Habiter dans un parc et dans une île à Montréal, mais pas dans celle… de Montréal ? C’est la chance qu’ont les habitants des 11 maisons de l’île de la Visitation, située dans le parc-nature du même nom, dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville.

« On a offert à tous les résidants de l’île d’être expropriés. Ceux qui sont restés ont refusé », indique Monique Lussier, qui partage une maison intergénérationnelle avec son fils Philippe, sa compagne Annie et leurs trois enfants.

Son mari, Jacques Paquette, est considéré comme « la mémoire » de l’île de la Visitation, mais depuis que la sienne lui joue des tours à cause de l’alzheimer, on prend soin de lui tout près dans une résidence du boulevard Gouin. Grand raconteur, il aimait s’asseoir sur le balcon de sa maison pour parler du métier de marchand de glace qui se pratiquait autrefois de père en fils dans l’île.

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Annie St-Laurent et Philippe Paquette devant leur maison située au bout de la rue du Pont

On peut toujours voir M. Paquette parler du métier qui a disparu avec l’arrivée des réfrigérateurs dans le site web nouvellement mis en ligne pour les 300 ans d’histoire du site des Moulins (voir onglet suivant).

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Il y a 11 maisons habitées dans l’île de la Visitation.

Avec l’aménagement du parc-nature inauguré en 1983, l’île de la Visitation a beaucoup changé. « Il y avait un golf avant », rappelle Philippe Paquette.

Les Morel

Le golf a été construit par Richard Morel derrière la maison où vit toujours sa petite-fille, Anne-Catherine Morel (la petite-cousine de Philippe Paquette). Ses parents ont grandi dans l’île. « Mon père est né dans la maison ici, ma mère, dans celle là-bas où vit toujours ma tante Danielle », explique Anne-Catherine en nous montrant la pointe de l’est de l’île. « Ils ont grandi ensemble, sont tombés amoureux, se sont mariés jeunes, et habitent aujourd’hui un duplex sur Étienne-Brûlé. Tu vois le quai vert avec un drapeau du Québec au bord de l’eau ? C’est là où ils vivent et où j’ai grandi. »

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Anne-Catherine Morel, Stéphane Raymond et leur fils Clément

Mes souvenirs, c’est la vie à la campagne, mais à Montréal. C’est aussi l’esprit de minivillage sur l’île, et c’est encore comme ça.

Anne-Catherine Morel

Anne-Catherine Morel souligne l’existence d’un article de La Presse datant de 1995 où ses grands-parents, Richard et Émilienne Morel, vantent leur « paradis » dans l’île. « À l’origine, c’est la maison du laitier ici. Mes grands-parents voulaient qu’elle reste dans la famille », souligne-t-elle.

Plus jeune, Anne-Catherine a toujours eu la prémonition qu’elle allait y vivre un jour. « Mon grand-père est décédé ici. Le soir même, j’ai dormi ici pour que la maison ne soit pas vide », se remémore-t-elle.

Aujourd’hui, c’est trop petit pour Anne-Catherine, son amoureux Stéphane et leurs cinq enfants. Les importants travaux prévus devront respecter le caractère patrimonial de la propriété. « Chaque fois qu’on ouvre un mur, il y a une surprise ! », lance celle qui décape la façade.

Quand Anne-Catherine a rencontré son amoureux, ce dernier était gardien de territoire pour la SEPAQ dans la réserve faunique La Vérendrye, mais il savait précisément où était l’île de la Visitation puisque son père avait fini ses jours tout près dans un immeuble de la rue du Pont… « C’est le meilleur des deux mondes », dit le natif de Rosemont qui a vécu dans la communauté de Lac-Simon après avoir appris qu’il était algonquin. « En étant en ville au milieu de la nature, c’est comme si je réconciliais mes deux vies. Et c’est tellement chargé d’histoire. »

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La nature est omniprésente partout dans l’île de la Visitation

Les Valois

Les Valois forment une autre famille importante de l’île de la Visitation. « Je suis né ici, mais j’ai grandi à Laval, indique Benoit Valois. Mon grand-père avait une épicerie sur la rue du Pont, au coin de Gouin. Il y a 80 ans, il a acheté la maison de la famille Lamontagne. »

Benoit a hérité du duplex en 2015 : « Je savais bien que je l’habiterais un jour. »

Mais après la mort de son père, suivie de près par celle de sa mère, il a dû apprivoiser les lieux.

