Dans un courriel interne dont La Presse a obtenu copie, Diane Lemieux prévient les employés de la Commission de la construction du Québec (CCQ) que sa patience est limitée et que les règles d'embauche vont être resserrées.

Vendredi dernier, le millier d'employés et cadres de la CCQ ont reçu un courriel de leur nouvelle présidente. Dix jours après sa nomination par la ministre du Travail Lyse Thériault, Diane Lemieux leur annonce ses couleurs dans un document intitulé «Rendre possible ce qui est pertinent» et présenté sous forme d'entrevue.

Ses réponses brèves, voire lapidaires, ne laissent planer aucun doute sur son style de gestion, ses priorités et ses intentions.

En préambule, l'ex-ministre péquiste réitère que sa volonté est que la CCQ, «maillon fondamental de l'industrie de la construction [...], soit un maillon fort, très fort même».

Le ménage?

Pour atteindre ce but, va-t-elle «faire le ménage» comme cela avait été évoqué lors de son entrée en poste? Diane Lemieux réplique par une pirouette qui ne rassurera pas ceux qui craignent depuis pour leur emploi: «Je n'ai pas l'intention de discourir sur le terme "ménage". Je ferai ce qui doit être fait. Point».

Autre avertissement: «Et autant vous le dire, la patience n'est pas ma plus grande qualité.»

Elle prévient aussi les gestionnaires de son organisme qu'ils ont intérêt à se mettre à son diapason, car «s'ils n'ont pas le goût du changement, ils vont trouver cela bien lourd». Aucun projet initié par l'ancienne direction n'est tenu «pour acquis», et certains échéanciers pourront être reportés au besoin, précise-t-elle.

Garder ses distances

À travers les lignes, on devine que la «Lionne de Bourget» veut s'attaquer en priorité à ce que certains qualifient de trop grande proximité entre la CCQ et certains syndicats, en particulier la FTQ-Construction.

Par exemple, TVA a dévoilé au printemps dernier une liste de dirigeants et ex-dirigeants de la FTQ ou de la FTQ-Construction (Henri Massé, Yves Mercure, Richard Goyette, etc.) dont les proches travaillent à la CCQ.

«Nous devons nous comporter et agir en collègue ou en patron, et entretenir une saine distance avec nos partenaires, insiste Diane Lemieux. Ça peut être compliqué, mais il faut gérer cela, y compris les "apparences" et les perceptions, parce que l'enjeu, c'est la confiance à l'égard de notre organisation.»

À la question: «Est-ce que vous resserrerez les règles d'embauche», la présidente répond par un «oui» évocateur.

Cette proximité qualifiée d'«incestueuse» par certains est un réel problème sachant que la CCQ est chargée de lutter contre la discrimination et l'intimidation sur les chantiers. Rappelons que le torchon brûle depuis plusieurs mois entre la CSN et la FTQ, la première mettant la seconde en cause, en particulier Bernard Gauthier (alias «Rambo»), dans les affaires d'intimidations et de menaces sur les chantiers de la Côte-Nord. Plus récemment, l'exécutif de la FTQ-Construction aurait voulu pousser l'embauche de ses membres ou de candidats au sein de la nouvelle escouade de la CCQ chargée de lutter contre la collusion et la corruption dans l'industrie.

«Sans complaisance»

Dans le même ordre d'idée, Diane Lemieux croit que le fait que la CCQ soit un organisme paritaire ne doit pas empêcher son personnel de dire «non» à ses partenaires «quand il le faut». « Je dis "oui" au paritarisme sans complaisance», écrit-elle.

Celle-ci insiste aussi sur la nécessité de faire preuve de rigueur, l'importance du «bien commun» et de l'éthique: «Ni les intérêts personnels ni les intérêts corporatistes ne peuvent avoir préséance sur les intérêts supérieurs».

Son prédécesseur André Ménard a été poussé vers une retraite anticipée par la ministre du Travail le 20 janvier. Un départ forcé qui a irrité plusieurs représentants syndicaux.

Déjà sur la sellette, son sort a été scellé à la suite de la publication par La Presse de reportages sur des coûteux et controversés voyages de formation à Hollywood, Las Vegas, San Diego ou Hawaii offerts à plusieurs administrateurs de son organisme. Dépenses jugées déplacées par Québec dans un contexte de restriction budgétaire. André Ménard dirigeait la CCQ depuis 1994.