À revenu égal, habiter dans un quartier riche plutôt qu'un quartier pauvre procure un bien-être équivalent à une somme de 13 000$, selon une nouvelle étude américaine. Ces résultats démontrent que les programmes qui aident les pauvres à sortir des quartiers défavorisés sont valables même s'ils n'augmentent pas les revenus de leurs bénéficiaires.

«Ce genre d'initiative vise tout d'abord les perspectives d'emploi et sur ce point, les résultats sont décevants», explique l'auteur principal de l'étude parue hier dans la revue Science, Jens Ludwig de l'Université de Chicago. «Mais il ne faudrait tout de même pas les abandonner parce qu'ils améliorent sensiblement le bien-être psychologique et la santé des bénéficiaires, surtout en ce qui concerne les femmes. Et à terme, quand on se sent mieux dans son corps et dans sa tête, on a moins recours aux services sociaux et on a moins de risque d'avoir un revers important dans sa vie. Il y a peut-être des avantages économiques que nous n'avions pas prévus.»

L'étude porte sur un programme gouvernemental américain des années 90, Moving to Opportunity, qui a ciblé 4000 familles pauvres de cinq grandes villes américaines vivant dans des HLM de quartiers pauvres (plus de 40% de pauvreté) minés par la violence. Par loterie, le tiers d'entre eux ont obtenu des bourses leur permettant de déménager dans un autre HLM moins violent et un autre tiers a eu des bourses permettant de déménager dans un appartement de leur choix dans un quartier riche (moins de 10% de pauvreté). Les autres restaient là où ils étaient. Le seuil de pauvreté est actuellement défini comme 23 000$ US pour une famille de quatre, ce qui est similaire au seuil québécois. La plupart des participants à l'étude occupaient des emplois.

De 10 à 15 ans plus tard, les trois groupes ne montraient pas de différences quant aux revenus et quelques distinctions modestes quant à la santé. Mais en ce qui concerne le bien-être psychologique, M. Ludwig souligne que les pauvres qui ont déménagé dans un quartier riche ont fait des gains énormes. Il a calculé que ce bonheur supplémentaire équivaut à passer d'un revenu de 23 000$ à un revenu de 36 000$.

«On a souvent dit que les quartiers pauvres rendent pauvres, explique M. Ludwig. En fait, ils rendent malheureux. C'est particulièrement inquiétant vu l'augmentation de la ségrégation résidentielle économique aux États-Unis, qui a remplacé la ségrégation raciale.»