Les victimes d'intimidation ne sont pas que des jeunes. Que ce soit dans leur milieu de travail, dans leurs loisirs ou sur les réseaux sociaux, les adultes aussi peuvent en subir. Mais comment s'en sortir ? Alors que la Journée du chandail rose, qui vise à contrer l'intimidation, aura lieu mercredi, La Presse a décidé de parler de cette problématique avec des personnalités et des experts.

Maripier Morin, Kim Rusk et Abeille Gélinas ont appris au fil des ans à se forger une carapace, pour évoluer sainement dans l'oeil du public.

« À un moment, je me demandais si je n'allais pas me balancer au bout d'une corde tellement la méchanceté était innommable », confie Maripier Morin.

À la sortie de la cuvée 2006 de l'émission Occupation double, elle s'aperçoit que des milliers de personnes l'ont prise en grippe, la traitant de tous les noms.

« Ce fut terrible ! C'était à l'époque des blogues et il y avait un forum où l'on retrouvait de la méchanceté pure et dure. Heureusement, ce qui m'a sauvée, c'est qu'il n'y avait pas de réseaux sociaux. Si ça avait existé, je ne sais pas si je m'en serais remise », ajoute l'ambassadrice québécoise de Revlon et l'animatrice d'Accès illimité.

Elle a 20 ans à cette époque et ne croit plus qu'elle a une place dans le star-système. Sans le sou, elle offre ses services de réceptionniste à Productions J, qui produit Occupation double. L'équipe lui offre plutôt d'être l'une des beautés de sa nouvelle émission Le banquier.

« J'ai commencé Le banquier et c'est comme si ça a effacé tout ce que j'avais fait à Occupation double. Les gens ont oublié que j'étais celle qui avait magouillé, qui sacrait, buvait et parlait fort. »

- Maripier Morin

Depuis, elle a su faire son chemin dans le métier et elle multiplie les projets, comme Code F à Vrak ou son talk-show à Z, Maripier !.

FORCE DE CARACTÈRE

Abeille Gélinas était aussi bien jeune lorsqu'elle a fait ses premiers pas à MusiquePlus comme VJ, il y a 20 ans. Et, comme pour Maripier, le public ne l'a pas accueillie à bras ouverts.

« J'ai été VJ de 17 à 19 ans. Mon école, je la faisais devant tout le monde. C'est sûr que je n'étais pas la meilleure, c'est sûr que je faisais des erreurs. Une chance que j'étais forte et que j'avais une bonne estime de moi, parce que ça aurait pu mal finir. Pour vrai », dit la mère d'un garçon de 20 mois.

La DJ reconnaît toutefois avoir eu de la facilité à mettre cette période derrière elle. « De temps en temps, Pierre Marchand [fondateur de MusiquePlus] me rappelle que ce n'était pas facile pour moi, que les gens étaient méchants avec moi. Oui, Piment fort, je l'ai vécu. Mais, contrairement à ma soeur [Mitsou Gélinas], qui a eu besoin de quelques années pour être en paix avec ça, j'ai oublié assez vite. »

VOIR LES CHOSES DIFFÉREMMENT

Kim Rusk, qui s'est fait connaître en 2006 après avoir remporté la troisième édition de l'émission Loft Story, n'a jamais vécu une période trouble de ce genre. Mais, comme la plupart des personnalités connues, elle reçoit son lot de commentaires mesquins.

« À un moment, une personne dans ma vie était obsédée par ce que les gens disaient sur moi. Il écrivait mon nom sur Google et il regardait ce qui sortait. Ses inquiétudes sont devenues les miennes. Et j'ai laissé ça prendre beaucoup de place. Ça m'a rendue malheureuse. Et là, à un moment, je me suis dit : "Non, ce n'est pas vrai que je vais donner une importance à ça" », explique l'animatrice à CKOI.

Sans entrer dans les détails, elle dit avoir également dépensé plusieurs milliers de dollars en frais juridiques pour se défendre contre une personne qui l'intimidait sur le web.

« Tout ça pour rien, en fait. J'ai fait ça pour défendre mon point, c'est tout. Et à partir de ce moment-là, j'ai changé ma façon de voir les choses. Dans le fond, ce que j'ai toujours voulu faire comme métier, je le fais. Et ça vient avec ce côté-là. Tu ne peux pas plaire à tout le monde », explique Kim Rusk.

Maripier Morin et Abeille Gélinas se sont aussi forgé une carapace, au fil des années. « C'est essentiel pour passer au travers des critiques négatives et commentaires désobligeants. Tu ne peux pas être pure, vierge et naïve dans ce milieu-là. Sinon, ils vont te manger », dit l'ex-concurrente d'Occupation double.

