Nathalie Baril se rappelle parfaitement ce petit matin d'il y a 13 ans. Elle s'est réveillée avant l'heure. Elle s'est rendue dans la salle de bains. Elle a ouvert l'eau. Et elle n'a entendu aucun bruit.

À 25 ans, Nathalie Baril venait de devenir subitement sourde.

Dans la salle de bains, elle a contemplé l'eau qui coulait en silence, saisie. Puis, elle s'est rendue dans le salon et a allumé la télé. Elle a monté le volume au maximum. Toujours rien. La panique l'a envahie.

 

La jeune femme a passé trois semaines dans le silence le plus total. «C'était comme se retrouver sous l'eau.»

Pendant ce temps, les médecins se perdaient en conjectures sur son cas. Et elle, elle a dû réapprendre à vivre. Plus de théâtre, de cinéma, de musique. «J'ai eu l'impression que ma vie s'écroulait.» Ses études à l'université ont aussi semblé compromises.

Mais après s'être fait poser un appareil auditif, Nathalie Baril a retrouvé une petite partie de sa capacité d'audition. Elle s'est obstinée et a terminé son bac avec l'aide d'un interprète.

La vie avec un appareil auditif est loin d'être simple. «La première fois que j'ai mis l'appareil, je voulais mourir. Tous les sons ont la même intensité. Le bruit que fait l'escalier roulant. La personne derrière moi qui tourne les pages de son livre. C'est là qu'on se rend compte à quel point il y a du bruit autour de nous.»

Pendant 13 ans, Nathalie Baril a pourtant vécu avec son appareil auditif. Puis, il y a trois ans, son médecin lui a proposé des implants cochléaires.

À son réveil, après l'opération, elle n'entendait rien. Pour fonctionner, l'implant doit être «programmé» à l'aide d'un ordinateur. Il faut attendre un mois que la plaie soit complètement guérie.

Puis, au tout début de l'été 2008, le grand jour arrive. «On me branche. On me dit «bonjour, Mme Baril». Et j'entends. Je réponds.» Il lui faudra quelques heures pour s'habituer à réinterpréter les sons, y compris celui de sa propre voix.

Après la première journée de programmation, elle est rentrée chez elle. Quand elle est descendue de la voiture, il pleuvait. Elle a ouvert son parapluie. Puis, elle s'est arrêtée. Pour la première fois depuis 13 ans, elle entendait parfaitement les gouttes de pluie tomber sur la toile. Ce doux son, pour elle, était une résurrection. Elle était sortie de son grand silence.

Un an plus tard, Nathalie entretient désormais une relation amicale avec le silence. Elle peut choisir d'y revenir en débranchant simplement son implant. Et elle le fait souvent. «Parfois, le soir, je suis contente de me débrancher. J'apprécie le silence. Je peux me reposer.»