L'avocat d'Hamed Shafia, fils du couple Shafia, portera en appel le verdict de culpabilité de meurtre prémédité rendu dimanche contre son client.

Le dossier a été déposé en Cour d'appel lundi matin, confirme Me Patrick McCann.

«Nous allons faire valoir des arguments pour démontrer que certaines preuves n'auraient pas dû être admises en cour. Si les arguments ont du succès, la Cour d'appel pourrait autoriser la tenue d'un nouveau procès», a confirmé l'avocat d'Hamed Shafia à La Presse.

Selon Me McCann, il est fort probable que les avocats des deux autres accusés, Mohammad Shafia et Tooba Yahya, portent eux aussi la cause de leur client en appel.

Quelques minutes après que le jury a fait connaître son verdict, l'avocat du père de la famille Shafia, Me Peter Kemp, a également laissé entendre qu'il en appellerait de la décision de la Cour. Selon lui, Mohammad Shafia a été condamné pour ses propos et non pour ses actes.

Pour sa part, l'avocat de Tooba Yahya a affirmé qu'il était déçu de la peine, laissant également la porte ouverte à un appel. Il n'a pas donné suite à nos demandes d'entrevue, lundi.

Dimanche, Mohammad Shafia, 59 ans, Tooba Yahya, 42 ans, et leur fils Hamed Shafia, 21 ans, ont été déclarés coupables du meurtre prémédité des trois filles du couple et de la première femme de Mohammad.

Zainab, 19 ans, Sahar, 17 ans, Geeti, 13 ans, et Rona, 53 ans, ont été trouvées noyées dans une Nissan Sentra au fond d'une écluse de Kingston, le 30 juin 2009. Les procureurs de la Couronne ont mis de l'avant la thèse du crime d'honneur pour expliquer la mort des quatre femmes d'origine afghane qui vivaient à Saint-Léonard.

«La dernière chance»

Selon l'avocat criminaliste Jean-Claude Hébert, il ne faut pas se surprendre que les accusés tentent de faire entendre leur cause devant un nouveau juge. «De façon générale, quand une personne est condamnée pour le pire crime qui existe au pays - meurtre au premier degré -, c'est presque de routine de demander un appel. C'est la dernière chance dont disposent ces gens-là, alors il serait téméraire pour un avocat de déconseiller à son client d'utiliser sa dernière chance.»

Les avocats de la défense vont tenter de convaincre la Cour d'appel que certains témoignages n'auraient pas dû être admis en preuve, notamment des propos rapportés par certains témoins montréalais qui avaient reçu les confidences des enfants Shafia. «J'ai cru comprendre que les avocats se sont opposés à ça [une partie des témoignages]. Ils disent que c'est du ouï-dire. Mais il y a une règle de base dans notre système de justice qui fait en sorte que le ouï-dire - c'est-à-dire répéter ce que quelqu'un d'autre nous a dit - n'est pas admissible en preuve parce qu'on ne peut pas questionner la fiabilité et l'authenticité des propos», explique Me Hébert.

L'avocat criminaliste croit que les membres de la famille Shafia, accusés de meurtre prémédité, vont changer d'avocats, une pratique plus courante en Ontario qu'au Québec lorsqu'il y a des démarches pour procéder à une demande d'appel. En révisant le dossier avec un «regard neuf», les avocats pourraient alors découvrir des pistes de solutions qui auraient échappé au premier avocat.

Me Hébert est cependant loin d'être convaincu que la Cour autorisera la tenue d'un appel. «Traditionnellement, les Cours d'appel ont beaucoup de retenue et de déférence pour un verdict de jury. Ça prend beaucoup d'erreurs pour que le tribunal intervienne. Ça prend des fautes lourdes», souligne-t-il.

Une fois le verdict connu, les avocats disposent de 30 jours pour interjeter appel.

Mais des mois seront nécessaires avant de savoir si leur demande sera autorisée. La Cour d'appel devra d'abord étudier les transcriptions et les éléments de preuve du procès qui a duré 10 semaines. Ainsi, des mois, voire une année, pourraient s'écouler avant qu'on sache si une cour de deuxième instance entendra à nouveau les Shafia.