Elle poursuit sur sa lancée : « Tu as deux options quand tu fais face à l'intimidation : tu t'éteins ou tu te crées une gigantesque carapace, qui va te suivre toute ta vie. Cette carapace me sert dans plusieurs aspects de ma vie. Tu peux me dire bien des affaires avant que ça me choque ou m'atteigne, parce que j'ai un thick skin [une peau épaisse]. »

« L'intimidation a toujours existé et existera toujours. On ne peut pas se battre contre ça. Il faut juste apprendre à vivre avec, pour que ça ne nous atteigne pas trop », conclut Kim Rusk.

SE SORTIR DU HARCÈLEMENT PSYCHOLOGIQUE

Il n'est pas rare qu'une personne soit victime de harcèlement psychologique dans la vie de tous les jours, notamment dans son milieu professionnel. Avant de se retrouver en arrêt de travail ou de démissionner, il est recommandé de trouver quelqu'un à qui parler.

L'intimidation est le cheval de bataille de Jasmin Roy depuis des années. Pour lui, il est évident que les employeurs gagnent à éliminer toute forme de harcèlement et d'intimidation au sein de leur entreprise. 

« Une victime va diminuer son rendement, va augmenter son taux d'absentéisme et peut-être faire un burn-out. Alors que c'est prouvé que plus tu es heureux dans ton milieu de travail, plus tu es performant », dit le président et fondateur de la Fondation Jasmin Roy, qui lutte contre l'intimidation, la violence et la discrimination. 

La psychologue et fondatrice de la clinique CHANGE, la Dre Catherine Senécal, est du même avis. Dans son bureau, elle reçoit régulièrement des personnes en arrêt de travail, parce qu'elles ont notamment été victimes de harcèlement psychologique. D'après la psychologue, ces personnes sont nombreuses à ne pas avoir saisi que l'attitude d'un collègue ou d'un patron envers elles n'était pas acceptable. 

« Il est très important en ce moment de sensibiliser la population à cette problématique, explique-t-elle. Parce que, malheureusement, souvent les gens ne sont pas conscients qu'ils subissent du harcèlement psychologique, jusqu'à ce qu'ils se retrouvent dans nos bureaux et en arrêt de travail. »

« Lorsqu'un patron te crie après régulièrement ou lorsqu'un collègue t'humilie constamment en réunion d'équipe, ce n'est pas normal. »

- La Dre Catherine Senécal, psychologue

La première étape est donc de reconnaître la situation. La Dre Catherine Senécal suggère ensuite de résoudre la problématique individuellement, c'est-à-dire de parler directement avec la personne qui nous intimide. « Pour ça, il faut être capable de s'affirmer, ce qui n'est pas le cas de tous. Pour mieux y arriver, nous pouvons consulter un psychologue ou lire des livres sur le sujet », explique-t-elle. 

Si le problème ne se résout pas, il faut passer à la deuxième étape : informer son employeur ou son syndicat de la situation. 

Il est d'ailleurs recommandé de mettre sur papier, au fur et à mesure, les évènements d'intimidation que nous vivons, ainsi que les dates, les lieux et les témoins. 

« Dans les entreprises, il y a aussi des médiateurs qui peuvent être appelés à rencontrer les employés en conflit, avance Jasmin Roy. C'est ce qu'on fait dans les écoles et ça fonctionne bien. Ils sont là pour trouver un terrain d'entente. »

« Il faut comprendre que c'est rare qu'un intimidateur se fasse mettre des limites, explique pour sa part la psychologue. Puisque normalement, la personne qu'il intimide finit par donner sa démission ou se retrouve en arrêt de travail. Alors que là, ils se font expliquer que leur comportement n'est pas acceptable. »

LOI SUR LES NORMES DU TRAVAIL 

La Loi sur les normes du travail protège la majorité des travailleurs du Québec. Si un collègue ou un patron a des propos vexatoires, des comportements hostiles et à répétition, la victime a des droits. 

« L'employeur est obligé de fournir à ses salariés un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique », peut-on lire sur le site de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail. 

Si un employeur apprend qu'un de ses employés subit de l'intimidation, il se doit donc de régler la situation. Sinon, l'employé peut déposer une plainte à son syndicat, à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail ou à la Commission de la fonction publique. 

« Je trouve quand même que les entreprises sont frileuses ; elles n'interviennent pas assez vite lorsqu'il y a du harcèlement psychologique. Il devrait peut-être y avoir plus de formation dans les bureaux et pour les employés des ressources humaines sur ce qu'est le harcèlement », suggère la Dre Catherine Senécal.