C'est le premier musée de la femme à voir le jour au Québec et probablement le seul endroit au monde où l'on discute polygamie sur fond de rouets, de planches à laver et de biographie de Madeleine de Verchères.

C'est un musée tout modeste, ouvert à Longueuil à l'initiative d'une Sénégalaise d'origine qui n'a eu ni mère, ni grand-mère d'ici pour lui raconter le couvent et les écoles d'arts ménagers.

 

Lydie Olga Ntap est arrivée au Québec à 16 ans et y a fait sa vie. «Je me suis bien accommodée, ici!» lance-t-elle en riant.

Avant de se marier avec un Québécois, après de nombreuses années passées au Québec, elle s'est rendue en Afrique avec son promis. Pour la petite histoire, disons ici que le promis en question était Michel Nadeau, qui, dans les années 90 et au début de 2000, était numéro 2 à la Caisse de dépôt. Cap sur l'Afrique, donc, chez l'oncle de Lydie, pour qu'il lui accorde sa main (celle de Lydie, bien sûr). «Il avait des dizaines d'épouses et, avant qu'on reparte, il a dit à Michel: «Je t'en donne une, ça t'en fera deux.» Michel a refusé, prétextant qu'il n'était pas assez riche pour ça!»

Mme Ntap nous raconte tout cela tout en nous faisant un petit tour guidé de son musée, qui tient dans une pièce. Officiellement. «Les gens m'ont donné tellement de choses que j'en ai trois fois plus à la maison. Une femme m'a apporté une belle couverture d'époque en me disant qu'à sa mort, sa belle-fille aurait tôt fait de le mettre à la poubelle!»

C'est comme cela, de bouche à oreille, que des journaux intimes ont été récoltés. Puis des fers à repasser, des courtepointes, des «costumes de voyage de noces», des photos d'époque de Conrad Poirier...

Et c'est devant tout cela que la discussion «polygamie» a repris de plus belle avec Lydie Olga Ntap, qui se décrit comme une féministe convaincue. «Au Québec, la polygamie serait un recul. En Afrique, par contre, j'ai des soeurs, moi, à qui la polygamie permet de s'épanouir professionnellement. Parce que quand l'homme est avec les deux autres femmes et qu'elles ne le voient qu'aux six jours, eh bien, les autres jours, elles peuvent se consacrer tranquillement à leur carrière d'avocate ou de ministre.»

Mme Ntap n'a pas été coépouse, mais elle nous présente une de ses amies, Fatou, qui, elle, l'a été et qui se dit tout aussi féministe et très engagée dans le musée québécois des femmes.

C'est donc par ces femmes nées ailleurs que la polygamie est abordée. Pas sur les murs. Sur les murs, outre les photos et cette murale en hommage aux pionnières du Québec (de Jeanne Mance à Monique F. Leroux en passant par Sophie Thibault, Yolande James et Céline Dion), il y a cette pensée de la féministe indienne Anasua Sengupta: «Bien des femmes dans trop de pays parlent la même langue: le silence.»

On dira que ce n'est certainement pas le cas au Québec de façon générale, mais une liste de victimes de violence conjugale - colligée par un collectif masculin - vient illustrer que certaines ont bel et bien été réduites au silence, ici aussi.

Musée de la femme 672, rue Saint-Jean, Longueuil. Le musée pourrait déménager sous peu dans un plus grand local, d'où l'importance de consulter le site internet: museedelafemme.qc.ca