Après un scandale autour d'une «Miss String» de huit ans, la Colombie s'est enflammée pour sa nouvelle Miss Univers, confirmant son culte des concours de beauté pour le meilleur comme pour le pire.

Le triomphe de Paulina Vega, sacrée dimanche Miss Univers 2014 lors de la 63e édition du concours aux États-Unis, a suscité une euphorie dans le pays, à commencer par le port caribéen de Barranquilla, sa ville natale, où la fête s'est invitée dans les rues au son de l'accordéon, l'instrument roi de la région.

Une ferveur presque comparable à celle qui avait accompagné le parcours historique de la sélection de football lors du dernier Mondial au Brésil.

«C'était le rêve que mon pays attendait avec tout son coeur», a lancé cette brune piquante de 22 ans, seconde Colombienne à remporter le titre, après Luz Marina Zuluaga, en 1958. «Mon pays aime, respecte et soutient les reines», a ajouté cette étudiante en commerce.

L'impact de la nouvelle, répercutée en boucle sur les réseaux sociaux et saluée par le président Juan Manuel Santos, révèle le poids des concours de beauté en cours depuis les années 30 en Colombie «Les reines sont devenues une tradition et une manière de nous insérer dans le monde», explique à l'AFP la sociologue Paloma Bahamon, en soulignant le côté  patriarcal de la société colombienne où l'aspect physique de la femme revêt une grande importance.

Quatrième économie d'Amérique latine, malgré des inégalités encore très fortes, la Colombie se passionne pour ce type de concours qu'elle décline sur tous les tons, souvent en fonction des cultures locales: Miss Café, Miss Mangue, Miss Banane...

Depuis la petite école perdue dans les Andes jusqu'à la communauté homosexuelle et transsexuelle branchée des grandes villes, les reines sont célébrées avec enthousiasme. En janvier dernier, Medellin, la seconde localité du pays, a ainsi désigné sa première Miss Gay Colombie.

«Capital sensuel»

«Presque toujours, les reines et les footballeurs finissent par devenir des personnes familières dans le coeur des Colombiens», témoigne à l'AFP le mannequin et présentatrice de télévision Paola Turbay, vice Miss Univers en 1992.

Pourtant, il y a seulement quelques jours, un autre concours de beauté a défrayé la chronique, mais cette fois avec une virulente polémique.

Baptisé «Miss String», le défilé de fillettes de moins de dix ans en maillot de bain, organisé à Barbosa, une petite localité dans le nord-est du pays, a provoqué une vague d'indignation sur internet, relayée par la directrice des services de l'enfance, Cristina Plazas, qui a qualifié le concours de «honteux».

À la suite du tollé, le parquet a ouvert une enquête afin de déterminer d'éventuels «actes attentatoires à la liberté, l'intégrité et la formation sexuelle des fillettes», mais le dossier a finalement été classé sans suite.

«Avec la Miss Univers, maintenant, personne ne va pouvoir supprimer Miss String», a prédit à l'AFP Fabian Sanabria, directeur de l'Institut colombien d'anthropologie et d'histoire.

«Quand un pays est en dépression ou dans un contexte de grande violence, il y a des symboles qui aident à compenser ces circonstances critiques», explique-t-il.

Le culte des reines de beauté, une tradition très présente en Amérique latine, a vraiment explosé en Colombie dans les années 80, époque de l'âge d'or des cartels de cocaïne et des barons de la drogue, dont nombre se sont mariés avec des ex-Miss.

La beauté représente un «capital sensuel» qui permet une mobilité sociale, décrypte M. Sanabria. «On pense qu'une personne bien faite peut obtenir un meilleur travail».

La nouvelle Miss Univers colombienne, fille d'un cardiologue, est elle-même issue d'une famille de «reines»: sa grand-mère a représenté la région de Barranquilla pour le concours national de beauté en 1953.

Paulina Vega «jouait avec la couronne de sa grand-mère. Elle n'était pas obsédée avec ça, mais elle s'y est mise sérieusement et les succès ont suivi», a confié sa mère à la radio Caracol.