Bien avant que la ministre Geneviève Guilbault invite les sociétés de transport en commun et les élus municipaux à « gérer leur fougère », l’expression avait cours dans les écoles que fréquentait Claudia Turmel, qui en a fait le titre de l’un de ses albums jeunesse.

« À l’époque où j’enseignais, c’est une expression qu’on utilisait beaucoup dans les écoles », raconte l’autrice de Gère ta fougère !, paru en 2021, qui a été surprise de voir la formule atteindre les hautes sphères de la politique québécoise.

Mercredi dernier, la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, a estimé qu’il n’était pas de la responsabilité de l’État québécois de pallier le déficit d’exploitation des sociétés de transport collectif. Elle a plutôt avancé que « le transport collectif sur un territoire donné est d’abord et avant tout la responsabilité des élus et des gestionnaires du territoire donné ».

C’est là qu’elle a utilisé l’image de la fougère, abondamment reprise dans les médias depuis : « Chacun, comme j’aime bien le dire, doit gérer sa fougère et trouver ses propres solutions parce que ce n’est pas réaliste de penser qu’on peut transférer les déficits systématiquement au gouvernement. » La ministre réagissait ainsi dans un contexte où le financement du transport collectif fait périodiquement les manchettes, alors que les déficits des sociétés se comptent par centaines de millions.

Les élus de la Communauté métropolitaine de Montréal ont récemment fait savoir à Québec qu’ils pourraient imposer jusqu’à 228 $ en taxe par auto pour renflouer les transports en commun.

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« J’ai tellement ri »

C’est par l’entremise de lecteurs – et de son illustratrice Karina Dupuis – que Mme Turmel a eu vent de cette tournure de phrase, qui revient dans l’ouvrage un peu comme un leitmotiv. « J’ai tellement ri quand je l’ai su », s’esclaffe-t-elle. Même si elle n’a pas « inventé » l’expression, rappelle-t-elle, elle l’a abondamment utilisée, avec ses propres enfants et à l’époque où elle enseignait.

PHOTO ALEXANDRA QUINN, FOURNIE PAR CLAUDIA TURMEL

L’autrice Claudia Turmel

« Quand on disait ça aux enfants, parfois, ça ne voulait pas dire grand-chose pour eux. Mais on essayait de leur rappeler qu’il fallait qu’ils s’occupent d’eux-mêmes [en premier lieu] », raconte Mme Turmel. De là est née l’idée d’un ouvrage leur étant destiné, avec comme objectif de donner vie à un concept parfois abstrait.

Pour ce faire, Claudia Turmel et Karina Dupuis font voyager – en mots et en illustrations – les petits lecteurs à travers différentes époques de l’Histoire. Chaque fois qu’un personnage rencontre un « problème », il se voit poser trois questions qui doivent l’amener à développer son autonomie. En cas de réponses par la négative, le personnage est sommé de « gérer sa fougère », donc de résoudre ses problèmes par lui-même.

« Quand on écrit des livres pour enfants, on veut toucher leur cœur, on veut les émerveiller et on veut passer de petits messages, avance Mme Turmel. Que ce discours-là puisse aussi toucher les adultes, c’est encore mieux. »

L’engouement soudain autour de l’expression ne s’est pas traduit par une explosion des ventes, selon l’autrice, même si Gère ta fougère ! figure au 5rang du palmarès de la semaine du distributeur ADP. Mais elle ne s’en formalise pas, et se réjouit avant toute chose de toute visibilité dont peut jouir la littérature jeunesse.

Et sur le fond, Claudia Turmel laissera aux experts et aux élus le soin d’évaluer à qui incombe la responsabilité du transport collectif.

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