La Ville de Montréal veut pouvoir décider elle-même du nombre et de la localisation des radars photo sur son territoire. Inquiète pour la sécurité des usagers plus vulnérables, l’administration Plante fera valoir au gouvernement ce mercredi la nécessité de reprendre le contrôle sur ces appareils, afin de faire bondir leur nombre dans l’île.

« On a su montrer dans les dernières années à quel point on est proactifs en matière de mesures d’apaisement. Les besoins sont immenses et le radar, c’est une technologie qui fonctionne bien. D’où la volonté de la déterminer nous-mêmes, avec une autonomie complète, puisqu’on a l’expertise du territoire », explique la responsable de la mobilité au comité exécutif montréalais, Sophie Mauzerolle.

C’est elle qui présentera ce mercredi les revendications de la Ville, soutenues par plusieurs autres acteurs du monde municipal, lors de l’étude du projet de loi 48 piloté par la ministre des Transports, Geneviève Guilbault.

Dans sa forme actuelle, la future « Stratégie nationale en sécurité routière » de la ministre retirerait du Code de la sécurité routière l’obligation qu’ont les villes de faire rapport au gouvernement sur la signalisation entourant les radars photo, une fois installés. Québec ouvrirait aussi la porte à l’installation de radars photo par les villes elles-mêmes, mais seulement dans des zones scolaires ou sur des chantiers actifs.

Or, la Ville de Montréal souhaite aller plus loin. L’administration de Valérie Plante souhaite en effet avoir une autonomie complète sur le choix des lieux de ces radars photo, mais surtout sur leur nombre.

Jusqu’à 300 zones ciblées

« En ce moment, il y a 52 radars photo [au Québec], dont seulement 8 à Montréal. Toronto, en comparaison, en a 75 au total », glisse Mme Mauzerolle, qui s’inquiète de ce déficit « alors qu’à la Ville, on a déjà répertorié 300 secteurs où il y a des collisions graves attribuables à la vitesse et au passage au feu rouge ». « On a aussi 800 zones scolaires, dont 100 qui sont sur de grandes artères », insiste-t-elle.

Il y a quelques mois, La Presse avait justement révélé que Québec songeait à multiplier par six le nombre de radars photo sur les routes de la province, pour arriver à plus de 300 en cinq ans, mais à travers le Québec.

Selon nos informations, le gouvernement envisage d’acheter des radars plus modernes, qui permettent de prendre une photo d’une voiture à deux endroits sur une route, puis de calculer sa vitesse moyenne en fonction du temps de parcours. Cela éviterait que les voitures ne ralentissent qu’à l’approche d’un radar.

D’après des données avancées par la Ville, les radars photo réduisent la vitesse de 11 km/h en moyenne, en plus de diminuer de 70 % les passages sur les feux rouges.

« Ça fonctionne, mais encore faut-il que ces appareils soient fréquents, que les gens y soient confrontés sur une base régulière », avance la conseillère.

CAA-Québec, de son côté, s’oppose au souhait de Montréal. L’organisme juge qu’il faut conserver la supervision des radars photo au niveau ministériel « afin d’assurer un déploiement ordonné de ces outils ». Il importe aussi, selon l’organisme, de maintenir l’obligation gouvernementale « d’analyser les sites visés […], car une telle reddition est gage de transparence et d’acceptabilité sociale ».

Le taux d’alcool doit-il être abaissé ?

L’organisme a d’ailleurs aussi demandé mardi à Mme Guilbault d’abaisser la limite d’alcool permise au volant à 0,05 mg par 100 ml de sang dans son projet de loi. « Les effets dans les autres provinces où on a appliqué cette règle depuis de nombreuses années ont été probants. Il y a eu des améliorations de la sécurité routière et des diminutions de décès. On est rendu là », a indiqué Sophie Gagnon, vice-présidente aux affaires publiques de CAA-Québec, mardi.

Son groupe se dit « déçu » de constater qu’« au moment où l’on vise à réduire les décès et les blessures attribuables aux accidents de la route », le projet de loi n’aborde pas du tout la question de l’alcool au volant, un « fléau qui brise des vies ».

Mme Gagnon souhaite que le gouvernement instaure des sanctions administratives lorsqu’un conducteur se fait pincer avec un taux d’alcool situé entre 50 mg/100 ml et 80 mg/100 ml. Le Québec est la seule province canadienne où de telles sanctions ne sont pas appliquées, a-t-elle fait valoir.

Les partis d’opposition semblent ouverts à cette proposition. Le libéral Monsef Derraji a affirmé qu’on ne peut pas « répondre d’une manière assez directe à la sécurité routière aujourd’hui » sans « parler d’alcool au volant ». Le solidaire Étienne Grandmont s’est demandé si le Québec n’était pas « en retard » par rapport aux autres provinces canadiennes et à une majorité de pays européens.

L’ex-policier André Durocher, maintenant chez CAA-Québec, a quant à lui fait valoir que les mentalités ont changé et que cette mesure permettrait de toucher « la masse » de conducteurs fautifs.

Un radar payant dans le tunnel

Déjà l’emplacement le plus payant sur le réseau routier québécois, le chantier du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine a établi un nouveau record de contraventions en janvier. Durant ce seul mois, pas moins de 6466 amendes ont été données pour un total de 2,4 millions de dollars, d’après les données du ministère de la Justice. Cette hausse survient alors que le ministère des Transports a récemment décidé d’ajouter un deuxième radar mobile pour surveiller la vitesse de la circulation. Les contraventions sont particulièrement élevées parce que la vitesse dans cette portion autoroutière a été réduite à 50 km/h et les peines sont doublées en raison de la présence du chantier. L’amende moyenne s’élevait ainsi à 376 $ en janvier dans le tunnel. Signe que cet emplacement est lucratif pour Québec, ce radar photo a représenté à lui seul le tiers des sommes récoltées à travers la province en janvier.

Les signaleurs attendent « depuis longtemps »

À l’Association québécoise des entrepreneurs en infrastructure, l’avocate et directrice générale Caroline Amireault appelle de son côté Québec à ne pas oublier les mesures de protection « attendues depuis longtemps » pour les signaleurs routiers, qui sont aussi de plus en plus victimes de collisions dans le cadre de leur travail. Plusieurs groupes, dont l’Association regroupant les installateurs et signaleurs du Québec, ont déjà réclamé une plus grande présence policière ainsi que des caméras aux abords des chantiers. « Ce projet de loi est une occasion à ne pas manquer », dit Mme Amireault à cet égard.