S'il y en a qui doutent encore de l'embourgeoisement de Griffintown et du déplacement d'une certaine énergie festive vers ce quartier, qu'ils aillent au nouveau restaurant Richmond, dans la rue du même nom.

Avec ses escarpins vertigineux à la Michael Kors et ses décolletés assumés, façon Versace, la faune qu'on a longtemps associée au boulevard Saint-Laurent, près de Sherbrooke, puis à un certain Vieux-Montréal semble s'être installée au sud du centre-ville, dans ce quartier en pleine métamorphose et particulièrement dans ce nouveau et spacieux restaurant servant une cuisine d'inspiration italienne.

Mèches blondes ou bouffantes et brunettes, niveau de bruit élevé, majorité de femmes laissant leur Mini Cooper ou leur Fiat 500 au voiturier avant d'entrer distribuer des bises à leurs copines et s'asseoir au vaste bar central... Le théâtre qui se déroule sous nos yeux n'y est jamais banal. C'est vivant, c'est coloré. La scène ambiante a des airs de Sex and the City, 10 ans plus tard, à peine un peu botoxé. L'émission de téléréalité pourrait s'appeler The Real Housewives of Griffintown.

L'espace y est spectaculaire. On est dans un ancien espace industriel tout ouvert, gigantesque, avec des murs de fenêtres, un grand bar central, des tables sur les côtés et une mezzanine. Côté déco, on combine un certain style postindustriel - murs de brique dénudée, tuyauterie apparente - avec des accents un peu baroques - grandes draperies, lustres de cristal, fauteuils d'inspiration Louis XVI. L'ensemble fonctionne. Le bruit résonne. Le lieu cartonne.

Dans l'assiette, le style se veut italien du Nord, bien qu'on propose aussi des plats typiques des régions septentrionales, comme l'assiette de burrata - mozzarella farcie à la crème typique des Pouilles, dans le sud de la péninsule - et la caprese, salade de tomates et de mozzarella di buffala, typique de Campanie, région de Naples, là encore dans le Sud.

Lorsqu'on cherche les plats du Nord au menu, on trouve plutôt un vitello tonnato - veau au thon - qu'on décline en forme de carpaccio, ainsi qu'un porc à la milanaise. Côté dessert, la carte propose non seulement une panna cotta, mais aussi un plat qu'on voit rarement, très piémontais, le bonet, ce pudding au chocolat et aux biscuits amaretti cuit au bain-marie.

Cela dit, je n'ai pas vu les autres classiques du Piémont, comme les agnolotti, la bagna cauda, la gianduja... Et il n'y a qu'un risotto au menu, aux fruits de mer.

Cela étant dit et sachant maintenant qu'on n'est pas exactement chez des puristes, est-ce bon?

De façon générale, assez, oui.

J'y suis allée deux fois et le seul plat qui m'a franchement déplu est une assiette de dorade grise, servie en plat du jour sur une purée de fenouil avec gelée à l'estragon, qui était trop cuite, mais surtout dégageait un relent maritime discret mais néanmoins trop marqué pour son propre bien.

Pour le reste, la cuisine fait des efforts pour servir une cuisine honnête, parfois savoureuse, qui n'étonne pas, ne choque pas, n'éblouit pas non plus. Pour ceux qui se demandent dans quelle catégorie on place le tout, sachez qu'on y utilise pas mal d'huile de truffe...

Mais ne vous méprenez pas, j'ai plutôt aimé le potage de champignons - pied-de-mouton, pleurote gris, porcini - qu'on apporte en pièces détachées. D'abord les champignons sautés, puis le bouillon. Sans huile de truffe sur le croûton, ç'aurait été encore mieux, plus naturel, plus élégant, car l'huile aromatisée assomme le parfum plus subtil des autres champignons.

Le plat de burrata? Il est classique. Le fromage est déposé sur un morceau de pain, un peu comme la friselle typique des Pouilles, et on l'accompagne de tomates confites et d'huile d'olive. Je ne vous apprendrai pas que la combinaison fonctionne puisque c'est un grand classique éprouvé, mais il est bon de savoir qu'on trouve ce plat, bien fait, dans ce restaurant.

Le carpaccio de veau, servi avec une mayonnaise au thon, est aussi très correct. La viande est fraîche, tranchée finement, la sauce est discrète.

Plusieurs fois pendant le repas, en fait, je me suis rendu compte qu'on mangeait sans remarquer ce qu'on mangeait, ni séduit ni déçu. Comme si on retrouvait de confortables pantoufles.

Beaucoup aimé aussi le plat de papardelle aux champignons, riche, réconfortant, avec des pâtes à la bonne cuisson. Par contre, pourquoi me suis-je arrêtée aux notes acides qui ressortaient du plat de rigatoni à la joue de veau? Cela détonnait un peu.

Au dessert, le bonet que j'attendais avec appétit m'a laissée un peu indifférente. On cherche le moelleux des versions dégustées en Italie, on cherche la touche parfumée magique de l'amande au-delà du sucre. On cherche la poésie de la cuisine italienne. Et puis on regarde la salle et on se rappelle qu'on n'est pas venu pour ça.

Le Richmond

377, rue Richmond, Montréal

514-508-8749

lerichmond.com

> Prix: Entrées entre 10$ et 24$, plats entre 26$ et 48$, desserts entre 8$ et 12$.

> Carte des vins: Surtout des vins italiens, dont quelques bouteilles abordables, mais aussi de grands crus qui le sont moins. Choix de vins au verre.

> Service: Accueil un peu désorganisé lors de notre première visite, plus efficace à la seconde. Sinon, serveurs gentils, sans prétention. Quelques lenteurs.

> Atmosphère et style: Grand espace postindustriel décoré avec soin, articulé autour d'un grand bar central. Lieu bruyant, vivant, où on va pour voir et être vu. Majorité de femmes lors de nos deux passages.

(+) La grandeur et la décoration de ce lieu de rencontre plus que de gastronomie.

(-) L'huile de truffe. On enlève et déjà toute la cuisine est plus élégante.

On y retourne? Moi, non. Mais j'enverrai peut-être des ami(e)s qui ont envie de faire des rencontres...