Le gouvernement Couillard espère annoncer rapidement une revue de la politique sur la consigne, un train de mesures qui, entre autres, haussera de 5 à 10 cents la consigne des canettes et des bouteilles, laquelle n'avait pas été revue depuis le milieu des années 80. Mais déjà, ses orientations font grincer des dents chez les commerçants.

Élément central, tous les contenants de moins de 900 millilitres seront consignés; cela représente plus de 1 milliard de contenants. Des bouteilles d'eau individuelles aux canettes de jus de tomate, ce sont autant de contenants qui ne sont pas consignés actuellement et qui seront récupérés, indique le document de présentation de 22 pages de Recyc-Québec, Modernisation du système de consigne, daté du 29 septembre dernier.

Les groupes consultés ont compris qu'une annonce était à prévoir rapidement; peut-être dès la semaine prochaine, désignée «Semaine de réduction des déchets». On ne confirme rien, toutefois, chez Philippe Couillard. Dans l'appareil gouvernemental, on reconnaît que cette annonce est «sur le radar» pour l'automne. Recyc-Québec soutient avoir le feu vert du gouvernement pour aller de l'avant. L'attaché politique de David Heurtel, Maxime Sauvageau, assistait à toutes les présentations faites aux partenaires.

Des détaillants inquiets

Les emballages Tetra Pak (carton multicouche), les petites bouteilles de boisson en verre et les contenants de produits laitiers ne seront pas consignés. L'intention de Québec inquiète les détaillants qui vendent les produits consignés et qui seraient tenus responsables de l'entreposage des contenants. Un magasin Walmart ou Canadian Tire aurait, par exemple, à reprendre les bouteilles vides qu'il vend.

«Tous les détaillants du Québec qui mettent en marché des contenants consignés sont tenus de les récupérer vides et de rembourser la consigne.» Ceux qui ne respectent pas cette obligation seront mis à l'amende. Le secteur du détail est farouchement opposé à cette orientation, toutefois.

Les bouteilles de plastique de plus de 900 millilitres - les 2-litres de boisson gazeuse, par exemple -, ne seraient plus consignées parce que, généralement, elles sont consommées à la maison. Québec croit que la hausse de la consigne sera une mesure d'incitation puissante pour que ces contenants soient ramassés. Les canettes dont la consigne est déjà de plus de 5 cents ne verront pas leur prix augmenter.

Rien pour les bouteilles de vin

Talon d'Achille des politiques gouvernementales dans ce domaine, la consigne des bouteilles de vin de la Société des alcools (SAQ) ne trouve pas de solution immédiate dans ces orientations, toutefois. Recyc-Québec prévoit que, d'ici 16 mois, «une période minimale», les centres de tri pourront être dotés de trieuses plus technologiquement avancées, des «imploseurs» capables d'isoler les bouteilles du reste des produits du bac de recyclage. Cette avenue éviterait de consigner les bouteilles à la Société des alcools - un réseau qui ne voulait pas manutentionner ses bouteilles vides.

Québec veut aussi prendre la responsabilité du ramassage des contenants consignés. Recyc-Québec aurait la responsabilité de lancer des appels d'offres pour choisir les entreprises chargées de cette collecte. Les mandataires désignés auront la responsabilité de mettre en oeuvre un système de récupération pour tous ces contenants consignés.

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DES STOCKS «EN TEMPS RÉEL»

Le gouvernement paierait pour des machines qui, en temps réel, estimeront le stock de canettes dans les commerces. Dans les dépanneurs, on devrait scanner les bouteilles pour le registre informatique permettant à Québec d'apprécier la quantité de contenants à ramasser. Une intention jugée irréaliste par les détaillants. Un système informatisé sera mis en place.

LES DÉTAILLANTS

Le secteur du détail est sur les dents. Des commerces qui n'ont jamais eu à ramasser les contenants seraient désormais tenus de le faire. On s'inquiète des conséquences sur les ventes des produits nouvellement touchés; une caisse de 24 petites bouteilles d'eau monterait immédiatement de 2,40 $, une somme remboursable une fois les bouteilles récupérées.

RESTAURANTS

Les restaurants estiment avoir évité le pire. Ils craignaient plus que tout d'avoir la responsabilité de consigner les bouteilles de vin vides, avec les problèmes d'entreposage que cela suppose.

LES BRASSEURS

Les grandes brasseries sont sceptiques devant l'appétit de Recyc-Québec. Leur crainte: se retrouver au point de départ si le projet de Recyc-Québec pique du nez. Actuellement, toutes les bouteilles sont consignées, mais seules celles en verre brun sont remplies à nouveau. Les autres bouteilles - Heineken ou Corona, par exemple - seraient ramassées par le mandataire de Recyc-Québec.

LA SAQ

Le réseau de la SAQ est soulagé. La société d'État avait exercé un lobbying soutenu auprès du ministre des Finances Carlos Leitao pour qu'il freine le projet de consigne que prépare depuis deux ans le ministre de l'Environnement, David Heurtel.

ÉTAPES FRANCHIES

Juin 2012, le ministre de l'époque, Pierre Arcand, annonce la modernisation de la consigne. Deux ans de statu quo sous le Parti québécois. David Heurtel tente par la suite de faire avancer une politique. Il est freiné par le ministère des Finances. Au printemps 2015, Recyc-Québec reprend le dossier, qui présente actuellement les «attentes gouvernementales».