Le Petit Mousso n'a de petit que le nom. Soit, la formule proposée - à la carte - est moins «restrictive» que celle du «grand» Mousso, avec son menu dégustation neuf services. Mais, dans les assiettes minimalistes aux présentations soignées, la précision de l'exécution et l'utilisation innovatrice de produits de notre terroir boréal, on reste tout à fait dans l'esprit qui a donné au Mousso sa réputation et dont le chef propriétaire Antonin Mousseau Rivard est le maître d'oeuvre.

Ouvert au début de l'été et mené en cuisine par le chef Benjamin Mauroy-Langlais (Hôtel Herman, Automne boulangerie), Le Petit Mousso occupe les lieux de l'ancien Mousso qui, pour sa part, a déménagé juste à côté, dans un élégant local qui abritait autrefois La Réserve du Comptoir.

Les habitués du Mousso ne seront pas désorientés; le local, où est accrochée en évidence une oeuvre rétroéclairée de Jean-Paul Mousseau, n'a pas subi de modifications majeures. La cuisine au sous-sol n'a pas bougé, ni les longues tables communales en bois, où nous avons mangé, tout au fond de la salle.

Dans cet espace exigu et assez bruyant, la proximité est de mise; pas trop le choix d'aimer ses voisins... ou, à défaut, de les endurer!

Justement, le groupe avec qui nous partageons notre table termine son repas à notre arrivée. Un de nos voisins tient à nous faire connaître, plusieurs fois, ses impressions, qu'on pourrait résumer ainsi: c'est bon et même parfois incroyable, mais les portions sont petites et les prix, élevés.

Il est vrai que le Petit Mousso, comme son grand frère, ne fait pas dans les portions très généreuses et que, alcool aidant, la facture peut rapidement devenir salée. Mais, aurions-nous envie d'ajouter, on vient d'abord ici pour l'expérience gustative, pour être étonnés et, souvent, ravis. Et la formule à la carte du Petit Mousso permet, pour les budgets plus serrés, de s'en tenir à quelques plats et à un verre de vin.

Cuisine de précision

Mais trêve de préambule, la soif se fait sentir et nous demandons à Nikolas, notre sympathique et très informé serveur et sommelier, de nous faire voir la carte de vins - car ici, on fonctionne d'abord «à l'ancienne», à la voix, pour guider les clients assoiffés, sauf s'ils sont trop curieux, comme nous.

Après quelques tergiversations, nous optons pour un verre de La Divina, de jolies bulles en biodynamie du Domaine de l'Écu, de la région de la Loire, un mélange minéral et vif, idéal pour l'apéro. Plus tard suivra une bouteille d'Ograde, un vin de macération biologique du producteur Skerk, de la région du Frioul, en Italie, très aromatique avec son nez rappelant la pêche et qui se mariera à merveille à notre kyrielle de petits plats.

Inspirés par l'esprit communal qui règne dans notre section, notre groupe, au nombre de quatre, décide d'opter pour le partage. Une dizaine de plats de saison, aux descriptions sibyllines telles que «Concombre/Chèvre/Verveine», sont au programme. Bien guidés, nous en sélectionnons sept, dont une «Volaille pour deux», qui s'annonce plus généreuse.

Non, tout n'est pas parfait au Petit Mousso. Certains plats ravissent complètement, d'autres étonnent franchement, et quelques-uns sont moins mémorables. Chose certaine, ils sortent tous des sentiers battus.

On a affaire à une cuisine très réfléchie, qui intègre différentes techniques culinaires dans ses préparations et met de l'avant des produits méconnus ou alors plus communs, mais apprêtés de façon nouvelle, surprenante, créative. Une cuisine de précision où la petitesse des portions permet de mettre l'accent sur chacune de ses composantes, travaillées avec soin.



Parlant de ravissement, notre repas s'amorce en grand avec la mousse au foie de volaille. Non seulement l'assiette est-elle magnifique, surmontée de feuilles du très photogénique oxalis pourpre et de violacées baies de sureau caramélisées au sucre, mais encore la mousse, savoureuse, est d'une onctuosité qui frise la perfection. Étalée à l'envi sur un moelleux pain au levain maison, elle fait l'unanimité.

