Peu de gens peuvent comprendre comment se sentent les membres de la famille proche de Martin Rouleau aussi bien que Christianne Boudreau. Il y a neuf mois, son fils Damian Clairmont a été tué en Syrie après être devenu un combattant du groupe État islamique.

Hier, la femme de Calgary a tenu à lancer un appel aux proches de Martin Rouleau. «C'est épouvantable pour des parents de passer à travers cela. C'est extrêmement difficile de croire que votre enfant s'est radicalisé à ce point. Moi, je leur dis: il y a un endroit vers lequel vous pouvez vous tourner. Il faut trouver des solutions ensemble. Nous devons nous rassembler pour trouver de l'aide pour nos jeunes. Nous devons communiquer tous ensemble», dit Mme Boudreau.

Le fils de Christianne Boudreau, Damian Clairmont, est mort en Syrie il y a 10 mois à l'âge de 22 ans. Après une adolescence troublée, le jeune homme s'était converti à l'islam. Sa radicalisation est survenue lors d'un changement de mosquée. Il avait dit à sa mère qu'il allait apprendre l'arabe en Égypte, mais il s'est plutôt dirigé vers la Syrie. Un an plus tard, sa mère découvrira que ces jeunes faisaient partie d'une filière djihadiste établie à Calgary.

Pour la mère du jeune Clairmont, le silence n'est plus une option. «Quand on nous a expliqué que notre fils était parti en Syrie, les autorités canadiennes nous ont dit que les gens qui l'avaient radicalisé savaient qui nous étions, où nous habitions et qu'ils pourraient revenir pour se venger si nous parlions. C'est notre propre gouvernement qui nous a dit cela! Moi, je crois qu'au contraire, si tout le monde continue à se taire, ça va continuer!»

La femme de Calgary enjoint les proches de Martin Rouleau, et toutes les familles qui craindraient la radicalisation de leur jeune, à communiquer avec elle.*

Mme Boudreau veut fonder une organisation qui rassemblerait les familles canadiennes touchées par la radicalisation. D'ici quelques jours, un site internet sera officiellement créé.

Aucun appel de Canadiens

Depuis le début de sa croisade pour la déradicalisation des jeunes Canadiens, Mme Boudreau n'a reçu aucun appel provenant de familles canadiennes, alors qu'elle a pu facilement échanger avec des familles françaises et allemandes qui avaient vécu la même chose qu'elle.

«Ici, dans mon pays, personne ne m'a appelée. Pourtant, le problème existe au Canada, comme dans tous les pays occidentaux.» Pour elle, le cas de Martin Rouleau montre la facilité avec laquelle un jeune, possiblement fragile, peut être radicalisé.

«Je travaille avec une petite équipe d'experts, des psychologues familiers avec ces questions. Un imam nous conseille également. Quand les familles constatent que leur jeune se radicalise, souvent, elles paniquent. Or, la meilleure chose à faire, c'est d'aller chercher de l'aide. Il y a de l'aide disponible!», dit-elle.

Il y a quelques mois, le chef du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), Michel Coulombe, indiquait que 130 Canadiens étaient devenus, comme Damian Clairmont et Martin Rouleau, membres de groupes islamistes radicaux. Le ministre Steven Blaney a également indiqué que 80 Canadiens partisans de l'islam radical étaient sous surveillance au pays.

*Pour communiquer avec Christianne Boudreau : (587) 718-1360, 136@hotmail.com Elle s'exprime en français et en anglais et garantit l'anonymat à toute personne qui choisirait de la contacter.

Endoctrinement 101

Le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam, fondé par l'anthropologue française Dounia Bouzar, a déterminé les différentes étapes de l'endoctrinement d'un jeune qui bascule vers le djihad.

1. La rupture avec les amis habituels. Le jeune ne fréquente plus son groupe, n'a plus rien à dire à ses amis, trouve qu'ils ne sont pas «dans le vrai ».

2. La rupture avec les loisirs. Arrêter les cours de guitare, l'entraînement sportif. Remplacer la musique par des chants religieux.

3. Rupture scolaire. Le jeune quitte l'école. Cette étape n'est pas obligatoire. Parfois, l'endoctrinement est si rapide que le jeune n'a même pas encore vu baisser ses résultats scolaires avant de partir pour la Syrie.

4. Rupture familiale. L'autorité du groupe se substitue à l'autorité parentale. Parfois, les jeunes le cachent et continuent à jouer le double jeu. Parfois, ils confrontent leurs parents.

5. Anesthésie affective. Une fois en Syrie, les jeunes coupent le lien affectif qui les reliait à leurs proches.

6. La dépersonnalisation. L'identité individuelle s'efface au profit de l'identité du groupe. Chez les filles, ça passe par le port du niqab, qui efface le contour de leur corps et leur permet de se couper de l'extérieur.

7. Fusion avec le groupe. À travers des comportements clonés, des discours appris par coeur, le refus de consommer des produits «impurs ».