur système de gestion informatique. Après deux ans, on était rendus à 25 employés.

Kevin Moore, PDG de Vooban

C’est toutefois en 2017-2018 que Vooban a réalisé un grand coup en reconstruisant tout le système de logistique du groupe maritime QSL de Québec, qui exploite 40 terminaux portuaires en Amérique du Nord, en incorporant notamment l’intelligence artificielle dans les processus opérationnels du groupe maritime.

« On a refait les systèmes de chargement des trains et des camions, la gestion des itinéraires, la facturation, la gestion des équipements avec la télémétrie. QSL est maintenant quatre fois plus gros qu’en 2017 et on les accompagne toujours », souligne Kevin Moore.

Au cours des quatre dernières années, Vooban a enregistré une croissance annuelle de 50 % de ses revenus et s’aligne cette année encore pour connaître une autre forte hausse de ses ventes.

« On a embauché 47 personnes l’an passé, on est rendus à 135 employés, dont 60 développeurs et une trentaine de spécialistes en intelligence artificielle, dont 20 Ph. D. On a ouvert un bureau à Montréal, où travaillent 40 personnes, et on prévoit embaucher encore cette année », ajoute l’entrepreneur.

Un partenaire de croissance

Depuis sa fondation, Vooban a toujours financé sa croissance à même les revenus qu’elle générait, mais l’entreprise a décidé d’accélérer la cadence par la voie des acquisitions.

« On avait déjà eu des discussions avec la Caisse, qui souhaitait que l’on accompagne certaines entreprises de leur portefeuille d’investissement dans leur transformation numérique. L’an dernier, on a eu une offre d’achat très sérieuse par un grand groupe canadien, on est retournés voir la Caisse et on a décidé de s’associer avec eux. Ils ont pris une participation minoritaire de moins de 30 % », explique le PDG.

Vooban a été désignée Entreprise de service en intelligence artificielle de l’année par l’organisme Scale AI, en juin dernier, et a entrepris de renforcer ses services en intelligence d’affaires en procédant à une acquisition.

Avec son nouvel associé Hugues Foltz, vice-président exécutif depuis 2019, Kevin Moore est en train de finaliser l’acquisition d’une firme de 60 spécialistes dans le domaine de l’intelligence d’affaires.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Kevin Moore, PDG de Vooban

On intègre l’IA dans les processus opérationnels de nos clients en développant des applications web et on a toujours besoin de données pour pouvoir implanter des systèmes de prévision.

Kevin Moore, PDG de Vooban

La prochaine étape sera de faire une percée en Ontario et aux États-Unis, dans les États de la Rust Belt et de New York, où le groupe veut réaliser des acquisitions pour disposer d’antennes qui permettront d’accélérer son expansion.

Le partenariat avec la Caisse ouvrira également à Vooban le portefeuille d’entreprises québécoises dans lesquelles la Caisse est actionnaire et qui doivent réaliser ou accélérer leur transformation numérique.

« C’est gagnant pour la Caisse, qui veut augmenter la profitabilité de son portefeuille, et c’est gagnant pour nous, parce que ça nous ouvre un vaste bassin d’entreprises où on pourra déployer nos solutions », observe Kevin Moore.

Offres d’acquisition

L’entrepreneur techno ne le cache pas, Vooban reçoit régulièrement des offres d’acquisition – pratiquement toutes les semaines –, et même si l’entreprise souhaite poursuivre son développement de façon autonome, elle prend le temps de classer chacune des propositions.

« On n’est pas fous, si on reçoit une offre exceptionnelle, on va la regarder et la Caisse aussi ne refusera pas de réaliser un gain important sur son investissement. On n’est pas là pour l’instant, mais je garde tout en mémoire », dit le PDG de Vooban.

Les bureaux de Vooban se trouvent d’ailleurs au même étage que ceux de Levio, société-conseil en informatique de Québec qui est elle aussi en mode d’expansion accélérée. La semaine dernière, lors d’une rencontre dans l’ascenseur, son président François Dion a rappelé à Kevin Moore qu’ils devraient aller déjeuner ensemble prochainement.

« Je lui ai dit que si c’était pour discuter encore de notre acquisition, ce n’était pas nécessaire », relate en riant le PDG de Vooban.