C'est la rentrée cette semaine dans les universités. Une rentrée qui se conjugue avec la sortie sur nos écrans d'un film coup-de-poing qui a braqué les projecteurs sur les universités québécoises. À l'heure des déficits, des grèves étudiantes et des naufrages immobiliers, Le Banquet est une réflexion sur le rôle de l'université, des professeurs et des étudiants. Nous avons rencontré deux acteurs du monde universitaire pour faire le point sur ces enjeux brûlants.

Q: Vous avez vu le film Le Banquet, où on décrit les associations étudiantes comme des groupes d'extrémistes qui ont des revendications irréalistes. Qu'en pensez-vous?

R: Le film est une fiction. Pour qu'une fiction soit bonne, il faut qu'elle soit loin de la réalité. C'est une excellente fiction.

Q: Mais est-ce qu'il n'y a pas effectivement un courant plus extrémiste chez les étudiants, avec, par exemple, l'Association pour une solidarité syndicale étudiante, qui réclame la gratuité scolaire?

R: Oui. Mais l'ASSÉ représente 10 000 étudiants, la FEUQ, 120 000. Oui, ils ont une approche beaucoup plus radicale. Nous sommes plus pragmatiques: on est dans une approche solution.

Q: Il n'en reste pas moins que les universités québécoises sont pratiquement en faillite. Comment fait-on pour combler le déficit de 400 millions et régler la question du financement plus viable à long terme?

R: Les racines du sous-financement, ce sont les coupures dans les programmes sociaux fédéraux de 1994. Ces coupures draconiennes, c'est 1,2 milliard de dollars. Le noeud du problème est là. Il y a aussi une grande différence, par rapport aux universités du reste du Canada, dans les dons que font les anciens diplômés ou les entreprises. Entre le Québec et l'Ontario, ces dotations représentent une différence de 575 millions. Oui, les universités sont sous-financées. Mais on crie au déficit perpétuel. Il y a aussi des questions à se poser dans la gestion des fonds.

Q: Vous dites que les universités sont mal gérées?

R: Ce qu'on trouve curieux, c'est que les universités sont gérées par l'argent des Québécois mais les recteurs agissent comme si c'était leur propre argent. Nous, on veut améliorer les processus d'imputabilité, pour qu'il y ait une véritable reddition de compte, dans le respect de l'autonomie universitaire. Il y a une crise de confiance entre les universités et la population. Et le cas de l'UQAM a causé une commotion. Pour rétablir ce lien, il faut une réforme de la loi qui régit les universités.

Q: Donc, pour vous, le problème de gouvernance n'est pas limité à l'UQAM. Il est généralisé.

R: La question se pose. Considérons le cas de l'Université de Montréal, où malgré le règlement adopté par la ministre, on s'est entêté à maintenir une hausse de frais afférents qui violait la réglementation, et ce sans aucune justification.

Q: Pouvez-vous donner des exemples concrets de problèmes causés par le sous-financement des universités?

R: Au premier chef, il y a le nombre d'étudiants par classe. Il y a eu des coupures dans le nombre de professeurs. Dans les bibliothèques, les abonnements aux revues scientifiques sont clairement à améliorer. Des services aux étudiants sont coupés. C'est le genre d'exemple qui me vient à l'esprit.

Q: Si vous aviez soudainement le pouvoir d'avoir beaucoup d'argent et de le l'investir dans les universités, où le dépenseriez-vous?

R: J'augmenterais le nombre et la qualité des professeurs. Je ferais en sorte qu'on aie des collections de qualité internationale dans les bibliothèques et des laboratoires à la fine pointe de la technologie.

Q: Les associations étudiantes sont toutes opposées au dégel des frais de scolarité. Les étudiants ne pourraient-ils pas contribuer davantage au financement des universités?

R: Quand on regarde les chiffres, une hausse des frais de scolarité, ça égale une baisse de l'accessibilité. C'est pour cela qu'on s'y oppose. Le dégel actuel, proposé par le gouvernement, va faire en sorte que 6000 à 13 000 étudiants n'iront plus à l'université. Ça revient, à toutes fins pratiques, à fermer l'Université du Québec à Rimouski. Évidemment, ça n'est pas quelque chose qu'on souhaite. Le dégel, c'est la solution magique qui est invariablement proposée pour régler un problème beaucoup plus complexe.

Q: Est-ce qu'on ne pourrait pas compenser une hausse des droits de scolarité par davantage de bourses offertes aux étudiants moins fortunés?

R: C'est souvent ce qui est véhiculé. Mais dans la situation actuelle, avec le dégel proposé par le gouvernement, c'est 6000 à 13 000 étudiants qui n'iront plus à l'université, même en tenant compte de ce qu'ils recevraient du régime d'aide financière aux études.

Q: Mais pourquoi est-ce que les étudiants qui viennent de familles où les revenus sont confortables ne pourraient pas payer des droits plus élevés?

R: Ça créerait un système à deux vitesses. Si tu es riche, tu payes et ça va, et si tu es pauvre, tu t'endettes. Ça créerait une problématique encore plus sérieuse.