D’abord, je dois avouer d’emblée que j’ai un peu triché ; Silvia m’avait invité à gagner le nord de l’île en suivant le boulevard Saint-Laurent jusqu’à Ahuntsic, mais comme Sylvain m’avait envoyé dans les parages l’an dernier, j’ai choisi de passer par Côte-des-Neiges et le Vieux-Saint-Laurent pour me rendre directement dans Cartierville. Ce faisant, j’ai découvert en Saint-Laurent un quartier qui vaut certainement le détour. Grâce aux recommandations de collègues qui habitent l’arrondissement (merci, Jean, merci, Josée !), j’ai pu faire le plein de victuailles avant de mettre les gaz vers le Cap–Saint-Jacques.
Il était un peu tôt pour dîner au café Les Bourrelets, mais le croque-monsieur et le sandwich généreusement garni de mes voisines avaient l’air franchement appétissants – leur réaction et leurs propos glanés en sirotant mon excellent café ont confirmé mes impressions. Je me suis donc dirigé vers la pâtisserie Dolci Più, de l’autre côté du boulevard Décarie, pour trouver de quoi faire un petit pique-nique à la plage – pizza sur focaccia et cannoli fraîchement garni, ça promet !
Bon, une tricherie, ça suffit ; à partir de là, on se raccroche à l’itinéraire de Silvia ! Je mets rapidement Roxboro et Pierrefonds derrière moi avant de traverser le charmant village de Sainte-Geneviève. On se sent désormais bien loin du centre-ville. Peu de temps après, voici un secteur presque rural, lequel borde les 330 hectares du parc-nature du Cap–Saint-Jacques, le plus grand parc de l’île de Montréal. C’est ici que se trouve la fameuse plage promise par Silvia. Il fait beau et chaud, des dizaines de familles s’amusent dans l’eau du lac des Deux Montagnes.
Je suis tenté de les imiter, mais je me contente de casser la croûte avant d’aller me balader un peu dans les sentiers du parc – le réseau pédestre s’étend en fait sur 8,3 km à travers les paysages agricoles et forestiers du Grand parc de l’Ouest, un projet en développement qui promet de réunir les cinq parcs-nature de l’ouest de l’île de Montréal, à quoi doivent s’ajouter d’autres vastes espaces naturels tels que l’Arboretum Morgan de l’Université McGill. On parle en tout de 3000 hectares !
Bon, notre promenade n’avait pas de telles ambitions, mais elle nous a tout de même permis de découvrir le château Gohier, résidence improbable construite en 1916 par Édouard Gohier, le premier maire de ce qu’on appelait à l’époque la ville de Saint-Laurent. L’endroit est bien conservé, mais ne sert plus que pour ses installations sanitaires, bien que le grand salon et son impressionnant foyer abritent quelques panneaux d’interprétation naturelle.
Vignes et châteaux !
Si le château Gohier est un peu tristounet, on sera bien servi en poursuivant vers l’ouest sur le boulevard Gouin. En fait, il faut faire des efforts pour garder les yeux sur la route tellement les résidences sont opulentes ! On pourrait s’imaginer un instant dans la vallée de Napa si quelques vignes pouvaient s’ajouter au paysage. Mais diantre, que vois-je ? Serait-ce un vignoble qui se dessine devant notre fier destrier aux sabots de caoutchouc ? Non, on ne fabule pas, il y a bel et bien 28 000 plants de vigne plantés dans les coteaux de Senneville !
Avec ses quelque huit hectares de terre cultivable, le vignoble Le Souffle de vie fait entre autres pousser du chardonnay, du chenin, du merlot, du pinot noir, du chardonnay muscaté – coup de cœur pour ce dernier et j’en profite pour mettre une bouteille de L’Étoile du Matin dans le coffre du scooter. Les propriétaires ont ouvert au public en septembre dernier, en toute discrétion, après avoir mis 10 ans à mettre au point leurs produits, tous certifiés biologiques.
Pour l’instant, les vins du Souffle de vie sont seulement offerts au domaine, bien que quelques restaurants commencent à en offrir, comme Les Bienheureux, petit resto de Sainte-Anne-de-Bellevue dont on dit un (très) grand bien. Parlant de la petite ville de la banlieue ouest, c’est justement le prochain arrêt de notre dépaysant périple. On trouve ici la fameuse promenade du canal de Sainte-Anne-de-Bellevue, un « boardwalk » de bois avec d’un côté les superbes terrasses des nombreux restaurants de la rue Sainte-Anne et, de l’autre, les bateaux amarrés des plaisanciers qui transitent dans l’écluse entre les lacs Saint-Louis et des Deux Montagnes.
Ici, pas le choix de respecter à la lettre la recommandation de Silvia : la crèmerie Icy Vibes propose de sublimes gelatos artisanaux, dont un à la pistache complètement décadent, surtout quand on recouvre la boule de son cornet avec des pistaches concassées. Le goût rappelle un peu les ashtas libanais, et c’est franchement délicieux !
C’est bien repu que je prends le chemin du retour en traversant les tranquilles municipalités de Baie-D’Urfé, Beaconsfield, Pointe-Claire et Dorval, où on aperçoit des amateurs de kitesurf virevolter sur les vagues du lac Saint-Louis. Vous dire combien la ville semble loin ! Silvia, on y retourne quand tu veux !
Voyez le trajet completLe mot de l’autrice du circuit
On m’a donné comme mission d’envoyer Pierre-Marc à la plage, et je sais que j’ai pigé le jackpot : la plage du Cap–Saint-Jacques est sans contredit l’une des plus belles de l’île. En chemin, je suis tombée par hasard sur un vrai de vrai « boardwalk » dont j’ignorais jusqu’ici l’existence, avoue que c’est dépaysant ! On y retourne ensemble ?
Silvia Galipeau, La Presse