Nous vous avons sollicités, lectrices et lecteurs, pour connaître vos couchers de soleil estivaux préférés au Québec. Et vous avez été légion à nous inonder de splendides spectacles, exprimant votre passion pour leur aspect universel et fédérateur. Mais aux rayons de certains disques solaires s’attachaient des histoires spécifiques, porteuses d’espoir et de découvertes. Voici celles qui nous ont particulièrement illuminés.

Sur un air de « violonsoleil »

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE VENT DU LARGE

François Guay en action

Cet été, Patrick Boissonneault et Anne-Marie Gill ont cédé, comme de nombreux Québécois, aux sirènes des Îles-de-la-Madeleine. De passage en ces lieux pour la première fois fin juillet, et en quête d’un endroit où se sustenter en soirée, ils se sont attablés au sympathique restaurant Au vent du large, à La Grave. Ce qu’ils ignoraient, c’est que l’établissement dispose d’un ingrédient secret servi à ses clients.

« C’est un endroit très convivial, presque familial. Pendant le repas, le propriétaire François Guay prend la parole pour annoncer qu’au coucher du soleil, il s’installera sur la grève pour jouer du violoncelle. Il interprète quelques airs classiques, comme du Jean-Sébastien Bach, et le public se masse autour de lui », raconte le couple de vacanciers. Ainsi, tandis que l’astre plonge langoureusement dans l’océan en arrière-plan, les notes du musicien s’élèvent vers les cieux, durant une vingtaine de minutes. On vous laisse imaginer la grâce et l’harmonie d’un tel duo. « Tout simplement magique ! », s’extasient M. Boissonneault et Mme Gill.

Ce rituel est assuré tous les étés depuis neuf ans par François Guay et Isabelle Houle, propriétaires du restaurant qui accueille des chansonniers. « Un de nos clients globetrotteurs de passage aux Îles nous a dit que l’on venait de battre le coucher du soleil à Santorini. J’en reste encore très fière et émue », rapporte Mme Houle.

Deux roues et un disque, au bout du monde

PHOTO FOURNIE PAR ERIC DUCHARME

Un coucher de soleil magnifique après avoir roulé des milliers de kilomètres pour atteindre le « bout du monde » à moto. Cela méritait bien de couper les moteurs et de mettre pied à terre.

En juin, Eric Ducharme décide sur un coup de tête d’enfourcher sa Honda VFR et d’aller parcourir 3000 km. L’objectif ? « Aller au bout de monde, là où la route s’arrête. C’était sur ma to-do list », explique celui qui a été accompagné d’un collègue dans son périple.

Parti de Saint-Bruno, il règle son GPS sur Kegaska, où la route 138 s’arrête, complètement à l’est. En cinq jours, incluant une journée de repos, il réalise son projet. Mais deux évènements se sont invités sur la liste des imprévus. Le premier, c’est qu’il souhaitait initialement rester dans un environnement sauvage, en enchaînant les campings ; mais le Canadien était en train d’effleurer son bout du monde en séries. Vite, une télé, des bières et des croustilles !

Le deuxième s’est dressé sur la route du retour, peu avant d’arriver à Natashquan : un magnifique coucher de soleil enveloppant son but ultime, la fin de la route. « Le sentiment de liberté au guidon et à l’air frais est à son maximum, mais l’envie d’être seulement spectateur de cette scène m’a fait couper les moteurs », se souvient M. Ducharme. Son point d’observation : une petite route menant aux quais, à Pointe-Parent. La vue imprenable constitue aussi une sorte de récompense. « Je revenais de Kegaska après presque 100 km aller-retour sur une route de gravier. Avec une moto sportive comme la mienne, c’était comme un petit exploit. Cette magie dans le ciel était un repos bien mérité », conclut-il.

Un coucher apaisant… mais privatisé

  • Le poste d’observation trouvé par la famille de Caroline Sylvain s’est vite avéré une source d’apaisement pendant la crise.

