Hang Mioku est accro à la chirurgie esthétique depuis 20 ans. Les médecins ont cessé d'intervenir, jugeant qu'elle avait eu de trop nombreuses opérations au visage. Ne reculant devant rien, elle s'est injectée de la silicone et de l'huile de cuisine. Défigurée, son cas a fait les manchettes l'an dernier.

Comme elle, de 10 % à 20 % des adeptes de chirurgie esthétique souffriraient d'une peur de dysmorphie corporelle. «C'est un trouble obsessif compulsif (TOC). La personne devient obsédée par une imperfection du corps imaginaire ou fort exagérée qu'elle cherche à cacher à tout prix», explique le psychologue Kieron O'Connor. Il mène présentement une étude clinique auprès de gens souffrant de TOC au Centre de recherche Fernand Séguin de l'Hôpital Louis-Hippolyte Lafontaine. «Dès qu'ils mettent le pied dans une clinique de chirurgie esthétique, c'est le désastre. Jamais ils ne sont satisfaits. L'opération devient un rituel qui renforce l'idée de dysmorphie.» Si les chirurgiens sont plus conscientisés, ce trouble est difficilement détectable à prime abord.

«Par respect, on ne questionne pas les clients sur leurs motivations, indique le docteur Eric Bensimon, chirurgien esthétique. L'entrepreneur ne va pas demander à son client : « pourquoi tu refais ta salle de bain ? Je la trouve pas mal !» Cependant, si on sent que la patiente n'est pas stable psychologiquement, on pousse plus loin.»

De 20 % à 30 % de la population serait complexée par une partie de son corps, entre 0,8 % et 2 % développeraient un comportement pathologique. Parfois diagnostiquée à tort comme une phobie sociale, la peur de dysmorphie corporelle apparaît souvent à l'adolescence et touche autant les hommes que les femmes.

«La souffrance peut être terrible, souligne M. O'Connor. La personne adopte des comportements d'évitement, est incapable d'entrer en relation et participe difficilement à la vie quotidienne.» Ce trouble peut être accompagné de paranoïa et de comportements d'automutilation.

Si l'approche médicamenteuse est la plus répandue, la thérapie cognitivo-comportementale réussit bien, remarque M. O'Connor à travers son étude. «Il faut se pencher sur l'histoire de la personne, voir ce qui l'a amenée à développer ce trouble et chercher à changer son comportement. Après 20 séances, on note une amélioration des symptômes chez 70 % des patients.»

Note : L'équipe de Kieron O'Connor recrute des personnes atteintes de la peur de dysmorphie corporelle (et autres TOC) pour les fins de sa recherche. La thérapie est gratuite. Informations: www.hlhl.qc.ca/recherche ou 514-251-4015 p.3585.