(Chaumont-sur-Loire) Le 24 avril dernier était inauguré le Festival international des Jardins du domaine de Chaumont-sur-Loire, en France. Invités d’honneur de cette édition 2024, les Jardins de Métis y ont dévoilé FolkFlore, leur vision d’un jardin tissé dans les traditions québécoises et tourné vers l’avenir.

Les oiseaux et grenouilles s’égosillent malgré une pluie qui tourne au crachin par soubresauts plus cléments. Dans cette mélodieuse grisaille, une trentaine de nouveaux jardins conçus par des artisans des quatre coins du monde illuminent le site. Ils sont autant d’œuvres en mutation dans un musée à ciel ouvert.

PHOTO PHILIPPE DEVANNE, GETTY IMAGES

Chaumont-sur-Loire est situé dans le Val de Loire, en France.

Le Domaine de Chaumont-sur-Loire est de ces lieux exceptionnels qui, même dans le Val de Loire où les paysages inscrits dans le patrimoine mondial abondent, se situent dans une classe à part. Rendez-vous culturel, artistique et historique, le site se renouvelle chaque année à travers son festival horticole d’envergure internationale qui se déploie d’avril à novembre.

Depuis 1992, plus de 900 œuvres horticoles, sélectionnées essentiellement par concours, y ont été présentées. Les Jardins de Métis font partie des quelques invités d’honneur à qui l’on a accordé une « carte verte ».

Les attentes sont élevées. Chaumont est une occasion de mettre en valeur le savoir-faire québécois et de se faire une carte de visite à l’international.

Alexander Reford, directeur des Jardins de Métis

Parmi la trentaine de nouveaux jardins présentés dans cette programmation ayant pour thème « Jardin source de vie », FolkFlore se démarque avec une création plus conceptuelle qui propose une réflexion sur le jardin en tant que construction culturelle. Conçue par l’équipe des Jardins de Métis avec les architectes paysagistes Luu Nguyen et Émilie Tanguay-Pelchat, l’installation aborde la tradition dans une facture contemporaine et interactive.

Broder un jardin d’avenir

PHOTO ERIC SANDER, FOURNIE PAR LE DOMAINE DE CHAUMONT-SUR-LOIRE

De gauche à droite, Alexander Reford, Luu Nguyen, Ève De Garie-Lamanque et Émilie Tanguay-Pelchat

FolkFlore se présente : graphique, intrigant, vibrant. Quatre kilomètres de fil tissé dans de grands cadres composent une trame colorée qui évoque le fléché, technique de tissage au doigt classée Patrimoine immatériel du Québec.

L’équipe de Métis pilote ce projet depuis près d’un an. « On voulait une vision qui tienne compte du passé, indique Ève De Garie-Lamanque, directrice artistique du Festival international des Jardins de Métis. Dans l’ère numérique et de consommation actuelle, on est beaucoup tournés vers l’avenir. On a cessé de se transmettre certains savoir-faire. On ressent le besoin de connaître qui on est et d’où on vient. »

  • Point de vue sur FolkFlore

    PHOTO ERIC SANDER, FOURNIE PAR LE DOMAINE DE CHAUMONT-SUR-LOIRE

    Point de vue sur FolkFlore

  • Point de vue sur FolkFlore

    PHOTO ERIC SANDER, FOURNIE PAR LE DOMAINE DE CHAUMONT-SUR-LOIRE

    Point de vue sur FolkFlore

  • Point de vue sur FolkFlore

    PHOTO ERIC SANDER, FOURNIE PAR LE DOMAINE DE CHAUMONT-SUR-LOIRE

    Point de vue sur FolkFlore

1/3
  •  
  •  
  •  

L’inspiration a pris sa source dans la ceinture fléchée d’Elsie Reford, créatrice des Jardins de Métis.

