Pénible, porter le nom d'une personne connue? Pas du tout, répondent Philippe Couillard, Véronique Cloutier, Michel Therrien, Ginette Renaud et même... Guy Turcotte. C'est au contraire un atout pour aborder les gens et - surtout - une occasion de rigoler.

PHILIPPE COUILLARD

Lorsque son homonyme était ministre de la Santé, au milieu des années 2000, Philippe Couillard a reçu chez lui cinq ou six appels plus ou moins cohérents destinés au ministre. Il a donc décidé de retirer temporairement son nom du bottin téléphonique.

À part ce petit dérangement, pour Philippe Couillard, ingénieur montréalais âgé de 48 ans, avoir le même nom que le politicien est d'abord un sujet de plaisanterie, au bureau comme ailleurs. Un de ses collègues a déjà épinglé au babillard un article de La Presse titré «Un gâchis signé Couillard». Depuis, quand il tombe sur des articles aux titres flatteurs (comme «Couillard reste ferme»), il les découpe parfois, histoire de faire rire.

Lorsque Philippe Couillard se nomme au téléphone, il y a souvent une «délicieuse ambiguïté», qu'il se plaît à faire durer quelques secondes. Mais il n'a jamais profité de sa «notoriété», assure-t-il. «Au cas où je tomberais sur un restaurateur aux affinités politiques contraires à celles de mon homonyme, ce qui pourrait me valoir une table près des cuisines, ou pire», blague-t-il.

Photo David Boily, La Presse

Philippe Couillard

VÉRONIQUE CLOUTIER

Lorsque Véronique Cloutier fait une réservation dans un restaurant, c'est automatique: elle obtient une bonne table. «C'est pratique», dit la jeune femme de 33 ans, qui ne prétend jamais être son homonyme célèbre, mais qui ne précise pas d'emblée qu'elle n'est pas la «vraie» Véro. «Je ne suis pas nounoune!», rigole-t-elle. 

Véronique Cloutier avait 13 ou 14 ans lorsque la Véro que tout le monde connaît est devenue animatrice à MusiquePlus. À l'époque, l'adolescente s'est rendue à une séance d'autographes à la chaîne de télévision musicale. Lorsqu'elle lui a dit son nom, l'animatrice blonde a réagi avec exubérance, se souvient Véronique Cloutier. Encore aujourd'hui, ses interlocuteurs s'étonnent lorsqu'elle se nomme. «Tout le monde doit te le dire...», lui lance-t-on inévitablement. Effectivement, tout le monde le lui dit!

À l'époque où Guy Cloutier a fait les manchettes, on lui faisait souvent des commentaires à la blague sur son père, ce qu'elle trouvait un peu lourd. Mais aujourd'hui, ça ne l'embête plus qu'on lui fasse des remarques sur son nom. Au contraire, dit-elle, cela lui permet d'établir un premier contact plus facilement. «Ça détend les gens et ça rend les conversations plus faciles», conclut la Véro brunette.

Photo Alain Roberge, La Presse

GUY TURCOTTE

«Bonjour, mon nom est Guy Turcotte, et je n'ai jamais été cardiologue.» Cette phrase, Guy Turcotte la prononce souvent lorsqu'il appelle un nouveau partenaire dans le cadre de son travail. Guy Turcotte est coordonnateur d'un regroupement de Québec en forme, un organisme qui promeut un mode de vie sain et actif chez les jeunes. Le sexagénaire de Châteauguay collabore donc souvent avec des écoles ou des garderies. Il préfère se distancier d'emblée de l'homme accusé du meurtre prémédité de ses deux enfants, histoire de régler la question dès le départ. «Ça casse la glace et ça fait rire les gens», résume-t-il.

Son nom provoque parfois des situations cocasses, comme cette fois où il s'est présenté à l'accueil du chalet qu'il loue chaque hiver. Le personnel avait fait croire à une nouvelle employée qu'il était LE Guy Turcotte. «Quand on est arrivé, la pauvre employée me regardait d'un air étrange alors que les autres étaient morts de rire, contents du malaise qu'ils venaient de créer», se souvient-il. Par ailleurs, on ne lui pose jamais de questions lorsqu'il prononce son nom au téléphone. «Je pense que les gens qui ont des doutes n'oseraient pas poser la question tant ce serait intimidant», dit-il.

Photo Martin Chamberland, La Presse

MICHEL THERRIEN

Michel Therrien est journaliste-présentateur (lecteur de nouvelles) à la radio de Radio-Canada depuis plus de 30 ans. Si son nom est familier pour les auditeurs du soir, il admet d'emblée qu'un Michel Therrien le dépasse en matière de notoriété au Québec: l'entraîneur du Canadien de Montréal. Porter le même nom que lui ne le dérange pas du tout. «C'est cocasse, ça fait rire et c'est sans conséquence», résume-t-il. 

