Beaucoup se posent des questions, ces temps-ci, sur la santé du marché de la restauration montréalaise. Les fermetures en cascade obligent les chefs et les restaurateurs à se demander ce que veulent les clients, quels modèles d'affaires fonctionnent, pourquoi certains restaurants débordent de clients alors que d'autres doivent mettre la clé sous la porte.

De toutes les fermetures récentes, plusieurs m'attristent beaucoup, notamment celle du Van Horne, mais aucune ne me surprend vraiment. Un restaurant, c'est un commerce d'abord et avant tout. Et comme tous les commerces, il doit offrir un produit - un repas, un moment, une ambiance, un accueil - qui correspond au prix demandé. La formule a quelque chose de parfois un peu alchimique. Les restaurants qui ferment sont ceux qui ne trouvent pas cet équilibre, tout simplement.

La chimie ne marche pas. Le tango n'a pas lieu.

En allant au Nolana, le nouveau restaurant du groupe MTL Cuisine, rue McGill, installé là où était Racines, ce sont ces pensées qui me sont venues à l'esprit.

Car cela saute aux yeux en arrivant: il est évident que cette formule pizzeria conviviale marchera mieux que la formule précédente. J'aimais ce Racines et ses petites créations végétales finement ciselées. J'ai toujours été impressionnée par le travail de son chef, Simon Mathys, dont j'ai hâte de goûter la cuisine chez Accords, où il vient prendre les rênes des fourneaux.

Mais si on regarde ce qui fonctionne à Montréal en ce moment, il est clair que ce style gastronomique raffiné doit être présenté dans un écrin spécifique, soigné, sorte de spa alimentaire. Or, l'espace où est aujourd'hui Nolana, très fenestré, tout en longueur, n'avait pas cette finesse. Avec sa décoration de miroir et de métal, il correspond beaucoup mieux à sa nouvelle identité italienne. D'ailleurs, on a très peu changé le lieu, ajoutant quelques références aux marques classiques italiennes, pour évoquer les tables rustiques du pays du Campari et du Martini&Rossi.

Au menu, il y a essentiellement des classiques italiens. De la pizza, cuite dans un four à biénergie, donc au bois et au gaz. Quelques pâtes. Des entrées simples.

J'y suis allée deux fois, j'ai aimé à peu près tout ce que j'ai essayé, sauf le panino rustico, un sandwich rustique à la saucisse et à la pancetta, avec des rapinis et de la mozzarella, qui est lourd et bourratif, fade, l'inverse de ce qu'on attend en entrée.

Pour le reste, c'est parfois pas mal du tout, parfois carrément très bien, même si les puristes de la cuisine italienne vont rouspéter (notamment à cause des fautes d'orthographe sur le menu).

Ce que je vous conseille? Les aubergines farcies au fromage - sur le menu, on dit burrata, mais cela ressemble plus à de la mozzarella sous sa forme classique -, un minuscule plat de fines languettes de légumes, tendres mais encore doucement résistantes sous la dent, qui entourent un morceau de fromage moelleux, avec sauce tomate et feuille de basilic. C'est savoureux, assez salé, mais tout petit. Les gros appétits demanderont une double portion.

Autre plat sympathique: une salade fenouil au pamplemousse, classique, très fraîche, qui manquait un peu de sel à mon goût, mais bien craquante.

À ne pas rater, un autre plat classique mais particulièrement bien fait: les boulettes à la sauce tomate, les polpettes, très tendres et bien assaisonnées.

Pour le plat de saumon cru, je suis un peu plus partagée, car le poisson dégageait une légère odeur à l'arrivée à table - qui s'est vite estompée, merci - et je ne suis pas certaine que l'amertume du Campari de la vinaigrette soit à propos pour accompagner le poisson. Peut-être que le dosage doit être ajusté. En plat principal, les pizzas oblongues sont savoureuses, avec une belle pâte dont on nous a expliqué qu'elle était faite à partir d'un levain italien qui a transité par les États-Unis.

La spilinga propose sauce tomate, ricotta, chair à saucisse traditionnelle et touches de nduja, une saucisse calabraise traditionnelle bien épicée servie sous forme de pâte.

Si vous aimez la porchetta, cochon farci servi en tranches, on en garnit une pizza, avec de la roquette, de la mozzarella et une sauce verte bien relevée. Rustique et roboratif. On aime. Tout comme on a adoré les gros raviolis farcis au fromage et servis avec une sauce au lapin et aux champignons porcinis, un plat savoureux, riche, réconfortant, même si certains morceaux de lapin n'étaient pas aussi tendres qu'on l'aurait espéré.

Au dessert, il y a du bon et du moins bon. Les bombolone, beignets à l'italienne farcis au Nutella et à la crème pâtissière, sont lourdauds, un peu secs. Une chance qu'on les sert avec de la crème sucrée à la cannelle qu'on a envie de boire toute seule. Le canolo apperto (sic) est plus intéressant. On déconstruit le cannolo traditionnel - dessert sicilien très traditionnel - en le servant sous forme étagée, plutôt que tubulaire, avec la même combinaison de crème à la ricotta et de pâte frite bien croquante, la clé du succès de ce dessert.

On nous a aussi servi de la pizza garnie de Nutella, ce que les enfants ont adoré. Rien de chic ni de très subtil, mais comme pour bien des propositions sur le menu, un plat qui plaît, sans autre prétention.

Nolana

444, rue McGill, Montréal

514 544-0344


> Prix: Entrées entre 4$ et 14$. Pizzas entre 13$ et 23$. Pâtes entre 15$ et 23$. Desserts 6$ ou 7$.

> Carte des vins: Importations privées de crus italiens de toutes sortes dont plusieurs à prix raisonnables.

> Service: Courtois, efficace.

> Ambiance: Pizzeria sans prétention, dans un long restaurant très étroit, tout vitré, qui se remplit le midi de gens qui travaillent dans le quartier, et le soir, de convives qui aiment le Vieux-Montréal.

> Des plats simples, savoureux, abordables.

> Un manque de précision, de minutie dans les détails, autant dans le menu (avec des fautes) que sur une table mal nettoyée ou dans la description de la cuisine.

> On y retourne? Sûrement.