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Benoit Valois

C’était un monde complètement différent pour moi qui vivais en banlieue. La nuit, je n’en revenais pas à quel point il faisait noir et qu’il n’y avait pas de bruit […] Je dis souvent en exagérant que j’ai l’impression de vivre en Amazonie.

Benoit Valois

Depuis juillet dernier, la fille de Benoit, toujours aux études, est sa locataire. « Elle a un bac en urbanisme et elle a fait un travail de session sur l’histoire du cadastre, souligne son père. Des fois, je me dis, peut-être qu’elle va vivre ici […] J’ai aussi un petit-fils, Jacob Valois. Il pourrait y avoir une cinquième génération du patrimoine Valois. »

Il sent qu’il a un devoir de transmission : « Je ne vendrai jamais cette maison-là. Quand je donne mon adresse, les gens disent : ‟hein, tu habites sur l’île de la Visitation ? » »

Les intrus

Claude Meunier se décrit comme « le premier intrus » de l’île. L’ancien preneur de son pour la télé – mais qui n’a pas incarné Ti-Mé – est devenu un insulaire en 1988 par hasard.

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Claude Meunier

Je suis né à Ahunstic et je cherchais une maison dans le coin. J’ai pris le pont par accident en me trompant de rue. Et en voulant faire demi-tour, j’ai vu une maison à vendre.

Claude Meunier

C’était sa première visite dans l’île de la Visitation et, le jour même, il a visité le duplex avec sa mère, pour rapidement faire une offre d’achat, acceptée en soirée. « C’était tout croche, mais l’espace était beau, se souvient-il. J’étais le premier intrus. Les maisons n’avaient pas été revendues depuis de nombreuses années. »

Petit hic : il a fallu que sa transaction immobilière soit entérinée par le conseil exécutif de la Ville de Montréal, car c’était peu de temps après la création du parc-nature.

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Claude Meunier a la main verte.

La cour de Claude Meunier est magnifique : fleurs, plants de légumes (dont les marmottes raffolent), spa, piscine semi-creusée en bois et, dernier ajout, la cuisine d’été. « C’est la campagne en ville », décrit-il.

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Charles-Étienne Pronovost, sa fille Laure et son fils Émile

La maison au toit rouge

Charles-Étienne Pronovost, ses parents, son amoureuse Julie et leurs enfants vivent pour leur part dans la maison du bout de l’île au toit rouge que tous voient en prenant le pont Papineau-Leblanc. « Les gens nous demandent si c’est une auberge », dit Charles-Étienne.

  • La maison du bout de l’île au toit rouge que tous voient en prenant le pont Papineau-Leblanc.

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    La maison du bout de l’île au toit rouge que tous voient en prenant le pont Papineau-Leblanc.

  • Charles-Étienne Pronovost, ses parents, son amoureuse Julie et leurs enfants vivent dans la maison au toit rouge

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    Charles-Étienne Pronovost, ses parents, son amoureuse Julie et leurs enfants vivent dans la maison au toit rouge

  • Des pièces et des rallonges ont été ajoutées au fil du temps.

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    Des pièces et des rallonges ont été ajoutées au fil du temps.

  • « C’est une maison qui a un beat de vacances », confie Julie.

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    « C’est une maison qui a un beat de vacances », confie Julie.

  • Les membres de la famille cherchaient une maison intergénérationnelle lorsqu’ils ont vu que la maison au toit rouge était à vendre.

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    Les membres de la famille cherchaient une maison intergénérationnelle lorsqu’ils ont vu que la maison au toit rouge était à vendre.

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« C’est une maison qui n’a rien de standard et qui a un beat de vacances, ajoute Julie alors que les enfants se baignent avec des amis dans la piscine creusée. L’hiver, on fait une patinoire en avant. »

PHOTO FOURNIE PAR LES PRONOVOST

L’hiver, la patinoire apparaît, pour le plaisir des petits et grands.

Le couple parle aussi d’une maison « Frankenstein ». Des pièces et des rallonges ont été ajoutées au fil du temps, comme en témoignent des murs intérieurs anciennement extérieurs.

Julie, son amoureux et ses beaux-parents cherchaient une maison intergénérationnelle et par « un cadeau du destin », ils ont vu la maison au toit rouge « à vendre ». « Le parc de l’Île-de-la-Visitation était mon endroit préféré à Montréal. Je pensais que les maisons restaient juste dans les familles. C’est un grand privilège », reconnaît Julie.