«À Montréal, tu peux commander une fille comme une pizza. Tu la veux grande, blonde, mince, avec des seins de taille B ou D, et une demi-heure plus tard, la fille est livrée chez toi. C'est aussi facile que cela!»

Pascale Philibert aimerait que les Montréalais cessent de jouer à l'autruche. Leur ville est la Mecque de l'industrie du sexe en Amérique du Nord. Et la corruption, à Montréal, ne concerne pas que les égouts et les trottoirs, tranche cette intervenante auprès d'adolescentes exploitées sexuellement par des gangs de rue.

Les quelque 200 salons de massage, la trentaine de bars de danseuses et les milliers d'escortes qui s'affichent sur l'internet font de Montréal une capitale du sexe prisée par les touristes américains.

Dans un rapport sur la traite des personnes, le département d'État des États-Unis a d'ailleurs désigné Montréal comme une destination majeure pour le tourisme sexuel.

Cette réputation peu enviable a été consacrée le 14 avril, quand la série télévisée américaine Family Guy a rendu hommage aux bars de danseuses de Montréal - ces lieux «magiques» où les clients peuvent toucher les filles sans que cela ne leur pose le moindre problème.

Des agences de voyages américaines organisent des tours sur le thème du sexe dans la métropole, a constaté La Presse. «Peu importe le type d'expérience adulte que vous cherchez, vous le trouverez fort probablement à Montréal», lit-on sur le site web de Global Express Tours, une agence du Massachusetts.

«Le sexe est la marque de commerce du tourisme montréalais, dit Louise Dionne, coordonnatrice du Comité d'action contre la traite humaine interne et internationale. Le logo de Tourisme Montréal, c'est des lèvres de femmes. Sans vouloir être machiavélique, je crois que cela en dit long!»

À Tourisme Montréal, on admet jouer sur cette image de «ville de party». «Cela dit, on ne fera jamais la promotion du tourisme sexuel, c'est impensable!», s'exclame la porte-parole Alexandra Graveline.

Pour des raisons évidentes, l'organisme n'a jamais étudié la part des retombées générées par le tourisme sexuel à Montréal. «Plusieurs disent que Montréal est le Las Vegas du Nord, que les Québécois sont plus à l'aise avec le sexe. Il n'y a pas de volonté politique pour changer les choses», se désole Coleen MacKinnon, fondatrice des Affranchies, un organisme de lutte contre l'exploitation sexuelle.

C'est ainsi que la dure réalité d'adolescentes fragiles, exploitées par des gangs criminels, reste largement ignorée des autorités, déplore Pascale Philibert. «La corruption, ce n'est pas juste au niveau financier. C'est aussi au niveau du commerce sexuel, dit-elle. Que ce soit des politiciens ou des hommes d'affaires, il y a trop d'hommes qui en profitent, ça c'est clair.»