Vol en première classe, entrevues autour d'une bouteille de Dom Pérignon, tapis rouges à l.a., lancement de disque à l'Hôtel W... Les journalistes culturels mènent-ils une vie de rêve comme on le prétend? Pour le savoir, notre reporter a suivi pendant trois jours Anne-Marie Withenshaw de Flash et Raphaël Gendron-Martin du magazine Échos Vedettes.

Trois jours passés à boire des Cosmo, serrer des mains félixisées et manger du tartare de saumon. Trois jours à observer ces deux brutes du journalisme à l'oeuvre, à les analyser et leur poser mille et une questions. Autopsie d'un métier glam, pas aussi glam qu'il n'en paraît.JOURNÉE #1

13h30 - Rencontre à TQS

Je rejoins Anne-Marie devant les bureaux de tqs. La blonde est encore plus lumineuse qu'à la télé, c'en est presque complexant. Les présentations à peine terminées, on saute dans le premier taxi en direction de Chez Alexandre pour une entrevue avec Lynda Lemay.

En route, la jeune femme de 29 ans relit les notes de ses recherchistes une dernière fois. Je lui demande en bonne petite journaliste de la fpjq :

«Tu te prépares pas plus que ça??

- Souvent, je peux faire deux entrevues par jour... Ça fait que j'ai adopté une méthode de travail très rapide... Et Lynda, ça doit faire 20 fois que je la rencontre. Je commence à la connaître!

- Est-ce que ça arrive que tu ne sois pas préparée du tout?

- Je ne pourrais pas me le permettre! Ça serait une insulte pour l'artiste!

- Pis Lynda, es-tu fine?

- Oui, elle est fine! Au Québec, c'est vraiment la question. «Es-tu fine?» Je dois me le faire demander une fois par jour!»

14h00 - Entrevue Lynda Lemay

Anne-Marie fait son entrée dans la salle. Elle lance à Lynda en regardant sa tenue:

«C'est beau ton linge, ça glitter!

- Ouais, c'est ma fille qui l'a fait...»

Dans mon salon, j'aurais sûrement fait ma Denise Bombardier et poussé une phrase du genre : «'stie de commentaire de filles». Pas cette fois. Je regarde Anne-Marie travailler, enchaîner sur la tournée de la Lynda en Europe et son quarantième anniversaire, la ramener quand elle se perd dans ses réponses et je suis bouche bée. Elle se souvient de tout : des dates, des événements, de ses oeuvres, name it. Cette fille-là a une mémoire de singe et elle m'impressionne. C'est une pro, les journalistes culturels sont des pros. Ils connaissent tout, ils ont tout vu, tout entendu.

Je veux être elle.

18h - Lancement de Corneliu

Début de soirée. Pour terminer la journée, Anne-Marie et moi nous rendons dans un bar à tapas de la rue Notre-Dame pour le lancement du disque de Corneliu Montano. Sur le chemin, on en pro­fite pour écouter son nouveau cd de covers de Luis Mariano. On rit, c'est sûr.

À peine rentrées dans le bar, le proprio nous met une margarita dans les mains. Puis des bouchées de tartare. Puis encore de la margarita. Au loin, j'aperçois Corneliu dans son petit habit stretch. J'ai peine à contenir mon envie de rire. «Souvent, les artistes que tu apprécies le moins sur le plan musical sont ceux avec qui tu cliques le plus sur le plan personnel. Et vice-versa», relativise Anne-Marie. «Mais au Québec, c'est très rare que je suis déçue ou que je rencontre des gens qui sont notoriously mean.»

Pendant qu'elle se met en place pour son live, j'en profite pour prendre un autre verre de margarita. Non mais, quel beau métier!

JOURNÉE #2

14h - Match d'hockey de célébrités


On est dimanche et il fait beau soleil. Pour notre première rencontre, le journaliste d'Échos Vedettes Raphaël Gendron-Martin (mi-vingtaine, petit, cheveux bruns, yeux bruns) m'a donné rendez-vous dans un aréna de l'est de la ville pour assister à un match de hockey de célébrités. À cent lieux de chez Alexandre.

Nos fesses sont à peine posées sur les bancs pliants de l'estrade et déjà, je l'attaque avec ma première question : Qu'est-ce que tu fais à travailler chez Échos Vedettes?

- J'aime beaucoup les arts et spectacles, faire des critiques de disques, de longues entrevues avec les artistes dans les cafés...