    PHOTO FOURNIE PAR CAROLINE SYLVAIN

    Le poste d’observation trouvé par la famille de Caroline Sylvain s’est vite avéré une source d’apaisement pendant la crise.

  • Malheureusement, les pelleteuses n’ont pas tardé à raser les arbres et à creuser le sol pour faire place à un projet immobilier.

    PHOTO FOURNIE PAR CAROLINE SYLVAIN

    Malheureusement, les pelleteuses n’ont pas tardé à raser les arbres et à creuser le sol pour faire place à un projet immobilier.

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Comme bien des Québécois, Caroline Sylvain s’est mise à explorer de façon plus poussée les environs de son habitat quand le premier confinement nous est tombé sur la tête. Résidante de Saint-Nicolas depuis une vingtaine d’années, elle s’est lancée avec ses deux fils étudiants sur les sentiers d’un quartier voisin, histoire de garder la forme en marchant et dénicher des lieux charmants. « Un peu par hasard, en s’approchant du fleuve, on a trouvé un secteur qui offrait une vue incroyable vers l’ouest, au-dessus de la falaise, avec un accès aux berges et une petite plage. On s’y est rendus très souvent, en invitant des amis. On l’appelait notre spot au fleuve ! », raconte Mme Sylvain. S’abreuvant de l’apaisement conféré par ce bout de terre et les couchers de soleil réconfortants, la famille a cependant fini par y apercevoir, outre les mouettes, des oiseaux de mauvais augure. Des arpenteurs étaient en effet en train de tâter le terrain.

« Cet espace est malheureusement devenu inaccessible pour faire place à un énorme projet de condos locatifs, visible depuis Cap-Rouge. Les gens qui habiteront là auront une vue incroyable. Mais c’est un peu désolant, parce que c’était un endroit apaisant qu’on s’était approprié comme citoyens », s’attriste la résidante. Elle connaît certes d’autres beaux lieux à proximité, mais qui demandent un trajet en auto. Les couchers de soleil, une chose inestimable ? Pas quand les promoteurs immobiliers s’en mêlent…

Un cadeau de mariage et de consolation

PHOTO FOURNIE PAR BENJAMIN BERGERON-OSAJIE

Pas de célébrations barcelonaises pour souligner les 10 ans de mariage de ce couple, qui avait fait son voyage de noces en 2010 en Catalogne. À la place, un splendide spectacle, gracieuseté des berges du Bas-du-Fleuve.

Après avoir passé leur voyage de noces à Barcelone, en 2010, Benjamin Bergeron-Osajie et son conjoint Eric s’étaient promis de retourner tous les cinq ans dans la ville catalane, notamment pour observer l’évolution de la Sagrada Familia et souligner l’anniversaire de leurs noces. Ils refirent donc le voyage en 2015. Mais 2015 + 5, ça donne quoi ? Un chiffre plus catastrophe que catalan : pour leurs 10 ans de mariage, l’Espagne ne serait pas de la fête.

Alors, le couple s’est lancé sur les routes du Québec, en direction de la Gaspésie. Et un arrêt sur le trajet a rapidement éclipsé l’inaccessible Barcelone. « Le soir de notre anniversaire de mariage, nous avons campé à Rivière-du-Loup et découvert le plus beau coucher de soleil de notre vie. Barcelone a des choses incroyables à offrir, mais ce coup d’œil où le soleil descend entre deux montagnes, la couleur argentée et miroir du fleuve, ainsi que le ciel qui danse avec les couleurs des derniers rayons du jour, c’est absolument unique. C’était une expérience plus simple et plus intime, avec un petit verre de vin rouge, dans un camping. Barcelone n’aurait pu mieux faire ! », raconte M. Bergeron-Osajie, pourtant rompu aux voyages à l’étranger. À tel point que le couple est tombé amoureux de la région et songe à y acquérir un chalet. Alors, pour les célébrations de 2025, ce sera Bas-du-Fleuve ou Barcelone ? « Les deux », tranche-t-il en riant.