C'est une communauté mohawk toujours aussi divisée qui s'est présentée aux urnes, hier, pour élire les sept chefs qui la représenteront pour trois ans. Alors que tous ou presque à Kanesatake s'entendaient sur la nécessité d'un changement profond au conseil de bande, rares étaient les personnes disposées à révéler pour qui elles avaient voté.

Les deux bureaux de scrutin ont fermé juste après 21h hier, et le dépouillement des votes devait s'étirer jusqu'au petit matin. Au moment de mettre sous presse, il était toujours impossible d'obtenir des résultats préliminaires. Il y a trois ans, aux dernières élections du conseil de bande, les résultats du vote n'avaient été connus que vers 5h le lendemain. «La participation a été plutôt bonne. Beaucoup se sont déplacés pour voter», a dit l'organisatrice des élections, Mary-Jean Vincent. Un peu moins du tiers des 1400 électeurs admissibles auraient exercé leur droit de vote, selon les premières estimations.

Pas moins de 22 candidats étaient en lice pour devenir l'un des six chefs, un poste semblable à celui de conseiller municipal, tandis que deux hommes et une femme se disputaient le poste de grand chef du conseil de Kanesatake. Le grand chef sortant, Steven Bonspille.

La tension était palpable, hier, dans les rues de la communauté. À l'exception des aspirants chefs et de quelques supporters, bien peu de gens acceptaient de se prononcer ouvertement en faveur d'un candidat. «C'est sûr qu'il y a de l'électricité dans l'air dans la communauté et entre les différents candidats, mais c'est comme ça partout, a affirmé Mary-Jean Vincent. Le scrutin s'est très bien déroulé, sans aucun problème.»

«Les gens ne veulent pas dire pour qui ils votent, de peur de subir des représailles si la personne qu'ils appuient n'est pas élue. C'est une élection très polarisée. Les gens sont fébriles», a déclaré un électeur qui a préféré taire son nom.

Les deux bureaux de scrutin se trouvaient à quelques centaines de mètres à peine l'un de l'autre. «Je suis venu voter ici parce que des gens de ma famille s'occupent de l'autre bureau. Je ne voulais pas qu'ils sachent que j'allais voter contre mon cousin», a avoué un homme d'une quarantaine d'années.

Trois équipes, trois visions

Trois équipes s'affrontaient hier. Clarence Simon et cinq candidats, héritiers de l'ancien grand chef James Gabriel, veulent avant tout le retour d'une police mohawk et la reconnaissance par Ottawa des revendications territoriales autochtones.

Paul Nicolas, le dauphin du grand chef sortant, Steven Bonspille, tente personnifier le changement. Pour ce faire, il s'est toutefois entouré de figures bien connues de Kanesatake, notamment de l'ex-chef de police Tracy Cross, condamné par le comité de déontologie policière du Québec pour avoir illicitement enquêté sur James Gabriel. Il peut aussi compter sur l'appui de Sheila Bonspiel, cousine du grand chef sortant.

Veronica Montour et ses alliés, dont Serge Simon, le cousin de Clarence Simon, misaient avant tout sur l'éducation pour remporter le vote.

Dans cette communauté où tout le monde se connaît, tous s'accordent à dire qu'il est temps de panser les vieilles blessures. «C'est fini, les chicanes, assure Clarence Simon. Au bout du compte, ce qui est important, ce n'est pas qui est élu. Nous devons nous réconcilier coûte que coûte. Sinon, Kanesatake est condamnée à vivre dans l'instabilité.»