- Et les potins?

- Mais non! Les gens pensent qu'on s'intéresse juste à ça! Y a seulement les cinq premières pages qui sont consacrées à ce genre de contenu-là! Tu le liras, tu vas voir!

- Est-ce vrai que vous inventez des potins?

- Je suis pas un scripteur! J'aurais de l'imagi­nation en maudit si je les inventais. Échos Vedettes, ça fait 45 ans que ça existe... Le magazine aurait jamais duré aussi longtemps si on racontait n'importe quoi.

- Où est-ce que vous les prenez, d'abord?

- Au journal, on reçoit beaucoup d'appels du public. Par exemple, les gens nous appellent pour nous dire qu'ils ont vu deux artistes en train de manger au resto.

- Pourquoi est-ce que vous écrivez «Rumeur», des fois, en haut d'un article?

- Ça veut dire qu'on a eu la confirmation de d'autres sources, sauf du principal intéressé.

- Ah bon. Hey, en passant, savais-tu que Guy A. Lepage s'est fait prendre au lit avec...

16h - Entrevue avec Louis Morissette

Le match est terminé et le potinage aussi. Louis Morissette nous rejoint en combines à deux pas de la chambre des joueurs. Raphaël commence l'entrevue avec une question smooth : «Pis qu'est-ce qui se passe de bon ces temps-ci?» Pendant de longues minutes, l'ombre de Véro parle en long et en large des Mecs Comiques, de c.a., de ses projets futurs. La conversation est entrecoupée de «Pis, comment va la petite famille?» et de «D'autres bébés en vue?» Morissette répond à toutes les questions, le plus naturellement du monde... «On pense que les artistes s'étendent quand ils parlent de leur vie privée, mais non», dit-il. « Ce sont les journalistes qui fouillent! Mais on fait pas juste ça... Sur une entrevue de 15 minutes, je leur parle environ 12 minutes de leurs projets et 3 minutes de leur vie privée. Mais l'affaire, c'est que si la vedette m'annonce qu'elle s'est séparée, c'est souvent ça qui va sortir en premier. C'est le genre de nouvelles qu'on nous demande de chercher.»

16h15 - Entrevue avec Patrice Robitaille

Raphaël attrape Patrice Robitaille à sa sortie de la chambre et démarre la discussion avec un sujet bonbon: son amour du hockey. Après 12 minutes, il lance au gaillard : «Pis, comment va la petite famille?» Soudain, l'Invincible change de visage.

- J'sais pas, tu y demanderas.

- Non mais, la petite doit être rendue à deux ans maintenant, elle doit avoir commencé à parler?

- J'sais pas.

Malaise. La discussion s'arrête ici, ciao-bye. Si j'étais Raphaël, j'aurais presque le goût de me cacher dans la glacière à bière. Mais non. Le reporter conserve son calme naturel. Il en a vu d'autres. «Je respecte ça, dit-il. Moi, ma job, c'est de m'informer. Si la vedette ne veut pas répondre, c'est son choix», dit-il. «Ça arrive environ une fois sur 10.» Une dernière entrevue avec le (sublimissime) Jean-Thomas Jobin et on s'en va. On a d'autres chats à fouetter anyway: ce soir, c'est le Gala de l'adisq, l'un des événements les plus big de l'année.

18h55 - Gala de l'ADISQ

Je retrouve Anne-Marie sur le tapis rouge où une trentaine de journalistes et de photographes sont déjà en poste. À la télé, j'avais toujours eu l'impression que l'entrée des stars était la grosse affaire, que les vedettes arrivaient comme des princesses et tout... Pas vraiment, finalement. L'espace est super petit (environ 10 mètres par 10 mètres) et il est meublé de plantes en plastique cheap. C'en est presque drôle. «Comparé à ça, les tapis rouges à L.A., c'est dément! me chuchote Anne-Marie. Les journalistes se battent pour obtenir des quotes! Ils sont malades mentaux!» À Montréal, ça jase, ça fait des blagues, ça se donne des trucs. La belle entraide. Tous les artistes (ou presque) s'arrêtent pour leur parler. «Aux États-Unis, c'est très rare que les vedettes arrêtent pour parler au Québec», me dit-elle. «C'est parce qu'on est tellement mal placés sur les tapis rouges. Ça m'est déjà arrivée d'être classée 47e sur le tapis rouge, juste à côté de la Serbie!»