Quant à nos mystérieux concombres du début, ils sont un exemple manifeste de la créativité qui est à l'oeuvre dans la cuisine et qui peut aussi rimer avec simplicité. Les concombres en tranches ont été marinés dans un kombucha maison, puis déposés sur un savoureux fromage de chèvre frais. Le tout est parsemé de fleurs de verveine. C'est surprenant, frais et vif. Voilà comment on élève un aliment souvent banal, le concombre, vers d'autres cieux.

Bon coup, moins bon coup

L'un de nos plats favoris de la soirée, grâce à son originalité et au mariage réussi de ses saveurs, est le shishito et sauce tonnato, une variation inattendue sur le thème du vitello tonnato. Ici, la peau légèrement brûlée sur le grill des piments vient contrebalancer une sauce divinement crémeuse à base de thon, sans oublier la poudre de «bottarga» (la poutargue, une délicatesse méditerranéenne typique faite à partir de poisson séché et salé, ici le maquereau) et les fines lamelles de lardo qui donnent au plat profondeur et intensité.

Du lot, c'est le maquereau qui sera le moins mémorable. Le plat manque d'équilibre, le goût prononcé du poisson prenant le dessus sur les autres, plus subtils, de l'espuma de piment habanero (qu'on goûte à peine) et du mélange de laitues fraîche et marinée.

En finale du repas, notre «volaille» pour deux est un tendre coquelet, apprêté de deux façons et servi avec sa verdurette colorée de fleurs comestibles, qui vient avec une vinaigrette verte à l'estragon et habanero, celle-ci bien relevée.

D'un côté, des poitrines bien tendres, nappées d'une incroyable sauce beurre blanc au xérès, sont servies avec des carrés croustillants de patates compressées, alors que de fines lamelles de truffe australienne ont été insérées sous la peau. Un plat enveloppant, automnal et satisfaisant.

De l'autre arrivent les pattes entières de l'animal, laquées d'une sauce à l'érable bonne à s'en lécher les doigts et sur lesquelles ont été déposées des baies de sureau immatures et fermentées, des câpres québécoises en quelque sorte, d'une belle acidité. Un exemple inspirant de ce qu'on peut réussir à créer avec les produits issus du terroir québécois.

Les desserts, par ailleurs fort esthétiques, ne constituent pas le moment fort de notre soirée. Le plat de pudding (ou gruau?) de sarrasin surmonté de sa nougatine croustillante de poudre de pollen ou la pomme cuite dans une croûte de sucre et cassée à table à la cuillère, accompagnée d'une glace à l'azote aux herbes, font montre d'une belle exploration de diverses techniques, mais ils semblent tout deux s'adresser plutôt à l'intellect qu'aux plaisirs des sens.

Photo Marco Campanozzi, La Presse

L'un de nos plats favoris a été, grâce à son originalité et au mariage réussi de ses saveurs, le shishito et sauce tonnato, une variation inattendue sur le thème du vitello tonnato.

Le Petit Mousso. 1023, rue Ontario Est, Montréal. 438 385-7410 lemousso.com/

Notre verdict

Prix: Petits plats variant de 15 $ à 28 $; 55 $ pour le service de volaille pour deux.

Carte des vins: Belle sélection; plusieurs vins nature dans toutes les gammes de prix, ainsi que quelques perles au verre. Cocktails créatifs.

Espace: Ancienne salle du Mousso, déménagé à côté. Ambiance festive et chaleureuse, niveau sonore élevé.

Service: Professionnel et connaisseur, tout en restant assez décontracté et éminemment sympathique.

Plus: La volonté de sortir des cadres, la créativité, l'exploration autour des techniques culinaires et produits.

Moins: Oui, les portions sont généralement petites et les prix, plus élevés que la moyenne. La cuisine est parfois trop intellectualisée.

On y retourne? Pour se faire plaisir ou faire découvrir à des visiteurs ce qui fait de Montréal une ville gastronomique si distincte.

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Dans cet espace exigu et assez bruyant, la proximité est de mise; pas trop le choix d'aimer ses voisins... ou, à défaut, de les endurer.