Parka Canada Goose, sac de sport en bandoulière et iPhone à la main. Sami Sheikh, 24 ans, ressemble à n'importe quel Montréalais de son âge. Pourtant, le jeune homme est menacé d'expulsion vers le Pakistan, un pays où il n'a jamais vécu et où il n'a plus de famille.

«Je n'ai aucune idée de ce qui va se passer maintenant», dit-il, dans un français courant. Ses sentiments sont partagés entre l'inquiétude, l'incrédulité et la colère.

Arrivé au Canada à l'âge de 12 ans, après avoir vécu aux Émirats arabes unis et aux États-Unis, il ne conserve que des souvenirs brefs et violents de ses séjours au Pakistan, à la fin des années 90. «Je n'ai aucune idée de la façon dont ça marche au Pakistan en ce moment», explique-t-il.

Sami, ses parents et ses deux soeurs aînées ont obtenu l'asile au Canada en 2001. Mais ce statut leur a été retiré six ans plus tard, une fois que les autorités canadiennes ont découvert que les parents avaient fait une fausse déclaration à leur arrivée. Les parents ont été renvoyés vers les États-Unis en 2009, où ils vivent encore aujourd'hui. Mais le jeune homme, qui parle aussi couramment anglais, a préféré rester à Montréal. Il vit toujours, dans l'appartement familial de Parc-Extension.

Sami Sheikh était alors certain de pouvoir régulariser sa situation facilement. En 2010 en effet, la Cour fédérale a demandé à Immigration Canada d'examiner une nouvelle fois sa demande de résidence permanente pour motifs humanitaires, rejetée dans un premier temps avec celle de ses parents. Son jeune âge, sa méconnaissance du Pakistan et ses liens avec le Québec et le Canada plaidaient en sa faveur, selon le juge Pinard. Cette décision, plutôt inhabituelle, lui a semblé de bon augure.

Mais à sa grande surprise, sa deuxième demande de résidence permanente a été rejetée au printemps.

«Je suis allé à l'école française au secondaire, j'ai fini ma scolarité, je travaille à temps plein, je n'ai pas de dossier criminel», énumère M. Sheikh. Il travaille, depuis six ans, au soutien technique d'une société de sondages de Montréal. «J'ai fait toutes les démarches afin de montrer mes efforts pour vivre ici.»

Ses acquis l'aideraient au Pakistan

Ironiquement, Immigration Canada considère que les preuves de son intégration au Québec comme sa maîtrise de l'anglais sont autant d'atouts pour son retour au Pakistan.

«Il est jeune, capable, a une éducation et une expérience professionnelle canadienne, qui, je crois, seront facilement transférables et utiles à son installation au Pakistan», explique l'agent d'immigration dans la lettre justifiant le refus de sa demande de résidence permanente, datée du 30 avril.

Ses parents, résidents permanents à New York, pourraient le parrainer pour les États-Unis. Mais cette démarche peut prendre plusieurs mois, et Sami Sheikh craint d'être expulsé vers le Pakistan dès le mois de décembre. S'il part, ce sera la première fois qu'il traverse les frontières du Canada depuis son arrivée ici.

«M. Sheikh a de nouveau demandé à la Cour fédérale de revoir la décision et sa demande est présentement devant les tribunaux, commente de son côté un porte-parole d'Immigration Canada. Toute personne a droit à l'application régulière de la loi; toutefois, une fois qu'elle a épuisé tous les recours juridiques, nous nous attendons à ce qu'elle respecte notre loi en matière d'immigration et quitte le Canada.»