« Alors qu’on cherchait des idées, Alexander [Reford] nous a parlé de la ceinture en soie d’Elsie, raconte Luu Nguyen. J’étais d’abord hésitante. On a tous en tête le Bonhomme Carnaval et les autres clichés associés à la ceinture fléchée. Mais en faisant nos recherches, on a réalisé à quel point cette tradition est riche. Dans le fond, on la connaît peu. »

La rencontre avec la flécherande Yvette Michelin, l’une des rares à maîtriser encore ce savoir-faire ancestral qu’elle enseigne depuis plus de 60 ans, a été déterminante. Elle est également l’autrice d’un livre sur le fléché, dans lequel elle décrit la technique dans un langage paysager : « Elle parle de l’aller, du retour, de diagonales et de croisée des chemins. C’est un discours de promenade. C’est là qu’on s’est rejoints », notent les architectes paysagistes qui ont transposé cette chorégraphie au jardin.

À chacun sa ceinture imaginaire

PHOTO ERIC SANDER, FOURNIE PAR LE DOMAINE DE CHAUMONT-SUR-LOIRE

FolkFlore transpose le langage du fléché au jardin, avec une installation faite de matériaux recyclés qui incarne une vision d’avenir responsable sur les plans écologique, économique et culturel.

De face, les panneaux dévoilent en transparence une palette végétale qui évoque la forêt boréale, ses végétaux de sous-bois et de clairière. Leur trame se densifie vue de côté. Selon les mouvements de l’observateur, les structures se superposent pour créer une multitude de ceintures fléchées dont les couleurs rappellent le blanc de la neige, le bleu du ciel, le rouge du feuillage automnal, le vert de la forêt et les fleurs jaunes des prairies.

On ne voulait pas transposer la ceinture fléchée de manière littérale au jardin. Le défi était de la représenter de façon dynamique et de créer un effet vibrant et cinétique.

Émilie Tanguay-Pelchat, architecte paysagiste

Le résultat est un jeu de couleurs qui change selon les mouvements et les moments de la saison. La ceinture se réinvente sans cesse à travers le regard des visiteurs. Chacun repart avec la sienne en tête. Malgré sa structure statique, le site s’anime lors des visites. Le public expérimente le concept et se prête à son côté ludique, jouant avec les ombres, les cordes, les effets de superposition.

« On a beaucoup reçu de Chaumont qui nous a également inspirés lors de la création de notre propre festival à Métis », note le directeur des Jardins de Métis Alexander Reford. Dans un geste de réciprocité, l’équipe renvoie l’invitation au Domaine de Chaumont-sur-Loire qui aura son propre jardin à Grand-Métis au cours de l’été, à partir du 24 juin, au 25Festival international des Jardins de Métis.

Ce voyage a été organisé en collaboration avec Atout France. Une partie des frais de ce voyage a été payée par le Comité régional du Tourisme de Val de Loire et Air Canada, qui n’ont exercé aucun droit de regard sur le contenu de ce reportage.

Rectificatif
Dans une version précédente de ce texte, une erreur s'était glissée dans le nom de l'oeuvre présentée par les Jardins de Métis. Il s'agit bien de FolkFlore. Nos excuses.

Consultez le site de Domaine Chaumont-sur-Loire Consultez le site des Jardins de Métis

Un peu d’histoire

Introduit au Québec par les Ursulines au XVIIsiècle, le fléché a été transmis entre générations de femmes au fil des siècles. Il requiert peu d’accessoires, mais beaucoup de savoir-faire et de temps. Les tisserandes s’exécutent d’une seule main, la droite, de façon à libérer l’autre pour d’autres tâches. « Comme quoi, ce n’est pas d’hier qu’on fait du multitâche ! », souligne en riant Luu Nguyen.

Portée par les Canadiens français et la Nation métisse, la ceinture fléchée avait plusieurs usages, dont ceux de maintenir au chaud, de panser les plaies ou de transporter des charges. D’abord populaire auprès des coureurs des bois, puis adoptée de manière plus générale dans le Bas-Canada, elle est passée de mode au tournant du XXsiècle pour connaître un bref retour dans les années 1960. Elle demeure toutefois vivante grâce à certains artisans comme Yvette Michelin, qui a fait en sorte que le mot flécherande soit inscrit dans le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française.