Paris est dans la dernière ligne droite de la préparation des Jeux olympiques. Une nouvelle arène de 8000 places a été ouverte dans le nord de Paris, le village olympique a été inauguré par Emmanuel Macron au début de mars, et les autorités tentent toujours désespérément de faire en sorte que la Seine soit praticable à la nage d’ici l’été. Le pays se prépare lentement mais sûrement à accueillir les plus de 15 millions de visiteurs qui déferleront sur la capitale et sa banlieue en juillet et août. Mais il y a encore quelque chose à considérer, quelque chose d’un peu moins tangible.

Les Parisiens sont-ils prêts à accueillir ces visiteurs ? À les accueillir vraiment ?

La France a mauvaise réputation en matière de convivialité. Il y a, bien sûr, le cliché de longue date du serveur français snob ou du Parisien acariâtre, et une publication TikTok virale, au début de l’année, d’une Américaine disant en larmes à la caméra que voyager en France était « isolant » et que les Français n’étaient pas accueillants, a suscité des milliers de commentaires, dont beaucoup de personnes d’accord avec elle.

« Je pense qu’il y a 15 ou 20 ans, les Français étaient peut-être moins accueillants, mais aujourd’hui, nous avons dépassé ce cliché. Il y a forcément un petit pourcentage de gens qui ne sont pas gentils, et on ne peut pas y faire grand-chose. C’est une réalité des grandes villes, comme à Londres ou à New York », affirme Corinne Ménégaux, directrice de l’Office de tourisme de Paris.

« Il y a toujours le serveur de café qui ne vous parle pas et vous sert maussadement un Coca-Cola à 15 euros. Je ne dis pas que cela n’existe plus. Mais nous avons constaté une réelle amélioration », assure Frédéric Hocquard, conseiller municipal chargé du tourisme et de la vie nocturne à Paris.

Selon lui, la pandémie de COVID-19 a été le grand tournant. « Il y a eu une période où nous n’avions pas du tout de touristes. L’industrie du tourisme s’est alors rendu compte qu’elle devait faire des efforts. »

L’étiquette du bon hôte… et du bon touriste

PHOTO CAROLYN VAN HOUTEN, THE WASHINGTON POST

Des touristes prennent en photo la tour Eiffel.

Une partie des efforts déployés par Paris pour redorer son blason se traduit par une « charte de l’hospitalité », signée par plus de 1600 entreprises du secteur du tourisme, des hôtels aux restaurants en passant par les guides touristiques. Les entreprises signataires pourront apposer un autocollant ou un panneau sur leur établissement afin que les touristes sachent qu’il s’agit d’un lieu de confiance. La Ville forme également les employés des kiosques à journaux, des boulangeries et des bureaux de tabac afin qu’ils puissent répondre aux questions des touristes.

Ménégaux et Hocquard sont d’accord sur un point : les visiteurs de Paris doivent aussi faire leur part d’efforts. Dans un monde idéal, Ménégaux souhaiterait que les touristes signent eux-mêmes une charte de la « bonne étiquette touristique ».

Les différences d’étiquette sont parmi les premières choses que certains étrangers remarquent lorsqu’ils visitent la France ou s’y installent.

Ember Langley et Gabrielle Pedriani, expatriées américaines et créatrices de contenu sur les réseaux sociaux, ont consacré une vidéo à l’épineuse question de la politesse française dans leur série TikTok « The ABCs of Paris ». Dans la vidéo, Mme Langley prévient que « ce qui est considéré comme poli aux États-Unis ne l’est pas forcément à Paris ». Elles poursuivent en donnant des conseils tels que « Souriez moins », « Engagez un débat pendant le dîner » et « Arrivez en retard, comme il se doit ».

« Lorsque vous êtes un voyageur et que vous venez ici en vacances, il est facile d’oublier que 2 millions de personnes vivent ici. Vous devez être respectueux de la culture locale et aborder vos interactions avec humilité », estime Mme Langley, pour qui il est faux de croire que les Français sont impolis ; il s’agit simplement d’une question de différences culturelles. « Le plus important ici, c’est que le client n’a pas toujours raison ; aux États-Unis, le client est roi. »

La politesse des Parisiens à l’épreuve

J’ai décidé de mettre l’amabilité des Parisiens à l’épreuve. En tant que Britannique vivant à Paris depuis une décennie, parlant français et ayant même obtenu la nationalité française (avec une immense gratitude), j’ai pris mon meilleur accent britannique et je suis allée voir comment on me traitait dans la capitale française.

Première étape : un bouquiniste. Ces libraires des bords de Seine doivent répondre aux questions des touristes jour après jour. L’homme qui tient son kiosque en face de la cathédrale a pris le temps de nous trouver des livres en anglais, avant de nous recommander d’aller voir Shakespeare and Company juste en face, l’une des librairies anglophones les plus célèbres de Paris. Il en a été de même à la boutique de bibelots touristiques, où nous avons demandé notre chemin vers la tour Eiffel.

Maintenant, l’épreuve ultime : demander du lait d’avoine dans un café parisien. Nous avons choisi un endroit touristique sur la place Saint-Michel, où les serveurs étaient tout à fait stéréotypés, en chemise blanche et en nœud papillon noir. Notre serveur s’est approché de nous d’un air hautain, mais n’a pas bronché lorsque nous lui avons répondu en anglais, même s’il n’a pas compris ma question au début. « Hot milk ? », répétait-il sans cesse. Lorsqu’il a enfin compris, il s’est mis à rire en agitant les mains d’un air dédaigneux. « Non, non, ce n’est pas possible, le lait de soja, le lait végétalien, nous n’en avons pas, il n’y a que la vache. » Pour bien marquer le coup, il a ajouté avec un grand sourire : « Meuuuhhh ! »

Ma demande avait suscité le fameux « c’est pas possible » – bien connu de tous ceux qui se sont heurtés à la bureaucratie et au service clientèle français –, mais il avait été dit avec une telle bonne humeur (et un son animalier complémentaire), alors comment aurais-je pu être offensée ?

Cet article a été publié à l’origine par le Washington Post.

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