Maya et Omo se sont mariés vendredi soir avec, dans leurs bras, la petite Charlie Rose. Les noces ont été devancées d'urgence. Ce soir, Omo sera renvoyé en République démocratique du Congo (RDC), pays où il n'a pas mis les pieds depuis 22 ans.

Il existe pourtant un moratoire sur les expulsions de sans-papiers vers ce pays instable marqué par la guerre et dont Omo Muntu Kashila ne connaît pratiquement rien. L'idée de devoir abandonner sa fille de 10 mois l'angoisse par-dessus tout. Pour cet homme qui a été abandonné par son père, puis par sa belle-mère, la chose est insupportable.

«Ma plus grande peur est de ne plus la revoir, je n'ai pas envie qu'elle vive ce que j'ai vécu sans un père», dit-il en soupirant.

«C'est vraiment un papa dévoué, il s'occupe beaucoup d'elle et ils sont très proches», affirme sa femme Maya Millette-Shaheen. Et moi, j'ai besoin de lui pour élever notre fille.»

Vague d'expulsions

M. Kashila fait partie d'une trentaine de Congolais pour qui le moratoire ne s'applique pas en raison d'un casier judiciaire au Canada ou parce qu'ils sont soupçonnés d'avoir commis des crimes graves dans leur pays d'origine.

La Presse a rapporté cette semaine l'histoire de deux hommes établis ici depuis 15 ans qui sont sur le point d'être expulsés parce que le Canada les soupçonne d'être des criminels de guerre. Les deux hommes clament leur innocence.

M. Kashila n'est pas soupçonné de crime de guerre, mais il a un casier judiciaire au Canada. Son avocat Stewart Istvanffy explique que son client a plaidé coupable pour une fraude de carte de crédit. M. Kashila précise qu'il a fait des achats avec une carte en ignorant qu'elle était clonée. On ne trouve pas trace de cette condamnation dans le plumitif, mais on constate toutefois une condamnation en novembre dernier pour conduite avec les facultés affaiblies.

«C'est une violation importante des droits de la personne, parce qu'il ne connaît pas le Congo, son pays est ici, affirme Me Istvanffy. Le Canada est un des seuls pays qui déporte des sans-papiers dont les enfants sont nés dans le pays d'accueil.»

«Je crains le pire»

«Une condamnation criminelle peut rendre une personne interdite de territoire au Canada. [...] La décision de renvoyer une personne du Canada n'est pas prise à la légère», répond Jacqueline Roby, porte-parole de l'Agence des services frontaliers du Canada. L'agence refuse toutefois de parler du cas précis de M. Kashila.

M. Kashila a fui son pays d'origine à l'âge de 8 ans avec son père et son frère pour s'installer aux États-Unis. Arrivé à Montréal à l'âge de 15 ans, en 1998, il a été abandonné et s'est retrouvé en famille d'accueil. Sa demande de statut de réfugié a été refusée et sa mère biologique a été tuée en RDC.

En abandonnant ses fils, le père de M. Kashila a emporté avec lui des morceaux d'histoire. Pourquoi ont-ils fui? Court-il un risque en retournant dans ce pays?

«Je ne connais plus personne là-bas, je ne sais pas ce qui va m'arriver, je crains le pire», dit M. Kashila.

Tous les recours étant pratiquement épuisés, il devra vraisemblablement quitter Maya et Charlie Rose ce soir sans savoir quand il les reverra.

- Avec Gabrielle Duchaine