Elle venait d'arriver sur le marché du travail. Elle avait décroché un poste permanent d'enseignante, avec tous les avantages sociaux et la perspective d'avoir tous ses étés de congé. Sandrine Faust a démissionné. C'était il y a 20 ans, l'appel d'Allô prof était trop fort. Elle s'est lancée les yeux fermés avec son plan d'affaires griffonné sur quelques pages.

Aujourd'hui, l'organisme Allô prof répond à 16 millions de demandes d'élèves par année, et le concept inspire la France et l'Espagne. Tous les soirs de semaine, une équipe d'environ quarante enseignants, répartis à Montréal et à Québec, répondent à des jeunes qui ont le loisir de conserver l'anonymat. Il est surtout question de mathématiques (60 %), mais les profs trouvent réponse à toutes les matières du primaire et du secondaire.

Autrefois, il n'y avait que la ligne téléphonique. Mais aujourd'hui, les jeunes peuvent appeler, texter, clavarder, consulter la bibliothèque web, visionner des vidéos sur YouTube ou s'exercer dans la section prévue à cette fin. Bientôt, il y aura même des classes virtuelles s'inspirant de Skype, affirme Mme Faust.

Devoirs scolaires

Un chercheur de la Chaire de recherche du Canada s'est penché sur les devoirs à la maison, en analysant le rôle d'Allô prof auprès de plus de 6000 élèves, enseignants, membres de la direction des écoles ou parents. Constat : un élève sur quatre (29,9 %) indique ne pas toujours faire les devoirs scolaires demandés. Ironiquement, la majorité des parents interrogés lors de l'étude (75 %) ont affirmé croire que leurs enfants font toujours leurs devoirs.

« C'est là que le rôle d'Allô prof devient important, estime le chercheur de l'enquête, Thierry Karsenti. Ça ne fait pas "cool" pour un jeune de demander de l'aide aux devoirs, mais Allô prof est au goût du jour. On a constaté que les jeunes apprécient particulièrement les vidéos. Encore plus important, ceux qu'on a sondés ont dit, dans une proportion de 95 %, qu'ils sont prêts à recommander le service à leurs camarades de classe. »

Allô prof est ouvert aux élèves du primaire et du secondaire, mais il ne ferme pas pour autant la porte aux adultes. Mme Faust se souvient de Jean-Max, un analphabète, qui n'arrivait pas à comprendre un menu au restaurant. « Il nous a appelés régulièrement durant sept ou huit ans, se remémore-t-elle. C'était un autodidacte. On lui a recommandé des livres d'apprentissage. Je me souviens qu'il aimait les blagues. On lui a recommandé sa première lecture, c'était un livre de blagues. Aujourd'hui, il sait lire et écrire », raconte-t-elle avec fierté.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

Sandrine Faust, directrice générale d'Allô prof.