Ce nouveau restaurant du Vieux-Montréal s'appelle le Monarque et il a, effectivement, quelque chose de noble. Immense, solidement aménagé par des gens d'expérience, sans la moindre fausse modestie. On a l'impression, en y entrant, qu'il existe depuis toujours.

Le Monarque, c'est la nouvelle table d'une équipe pilotée par le chef Richard Bastien, qui a maintenant à ses côtés son fils Jérémie. Ce sont des gens que vous connaissez. On les a fréquentés d'abord au Mitoyen à Sainte-Rose, puis au restaurant du Musée des beaux-arts, mais surtout au Leméac, à Outremont, devenu une institution.

Ce nouvel établissement de la rue Saint-Jacques reste dans l'esprit de ces tables, à la fois classique et moderne, où l'on ne réinvente pas la roue, tout en restant arrimé à l'actualité. Décor de brasserie chic à l'européenne, avec carrelage et laiton. Menu de poissons grillés, de pétoncles et de boudins, d'huîtres toutes simples.

J'y suis allée deux fois depuis l'ouverture, et à observer la salle, il est évident que la formule convient à toute une clientèle d'affaires et à des visiteurs du soir plutôt baby-boomers.

On voit déjà l'espace très vaste, séparé en une salle à manger plus chic et un coin brasserie, se remplir autant le midi que le soir. Les propriétaires doivent en être bien heureux, car l'investissement est visiblement important. On m'a parlé de plusieurs millions pour ce lieu de 175 places aménagé par l'architecte Alain Carle, à qui on doit aussi les Milos de Londres et New York ou encore les boutiques Aesop de Westmount et de la Petite-Bourgogne, entre autres créations.

La salle à manger

Au menu, l'approche est assez différente selon qu'on choisisse la salle à manger ou la brasserie. J'ai essayé la salle à manger, où l'on recommande de prendre trois plats, ce qui est quand même copieux et costaud côté addition.

Mais plusieurs de ces assiettes sont finement ciselées et bien réussies, comme la burrata au citron - une combinaison gagnante qu'on mangerait presque au petit-déjeuner tous les matins - servie avec quelques feuilles de frisée, des croûtons croquants, du raisin vert et des anchois espagnols, qui viennent ajouter une amertume salée au festin moelleux et acidulé du fromage très crémeux.

Le tartare de cerf charme lui aussi sérieusement. Particulièrement soyeux, il est offert avec des morceaux de poire asiatique, du daïkon pourpre, quelques grains de noix de pin et du gochujang, une pâte de piment fermenté coréenne, qui rend le tout juste assez piquant.



Pour poursuivre la route, on a opté ensuite pour le «crudo» de hamachi, où, comme le nom l'indique, le poisson asiatique est servi cru, avec du céleri, de la pomme verte, du chou-rave et une sauce ponzu au soya blanc. Là encore, comme pour le tartare, les influences asiatiques sont bien présentes. Ce n'est pas un plat qui se distingue d'assiettes semblables dans les restaurants à la mode, car on opte pour une formule gagnante éprouvée - le poisson cru avec quelques ponctuations fraîches et croquantes -, mais c'est néanmoins délicieux, léger, vitaminé. Et là, autant la présentation que la confection sont particulièrement soignées, contrairement à l'assiette de courge delicata et haloumi, où le fromage moyen-oriental est servi en gros blocs frits et lourds. Le restaurant fait bien de chercher des options végétariennes, car la tendance est devenue un raz-de-marée, mais la finesse reste à travailler si de tels plats veulent côtoyer les premiers, même si les grains de grenade et de citrouille grillés ajoutent un peu de personnalité à l'assiette.

Spectaculaire pavé de bar

En plat principal, on a commandé deux poissons, dont les présentations étaient très différentes. Un spectaculaire pavé de bar rayé sauvage, servi avec haricots romano, chorizo et poivrons confits, que l'on dépose dans l'assiette avec une sauce délimitée par de la purée au fumet de poisson. C'est joli, mais on dirait que les haricots - ou est-ce le poisson peu fondant?-  déséquilibrent un peu le plat par leur texture costaude. Comme si la présentation suggère une légèreté qui n'est pas au rendez-vous.

En revanche, le cardeau, servi avec mini-crevettes, champignons shimeji, bouillon tom yum - donc infusé au gingembre et à la citronnelle, notamment - et fini avec une mousse de lait de coco, s'est laissé manger tout seul, avec toutes ces saveurs assorties jouant comme un parfait orchestre de chambre.

Au dessert, les influences asiatiques sont aussi au rendez-vous, notamment sous la forme d'un plat au chocolat où celui-ci est décliné comme une boîte bento, en pièces détachées avec des textures différentes, au jasmin, au gingembre, au yuzu et aux fleurs de cerisier. La tarte à la citrouille, solide, se parait quant à elle de noisettes grillées caramélisées et d'une glace au chaï, avec espuma de citronnelle très gélifiée. On aurait aimé le tout plus diaphane, plus précis peut-être. À peaufiner. Ces gens ont le temps. Le Monarque ne fait que commencer son règne.

Photo Bernard Brault, La Presse

Le Monarque reste dans l'esprit de ces tables, à la fois classique et moderne, où l'on ne réinvente pas la roue, tout en restant arrimé à l'actualité.

Le Monarque. 406, rue Saint-Jacques, Montréal. 514 875-3896. restaurantmonarque.ca

Notre verdict

Prix: entrées de 15 à 17 $, plats de 34 à 38 $, desserts de 9 à 14 $.

Carte des vins: sage sans être ennuyeuse. Pas d'excentricités naturelles, mais pas de platitudes industrielles non plus. Les amateurs de vins français seront contents.

Service: on a dit qu'on avait peu de temps et le service s'est ajusté. Bravo.

Décor et ambiance: niveau de décibels élevé dans la brasserie, plus doux dans la partie salle à manger, la section aux nappes blanches, même si on a pu entendre en détail la conversation entière de nos voisins. Point de vue génération, on tend vers les X et même surtout les baby-boomers. Décor en noir et en laiton, en carrelage et en cuir, signé Alain Carle.

Plus: l'impression d'être au coeur de l'action du monde des affaires.

Moins: les desserts.

On y retourne? Oui.

Photo Bernard Brault, La Presse

Mozzarella et boquerones