Au moment où j'écris ces lignes, je suis en pleine remise à jour de mon guide resto. Je mange donc au restaurant à peu près deux fois par jour depuis plusieurs semaines. Je ratisse large, je cherche les coups de coeur. J'essaie tout ce dont on me dit du bien. J'hésite, je biffe, je réessaie. Difficile, après un moment, de garder l'esprit enthousiaste. Des tacos au porc braisé, des sandwichs asiatiques au pain vapeur? Impression qu'il y en a partout...

C'est dans cet état d'esprit un peu saturé que je suis débarquée pour chercher à souper un soir chez Landry et filles. Mission: nourrir quatre ados. Me faire une idée. Repartir avec une critique. Passer au prochain.

Et juste quand je pensais ne plus être capable d'apprécier réellement quoi que ce soit - c'est une chose d'évaluer avec sa tête, une autre d'aimer avec son coeur -, j'ai eu un immense coup de foudre pour ce petit restaurant savoureux et abordable de l'avenue Papineau.

En fait, j'ai tellement aimé que j'y suis retournée, pour vérifier si cette place au bar était toujours aussi confortable, tranquille. Et ce l'était. Une sorte de petite oasis.

Avant d'avoir pignon sur rue, Landry et filles était uniquement un camion. Un camion fort populaire, d'ailleurs. Il roule encore et sert notamment le lunch devant son établissement certains midis. C'est de là qu'est venue l'idée de lancer un restaurant qui fait aussi office de comptoir à plats pour emporter, un espace tout simple décoré avec un style rétro bien à lui.

Dans l'assiette, les plats brodent sur les mêmes thèmes que le camion: on y parle d'une cuisine québécoise ménagère réinventée, bien faite, gourmande sans être trop gloutonne, de qualité.

La maison met donc de l'avant la rôtisserie et s'en sert pour faire honneur au poulet de la ferme des Voltigeurs, donc un des plus naturels produits au Québec, qu'elle propose aussi frit, d'ailleurs. Rôti, on l'offre assaisonné de différentes façons aussi. Le «barbecue» se trempe dans une riche sauce brune - qui pourrait être un poil plus relevée -, tandis que le poulet aux herbes et au citron, juteux à souhait, est moins salé, plus acidulé, bref, il a plus de personnalité.

Dans tous les cas, la volaille est excellente, cuite à point, tendre et juteuse.

Mais ce qui charme le plus sur le menu, ce sont les légumes, qu'on travaille avec amour et gourmandise. Le brocoli, par exemple, est frit et servi avec de la mayonnaise façon César. Les haricots bien verts, encore croquants, s'enrobent quant à eux d'un pesto préparé à partir de sésame grillé. On adore le goût de noix grillée, le ton asiatique.

Les carottes de toutes les couleurs? La maison les grille à peine blanchies, donc encore bien croquantes, et les accompagne d'une sauce au yaourt liant cumin et agrumes. C'est probablement ce qui, à Montréal, se rapproche le plus des fameuses carottes au cumin et aux agrumes de Jean-Georges Vongerichten au ABC Kitchen à New York, en version un peu plus citronnée.

Pour les puristes, il y a des pommes de terre, mais elles sont cuites et écrasées plutôt que frites ou seulement mises au four. Avec quelques fines herbes pour leur donner un peu de personnalité, de l'huile d'olive pour les adoucir, elles font leur place à table, réconfortantes, discrètes.

Pour le dessert, difficile de vous recommander quoi que ce soit, car le menu change tout le temps. Les «ployes», ces crêpes de sarrasin très spongieuses, sont servies avec un sirop d'érable fumé, préparé spécialement par un ami de la maison qui a une érablière. La tarte au citron vert est parfaite pour clore un tel repas. Bien sucrée mais bien surette aussi, parfumée, avec une fine croûte sucrée de biscuit au beurre, à l'image de toute cette maison simplement sympathique.

Landry et filles

4764, avenue Papineau

Montréal

514 419-7766

landryetfilles.com

> Prix: entrées entre 6 et 13$, demi-poulet 16$, légumes entre 4 et 6$. Menu pour 4 à emporter: 60$.

> Carte de vins: La maison offre du vin abordable de petits vignerons triés sur le volet, et des cocktails.

> Service: J'ai surtout commandé à emporter, mais traîné suffisamment au comptoir pour dire que les serveurs sont franchement gentils, attentionnés et efficaces. La maison a un sens inné de l'hospitalité.

> Atmosphère: Ce restaurant est un peu à part, plus calme, en retrait du brouhaha des modes. On dirait une sorte de petite oasis sans prétention, décorée de façon rétro mais pas du tout carton-pâte, avec de vieux objets trouvés, des murs blanc frais, une murale. Les familles du quartier s'y retrouvent, les couples qui ont envie d'avoir la paix. Trame musicale un peu décalée, de Neil Young à Jacques Dutronc.

(+) L'ambiance générale du lieu, l'accueil, une nourriture sans prétention, sympathique et de qualité.

(-) On aimerait une terrasse, donc à la place, on commande pour emporter et on mange au jardin.

On y retourne? Absolument.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE