Savoir cuisiner, c'est plus que savoir couper des carottes ou cuire un oeuf. C'est être capable de se débrouiller quand on quitte le nid familial et de nourrir la famille, lorsqu'elle arrive ensuite. Or, certains jeunes, notamment des centres jeunesse, reçoivent un bien pauvre héritage alimentaire. Des chefs ont décidé de pallier ce manque. Les résultats sont étonnants.

Lorsqu'ils atteignent l'âge de 18 ans, les jeunes des centres jeunesse doivent trouver un nouveau toit et un emploi pour payer le loyer. Et ils deviennent, du jour au lendemain, responsables de leur alimentation.

«De plus en plus de jeunes dépendent des banques alimentaires», dit Jean-François Archambault, président de la Tablée des chefs un organisme de récupération alimentaire qui, en ramassant les restants de restaurants et de banquets, fournit 100 000 repas par an à ceux qui en ont besoin.

Jean-François Archambault s'est dit qu'il était certainement possible d'agir pour faire baisser ces chiffres alarmants.

Il a donc mis sur pied des cours de cuisine pour des jeunes particulièrement vulnérables. C'est ainsi que des jeunes de 16 et 17 ans, tous résidants de centres jeunesse de la Rive-Sud, assistent, de leur plein gré, à des cours de cuisine.

«Si on accepte que nos jeunes, à 18 ans, soient laissés à eux-mêmes, il faut absolument se dire qu'on leur a donné tout ce qu'on peut leur donner», ajoute M. Archambault.

Les drames laissés à la porte

«Je vous conseille de choisir la salade frisée, lance l'animatrice Julie Cantoro. La vinaigrette se cache dans les plis et parfois, vous tombez sur une bouchée dans laquelle il y a plein de vinaigrette!»

Devant elle, les jeunes boivent ses paroles. Ils ont une excellente capacité d'attention, contrairement à tout ce qu'on pourrait croire de pensionnaires de centre jeunesse, dont certains ont des histoires de vie dramatiques. Aux ateliers de la Tablée des chefs, on essaie de laisser les drames à la porte pour se concentrer sur la popote. Des intervenants accompagnent les jeunes, ils cuisinent avec eux.

«Je sais qu'ils n'iront pas s'acheter de la chicorée demain, concède Julie Cantoro. Peut-être un jour. Mais au moins, maintenant, ils savent que ça existe.» Et ils savent faire leur vinaigrette.

La semaine précédente, le clafoutis était au menu certains participants l'appelaient, par erreur, le cafouillis. Feront-ils de la pâtisserie bientôt ? Peut-être pas. Mais ils savent manier la farine et pétrir la pâte.