Pratiquement tous les athlètes qui font de la nage synchronisée sont des femmes. Selon Synchro Québec, il est temps de décloisonner ce sport et de faire de la place aux garçons.

Environ 2500 personnes pratiquent la nage synchronisée au Québec. De ce nombre, moins de 10 sont des garçons. La directrice générale de Synchro Québec, Julie Vézina, en poste depuis février 2017, espère en voir beaucoup plus dans les années qui viennent. 

Pour ce faire, elle souhaite inclure au moins un nageur dans les prochaines campagnes promotionnelles de sa fédération et créer un programme de développement destiné aux garçons. 

«On veut élaborer un programme rempli d'outils pensés spécialement pour eux, afin de permettre aux clubs de former des groupes de garçons, si les inscriptions sont assez nombreuses, et de soutenir leur progression adéquatement, explique-t-elle. Puisque leur puberté n'arrive pas au même âge que chez les filles et que leurs champs d'intérêt sont différents, il faut avoir une approche différente.» 

Son analyse rejoint celle de Vivianne Ladouceur, une ancienne nageuse synchronisée et future entraîneuse.

«Les garçons ont leur poussée de croissance environ deux ans après celle des filles. Leur flexibilité et leurs forces sont différentes. Il faut prendre en considération leur développement biologique.» 

Durant ses études en intervention sportive à l'Université Laval, la jeune femme a d'ailleurs mené un projet sur l'intégration des garçons dans son sport. «J'ai fait des recherches pour voir ce qui était mis en place chez Synchro Canada, Synchro Québec et auprès de différents entraîneurs pour savoir comment intéresser les jeunes garçons et quelles barrières les tenaient à l'écart de la nage synchro.»

S'adapter

Parmi les éléments qui expliquent leur très faible présence, on retrouve l'aspect «féminin» de la discipline. «Il y a des petites filles qui font de la synchro pour mettre des costumes à paillettes et lever la jambe sur la musique de La reine des neiges, mais il y a aussi des garçons qui n'en font pas à cause de ça, illustre Mme Vézina. On ne veut absolument pas renier l'intérêt des filles, mais il faut trouver une façon d'inclure les gars.» 

Des gars comme Maxime*, un adolescent qui a commencé à pratiquer la nage synchronisée il y a quatre ans dans une piscine de la région métropolitaine, après avoir fait de la natation, du plongeon et du water-polo. «J'adore les sports aquatiques et de performance. Et la nage synchro demande énormément d'énergie, de force et d'entraînement pour faire toutes ces figures. Ce n'est pas facile!» 

Julie Vézina précise que c'est un sport très complet. «Les athlètes doivent avoir une grande endurance anaérobique, pour rester sous l'eau sans respirer pendant 45 à 60 secondes consécutives. Elles sont toujours en train de bouger. Le sport exige des qualités musculaires incroyables, énormément de flexibilité, d'élégance, une conscience du rythme, des qualités acrobatiques pour faire des portées et des périlleux, une bonne orientation spatiale et un grand synchronisme avec la musique et ses coéquipières.» 

Une série de qualités dont le grand public n'est pas toujours conscient. 

«La nage synchro est considérée comme un sport facile, qui repose sur les paillettes et le paraître. Juste ça, c'est un problème. Ensuite, être un gars dans cet univers-là, c'est difficile.»

Photo Robert Skinner, La Presse

Julie Vézina, directrice générale de Synchro Québec

Préjugés

Issue du milieu du plongeon, où elle a été entraîneuse pendant plus d'une décennie, elle rappelle que cette discipline faisait face aux mêmes préjugés avant l'arrivée d'Alexandre Despatie dans le paysage médiatique. «Les performances d'Alexandre ont donné envie à plusieurs garçons d'essayer le plongeon, dit-elle. Et ce n'est plus aussi insécurisant qu'avant pour les petits gars de porter des Speedo. On a fait un pas de géant.» 

En nage synchronisée, les costumes et les chorégraphies très artistiques nourrissent les autres préjugés, selon Vivianne Ladouceur. «Plusieurs personnes croient que les garçons qui font de la nage synchronisée sont automatiquement homosexuels, affirme-t-elle. De façon générale, au Québec, les parents préfèrent inscrire les garçons à des sports d'équipe, comme le hockey, le soccer ou le football. C'est rare qu'on pense au ballet, à la danse ou à la nage synchro pour un gars.» 

Maxime croit que ces perceptions doivent changer. «Moi, ça ne me dérange pas d'être le seul garçon dans un groupe de filles. Mes coéquipières sont très gentilles avec moi. Mais parfois, certaines adversaires me regardent croche. Plusieurs personnes oublient que le sport a débuté avec des femmes ET des hommes.» 

En effet, les hommes ont longtemps pratiqué la nage synchronisée sous forme de ballets aquatiques. Mais le succès des femmes et l'interdiction pour les nageurs synchronisés de participer aux compétitions ont mené à l'abandon de la pratique masculine au Québec, dans les années 20. 

Près d'un siècle plus tard, lors des Championnats du monde de natation de 2015, une épreuve de couples mixtes a été ajoutée. 

La nouvelle directrice chez Synchro Québec croit à l'importance de ces modèles masculins. Tant chez les entraîneurs que chez les officiels et les membres de conseils d'administration des clubs en province. «Il faut valoriser les modèles masculins qui existent et faire valoir leur implication, souligne-t-elle. Présentement, ce n'est même pas une option pour les hommes de penser qu'ils peuvent s'impliquer. Je veux rendre cette image-là accessible.» 

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* Preuve éloquente que la nage synchronisée chez les garçons est encore un sujet délicat, les parents de l'adolescent qui a offert un témoignage pour ce reportage ont demandé que l'on ne dévoile pas son véritable nom.

PHOTO REUTERS

Les nageurs René Robert Prévost et Isabelle Rampling ont représenté le Canada aux derniers Championnats mondiaux de la FINA, en juin dernier à Budapest.