Avoir les yeux bandés, des menottes aux poignets, et seulement 45 minutes pour s'échapper d'une pièce où l'on est enfermé: on pourrait imaginer distraction plus relaxante, mais pour les jeunes de Hong Kong, c'est le nouveau jeu qui leur permet de s'échapper de leur quotidien stressant.

Au quatrième étage d'un immeuble de Mongkok, l'un des quartiers les plus animés de la ville, il faut réserver une semaine à l'avance un créneau pour pouvoir jouer à «Freeing HK».

Les groupes de joueurs, menottés, sont enfermés dans une salle obscure. Ils ont devant eux des portes menant à trois pièces: «Prison Break» (évasion la prison), «Lost» (perdu) ou «Dr Alpha», chacune avec un scénario différent. Pour en sortir indemnes, il leur faudra déjouer des énigmes, déchiffrer un code, chercher des indices, se glisser à travers un labyrinthe de rayons laser striant la pièce obscure, tout cela avec en arrière-fond le tic tac angoissant d'une horloge leur rappelant que le temps leur est compté.

Un concurrent sur cinq seulement parvient à gagner ce contre-la-montre.

Mais les étudiants ou jeunes actifs qui viennent se divertir ici ne cherchent pas tant à s'échapper de la pièce qu'à s'évader d'un quotidien souvent perçu comme étouffant: milieu de travail ultra-compétitif et paysage urbain très dense.

Amy Chow, 21 ans, déclare fuir ainsi «les études, le travail, la vie stressante de Hong Kong». «On doit passer beaucoup de temps à étudier et travailler. Alors aujourd'hui, c'est l'occasion de faire quelque chose de différent, un défi excitant».

Ce jeu est né au Japon et la mode s'est étendue à la Chine, Taïwan, Singapour et les Etats-Unis. Mais pour les organisateurs, dans la cité financière chinoise, il tape en plein dans le mille.

Selon Instant Wan, créateur de «Freeing HK» («libérer Hong Kong»), Hong Kong «est la ville la plus stressée d'Asie». «La journée de travail est longue, les gens parlent tout le temps d'argent, et il n'y a que peu de loisirs: le karaoké et le cinéma».

«Les gens veulent trouver quelque chose de nouveau et échapper au stress dans cette ville avide d'argent. Ici, ils quittent la réalité pour entrer dans le jeu», ajoute le jeune homme de 27 ans, qui donne également des conférences sur les thèmes de l'amour et des relations entre les individus.

Michael Wong, un lycéen de 17 ans, est venu jouer avec quelques camarades, directement à la sortie de ses examens de fin de trimestre. «A Hong Kong, on doit toujours se dépêcher», dit-il. «On ne peut jamais se reposer, mais venir ici pour vivre une vie que nous ne connaîtrons sans doute jamais, c'est une expérience extraordinaire».

Freeing HK s'inspire de jeux sur internet, mais aussi du cinéma, comme du film-culte canadien «Cube» (1997), où un groupe se retrouve enfermé, sans savoir pourquoi, dans une prison-labyrinthe équipée de pièges mortels.

Il reflète aussi le désir de vivre des expériences réelles et permet de coopérer avec les autres. «Quand on joue sur Internet, on est tout seul. Là on a plus d'interactions», expliquent de jeunes participantes.

En moins de trois mois, quelque 5000 participants, la plupart âgés de 15 à 35 ans, se sont laissés enfermer dans les pièces sombres de l'immeuble de Mongkok, pour 128 dollars de Hong Kong (15$ environ) chacun, le prix d'une place de cinéma 3D.

Un succès qui a poussé Instant Wan et ses partenaires à ouvrir bientôt deux nouveaux centres sur ce territoire peuplé de 7 millions d'habitants au sud de la Chine.

Et pour ceux qui veulent fuir la forêt d'immeubles et les rues grouillantes de Hong Kong, sans forcément passer 45 minutes menottés dans le noir, il reste aussi la possibilité de faire quelques minutes de bus ou de métro pour s'étendre sur la plage ou parcourir les chemins de randonnée qui sillonnent le territoire... très loin du stress, des quartiers animés et des secondes égrenées par une pendule.