Lorsque Michel Therrien a été nommé à la barre du Canadien pour la première fois, en 2000, l'autre Michel Therrien a reçu un appel chez lui. Son interlocuteur a dit qu'on entrait en ondes dans trois secondes et qu'il avait au bout du fil le nouvel instructeur du Canadien. Michel Therrien a rapidement réalisé qu'il s'agissait d'une émission de radio humoristique qui appelait des homonymes de gens connus. Il a donc joué le jeu. «J'ai dit que j'étais très fier d'être à la barre du Canadien et que j'avais de grandes ambitions, dit-il en riant. Après un certain temps, j'ai coupé court, j'ai dit qu'il y avait de la bagarre dans le vestiaire et que Jeff Hackett me réclamait.»

Plus récemment, un médecin a affiché une mine déçue en réalisant que son patient n'était pas le Michel Therrien du Canadien. «Je lui ai dit qu'un jour, j'aurais quand même mon nom gravé sur la Coupe...»

PHOTO HUGO-SEBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

GINETTE RENAUD

Ginette Renaud a toujours eu beaucoup de plaisir à porter son nom. D'abord, elle l'a toujours trouvé joli. Ensuite, les questions et commentaires qu'il suscite l'ont toujours amusée. «Ce n'est pas achalant, dit la Montréalaise. Tout le monde rit et fait des farces avec ça!» Au téléphone, il est arrivé qu'on lui demande si elle était Ginette Reno la chanteuse. «Je leur disais que ce n'était pas le cas et que c'est elle, d'une certaine façon, qui m'avait volé mon nom», rigole-t-elle. Non seulement Ginette Reno est plus jeune qu'elle, mais la chanteuse est née Ginette Raynault. «Je suis donc la vraie Ginette Renaud», conclut la septuagénaire au rire facile.

Photo David Boily, La Presse

Le prénom, charpente de l'identité

Le prénom d'une personne a un impact sur son identité, selon le psychiatre et psychanalyste Juan Eduardo Tesone, auteur de Dans les traces du prénom, publié en 2013 dans sa version française aux Presses universitaires de France. Nous l'avons joint en Argentine pour discuter de l'importance et du rôle du prénom.

Vous écrivez dans votre livre que Sigmund Freud avait la passion de nommer. D'un point de vue psychanalytique, quelle est l'importance du prénom?

Freud a eu six enfants et leur a donné des prénoms de gens significatifs dans sa vie. Je pense que l'importance du prénom ne lui a pas échappé. Contrairement au patronyme, le prénom est un choix des parents. Ce choix, souvent conscient, parfois inconscient, exprime toujours un souhait pour l'enfant. L'important est de ne pas rester enfermé dans le désir que nos parents ont pu exprimer à notre sujet dans le choix de ce prénom. La personne réécrit son prénom toute sa vie durant. Cette construction n'est pas forcément consciente.

Vous dites que le prénom est la charpente de la future identité. À quoi sert-il?

Le prénom est la première inscription symbolique de l'être humain. Souvent, le choix du prénom précède même la naissance de l'enfant. On ne peut imaginer quelqu'un qui n'ait pas de prénom. Le choix du prénom exprime les désirs des parents concernant l'enfant, mais ce n'est pas une destinée inéluctable; il reste toujours une marge de liberté. Cela dépend de ce que l'enfant, le jeune ou l'adulte fera de son prénom.

Lorsque des parents donnent à leur enfant le prénom d'une personne célèbre, l'enfant peut-il avoir plus de difficulté à se l'approprier?

Un prénom qui a un poids symbolique trop important risque en effet d'être plus lourd à porter. Encore là, ça dépend de ce que l'enfant en fait en vieillissant. En Argentine, beaucoup de parents ont prénommé leur enfant Maradona, le nom de famille du célèbre joueur de football. Bien entendu, c'est un poids considérable. Il est important d'aimer son prénom, d'être content qu'on nous interpelle. Parfois, certaines personnes changent de prénom pour l'aimer. Ça a d'ailleurs été le cas de Freud, qui a changé son prénom Sigismund pour Sigmund.

Quand une personne porte le même prénom et le même patronyme que quelqu'un qui devient célèbre, est-ce que ça peut avoir un impact sur son identité?

Je pense que, dans ces cas-là, le poids du prénom est plus lourd à porter, à intégrer dans sa propre identité. Aux États-Unis, on donne au garçon le même prénom que le père. Je trouve que ce n'est pas une bonne pratique. Cela étant, il est difficile de tirer des conclusions universelles: pour chaque personne, ce sera différent.