Serions-nous laids? Visiblement, plusieurs Québécois sont loin de se trouver beaux. Ils n'aiment pas leur tour de taille, se regardent dans le miroir parce qu'il le faut bien et sont rarement satisfaits quand ils se voient en photo.

Sur une note de 1 à 10, combien vous donnez-vous Un Québécois sur quatre ne se donne même pas la note de passage: entre 1 et 5, et ce, quel que soit l'âge ou le sexe.

C'est ce qui ressort d'un sondage CROP réalisé pour La Presse le mois dernier, histoire de mesurer nos perceptions face à la beauté. Par le biais d'un panel web, 1000 questionnaires ont été compilés, entre le 14 et le 18 août.

En moyenne, les répondants se donnent une note de 6,5 sur l'échelle de la beauté. À noter, ils voient leur conjoint d'un bien meilleur oeil, avec une note de 7,5. Même les meilleurs amis sont plus beaux que nous, à 7 sur 10!

Du coup, sans surprise, les Québécois, notamment les Québécoises, changeraient bien des parties de leur corps, si elles le pouvaient. En tête de liste? Le ventre ou le tour de taille, avouent près de la moitié des répondants, tant à 18 qu'à 55 ans (mais surtout passé 55 ans!). Mais, surprise: 20 % des répondants ne changeraient rien du tout, un chiffre qui grimpe à 25 % chez les hommes seulement.

Bien dans leur peau malgré tout, les Québécois?

Ironiquement, tous affirment qu'ils étaient à leur meilleur, non pas à 18 ou 20 ans, mais tout simplement « il y a 10 ans », note, amusé, Youri Rivest, vice-président chez CROP. « C'est le passé, un peu, mais pas trop loin non plus », analyse-t-il.

Sans surprise, les répondants sont bien peu nombreux à aimer se regarder dans le miroir (10 %), la quasi-totalité ne regardant leur reflet que pour des motifs purement utilitaires.

Aussi, quoiqu'en pensent les adeptes de selfies, une majorité de répondants (59 %) se trouve bien rarement à son avantage en photo et 10 % ne se regardent carrément jamais en photo.

Question de confiance

Paradoxe? Si les Québécois ne se trouvent pas beaux, se préféreraient plus jeunes et, surtout, avec quelques kilos en moins, ils sont loin de croire qu'il faille être jeune ou mince pour être beau : 60 % affirment au contraire que c'est la confiance en soi qui est le facteur-clé de la beauté, devant le bonheur (30 %), la minceur (8 %) ou la jeunesse (3 %).

Foutaise?

Chose certaine, la beauté est davantage perçue comme une « question d'attitude » (53 %), plutôt que comme un « travail » (8 %).

« Les Québécois ont une idée assez classique de la beauté, résume Youri Rivest. La beauté, c'est l'harmonie, l'équilibre. Une définition qui remonte à l'Antiquité. » En effet, 61 % des répondants voient la beauté comme un synonyme d'équilibre et d'harmonie, loin devant l'originalité et la créativité (11 %).

Fini, le modèle unique de la beauté?

Si la beauté est une question d'attitude, est-ce à dire que les canons de maigreur prépubères n'ont plus la cote? « Je pense que les choses sont en train de changer en ce moment, répond la psychologue spécialisée dans les troubles alimentaires Stéphanie Couture. Il n'y a qu'à penser à la Charte québécoise pour une image corporelle saine et diversifiée. Les gens parlent de ça, et questionnent leurs croyances », dit-elle.

La psychologue se réjouit de voir que la beauté est aussi associée à l'originalité et à la créativité. « Il est important de remettre en question le modèle unique de cette beauté que les gens ont acheté. Parce que ça n'a rendu service à personne. Ça ne nous rend pas plus heureux. La beauté, c'est tellement de choses: c'est une attitude! Moi, je crois que sortir les gens de l'idée que la beauté c'est l'apparence physique, c'est clairement gagnant pour l'estime de soi! »

Voeu pieux? Spécialiste de l'image corporelle, la psychologue Stéphanie Léonard croit que oui. « On veut adhérer à ça. Tout le monde a envie d'y croire. Mais je ne suis pas certaine que c'est ce qui se passe réellement. Bien sûr, il y a eu la Charte, mais je ne suis pas sûre qu'on soit vraiment rendue là. L'apparence a encore beaucoup d'emprise sur nous. »

La beauté fait le bonheur

Ou est-ce l'inverse? Chose certaine, les Québécois qui se trouvent beaux ont aussi tendance à se dire nettement plus heureux que la moyenne.

« C'est directement proportionnel, note Youri Rivest, vice-président chez CROP. Mais on ne sait pas dans quel sens cela va: est-ce que c'est parce que les gens sont heureux qu'ils se trouvent plus beaux, ou est-ce parce qu'ils se trouvent beaux qu'ils sont plus heureux? »

Son hypothèse? « Je pense que c'est le fait d'être heureux qui te rend beau. Si tu es heureux, tu vas avoir des prédispositions positives envers plusieurs choses dans la vie, dont l'image que tu as de toi », avance-t-il.

La psychologue Stéphanie Léonard est sceptique. Vrai, on a tendance à associer beauté et succès. « On associe la beauté à la confiance, au succès dans la vie, à toutes sortes de composantes. Et on en vient à croire à cette formule-là un peu superficielle. Même les beaux enfants reçoivent plus d'attention de la part des professeurs à l'école! », souligne-t-elle.

Socialement, est-ce que nous renforçons ce préjugé? Car il s'agit bien d'un préjugé, dit-elle. « Moi, je vois dans mon bureau des femmes magnifiques qui sont malheureuses dans la vie. Non, dans l'intimité, je ne crois pas que les gens beaux soient plus heureux », tranche-t-elle.

La beauté du conjoint et le bonheur

Fait à noter, les Québécois qui croient avoir un conjoint plus beau qu'eux sont plus nombreux à se dire très heureux. Inversement, ceux qui se voient comme plus beaux que leur conjoint sont moins nombreux à se dire très heureux.

C'est aussi la donnée du sondage qui mystifie le plus la psychologue. « Est-ce que ce serait valorisant de savoir que notre partenaire est beau? Est-ce que ce serait une fierté dans la vie?, avance-t-elle. Une source de valorisation et de bonheur? Je ne sais pas. Je suis mitigée. »