L'arrondissement Rosemont-La-Petite-Patrie s'inquiète pour la santé des occupants de trois anciens bâtiments industriels convertis en immeubles à logements. Une demi-douzaine d'inspecteurs lanceront mercredi matin une importante inspection pour vérifier la salubrité des lieux après avoir reçu deux plaintes.

De l'extérieur, le 5455 rue d'Iberville ressemble à un bâtiment industriel désaffecté avec ses vitres cassées et sa façade défraîchie. Mais en y regardant de plus près, la présence d'une dizaine de coupoles satellites et les voitures garées dans le stationnement révèlent une tout autre réalité: l'édifice est habité.

L'arrondissement a décidé de lancer une vaste inspection après avoir fait condamner un logement pour insalubrité, voilà quelques mois. «Il y avait des gros problèmes de moisissure, de refoulements, bref des problèmes qui pouvaient causer des ennuis de santé», résume le maire de Rosemont, François Croteau.

Cette inspection a toutefois permis à l'arrondissement de constater que l'édifice qu'elle croyait occupé par des ateliers d'artistes abritait en réalité 31 logements. Et en y regardant de plus près, deux autres bâtiments voisins, appartenant au même propriétaire, Sam Fattal, semblent aussi avoir été convertis. Ces immeubles, qui abritent respectivement 75 et 24 logements, seront inspectés au cours des prochaines semaines.

Selon l'arrondissement, les permis d'occupation des trois bâtiments de la rue d'Iberville, plantés à l'intersection du boulevard Masson, stipulent que seuls des ateliers d'artistes y sont permis. Cet «usage», dans le jargon municipal, ne permet toutefois pas aux locataires d'y habiter en permanence.

Le zonage du secteur permet de convertir les bâtiments en immeubles à logements, mais le propriétaire n'en aurait jamais fait la demande. Du coup, les installations n'ont donc jamais été inspectées pour évaluer si elles peuvent soutenir la présence de 130 logements.

Sam Fattal n'a pas retourné les appels de La Presse, mais une de ses employés a indiqué qu'il était victime d'une campagne de salissage d'une ancienne locataire mécontente après avoir été expulsée pour défaut de paiement. Celui-ci semble d'ailleurs collectionner les mauvais payeurs. Ses avocats ont plaidé à 134 reprises ces dernières années devant la Régie du logement pour faire expulser des locataires. Dans plusieurs décisions, les juges administratifs ont soulevé, sans se prononcer, l'ambiguïté sur le statut commercial ou résidentiel de ses bâtiments. L'un des immeubles de M. Fattal a également retenu l'attention des policiers après qu'un employé ait découvert une serre hydroponique dans un des logements, en juillet 2010.

L'employée de M. Fattal jointe par La Presse assure que les immeubles peuvent accueillir des résidents puisque le propriétaire paye des taxes résidentielles. Celle-ci a également assuré que le propriétaire collaborait avec l'arrondissement et qu'il apporterait des correctifs si les inspecteurs en demandaient.

Nettoyage

L'inspection d'aujourd'hui ayant été annoncée voilà quelques jours dans une lettre aux résidents, des employés d'affairent depuis quelques jours à nettoyer les immeubles, a constaté La Presse. Mardi, un homme était à repeindre le plancher du sous-sol du 5455 d'Iberville où un refoulement d'égout est survenu voilà quelques mois. Du personnel travaillait également aux autres étages du bâtiment, notamment à colmater des trous dans certains murs.

Une locataire disant vivre dans l'immeuble depuis dix ans a accepté de faire visiter à La Presse son logement, où elle vit avec son conjoint et son jeune bébé. Elle reconnaît avoir dû composer avec quelques refoulements, mais rien de fâcheux ou qui menace de rendre l'endroit insalubre, assure-t-elle. «Je ne voudrais pas partir d'ici. Je paye à peine 700 $ pour 1500 pieds carrés, c'est peu pour avoir aussi grand. C'est sûr que ce n'est pas le bloc parfait. Quand tu rentres, c'est pas super beau, mais au prix qu'on paye, on ne doit pas s'attendre à avoir des planchers de bois franc. J'aime mieux continuer à passer la mope une fois de temps en temps qu'avoir à déménager» dit la jeune femme.

Elle assure ne pas être seule, plusieurs de ses voisins s'étant inquiétés que l'inspection de mercredi ne mène à la condamnation de l'immeuble. Le propriétaire a d'ailleurs fait parvenir à La Presse une photo d'un graffiti apparu cette fin de semaine: «Merci de nous voler notre maison», peut-on lire, suivi d'une insulte envers l'ancienne locataire ayant porté plainte.

Le maire Croteau se défend de vouloir expulser les locataires. «On veut maintenir les gens dans leur logement, mais on veut s'assurer qu'ils puissent habiter des logements salubres. C'est la seule façon qu'on peut agir sur le propriétaire sans avoir à attendre des plaintes.»