Je suis arrivée chez Cordova un matin où je cherchais un café et de quoi petit-déjeuner. J'avais en tête un croissant ou une brioche, rien de compliqué.

Mais chez Cordova, où je me doutais bien que le café serait délicieux puisque l'un des propriétaires est aussi celui du café Myriade, pionnier montréalais de la troisième vague, il ne restait plus de viennoiseries.

Une seule option s'est alors imposée, unique élément au menu ressemblant à un «desayuno»: du pain à la tomate, comme on le prend au petit-déjeuner, à Barcelone.

Car le nouveau café de Saint-Henri, rue Notre-Dame Ouest, est un hommage à l'esprit de la métropole catalane et du nord de l'Espagne, donc le choix s'imposait même si ma vision du petit-déjeuner parle plus souvent de fruit que de légume. (Je sais, je sais, la tomate est un fruit, moi aussi je suis allée à la maternelle, mais vous voyez ce que je veux dire.)

Et en plus, ce qu'on appelle «Pa amb tomaquet», en catalan, est souvent préparé avec de l'ail et je trouvais qu'il était encore un peu tôt pour ça. Mais comme on m'a assuré qu'il s'agissait de la version douce, j'ai accepté de plonger. J'avais faim. Il devait être rendu 11 h et je n'avais toujours rien mangé.

Est-ce pour cela que je suis tombée à la renverse en croquant dans cette humble tartine de pain grillé, de tomate écrasée, avec de l'huile d'olive et du sel? Est-ce parce que les tomates sont au sommet de leur saison?

Peut-être.

Mais je crois que c'est surtout à cause du pain de Hof Kelsten qu'on utilise.

Comme en Catalogne

Jeffrey Finkelstein, le boulanger derrière ce cadeau du ciel, a passé du temps à Barcelone chez le grand pâtissier Oriol Balaguer. La friabilité insaisissable des flautas, ces petites baguettes qu'on utilise souvent pour ces tartines aux tomates - et pour les sandwichs au jamón -, il l'a identifiée, comprise, reproduite.

J'étais assise sur la terrasse, à Saint-Henri donc, à croquer dans mon pain, et ce fut un très beau moment proustien. J'étais en Catalogne.

Dans ma tête, images fortes et goûts en bouche de tous les voyages magiques que j'y ai faits circulaient en rafale comme un film en savorama...

Je me suis juré que j'y retournerais pour l'apéro, style 21 h, histoire de prolonger l'expérience ibérique. Vous savez comme leurs horaires sont décalés. Cette fois, le but serait de prendre un verre de vermouth ou de cava peut-être, ou de priorat, avec des anchois, des piments, de la ventrèche de thon en conserve. Là-bas, ils en font une religion. Ils s'en donnent en cadeau.

Le menu de tapas du Cordova accorde une grande place aux conserves que la maison revend aussi. Des produits de belle qualité de la marque Conservas de Cambados, préparés en Galice, à mi-chemin entre Vigo et Saint-Jacques-de-Compostelle, de l'autre côté de l'Espagne. Le menu embrasse aussi la tradition des pintxos du Pays basque, avec de petites brochettes minutieusement montées comme la «gilda», avec anchois, olive et piments guindillas - verts, tout petits, légèrement piquants - marinés.

Le menu offre aussi une vaste sélection de charcuteries, en commençant par du jambon serrano, donc salé et séché, et des saucissons, délicatement tranchés et joliment présentés. Pour les amateurs, il y a le fameux jambon «iberico bellota», le jambon ibérique considéré comme de qualité supérieure, laissé en liberté pour qu'il se nourrisse de glands et d'autres aliments sauvages. Je n'ai pas vu de pata negra au menu - considéré comme le maximum de la qualité sur la péninsule ibérique -, mais on est chez des connaisseurs. Le jambon est tranché très finement et moelleux. Et on propose du lomito, une autre version du jambon, provenant d'une zone assez persillée du cochon, sur le dos. Là encore, la viande est salée, séchée...

Sinon, il y a toutes sortes de saucissons comme le chorizo - au paprika fumé - et le salsichon. On mange le tout avec du pain, les fameuses flautas...

Photo Olivier PontBriand, La Presse

Le menu de tapas de Cordova accorde une grande place aux conserves, de la marque Conservas de Cambados.

L'autre grande section du menu est constituée de conserves. Moules en escabèche, donc cuites dans la chaleur d'une sauce au vinaigre, sardines, poulpes, couteaux... On a choisi la ventrèche de thon, fondante, remplie de parfums de mer, dont on utilise l'huile pour tremper le pain...

On aurait aimé plus de verdure à travers tout ça. Plus de légumes croquants peut-être? On s'est rabattus sur les haricots de Lima, blancs, servis dans une onctueuse sauce au beurre. Végétal, savoureux, riche. Pas la fraîcheur escomptée, mais quel beau plat quand même!

Et puis on aurait aussi apprécié une toute petite bouchée sucrée pour clore le repas, mais ça non plus, authenticité oblige, j'imagine, il n'y en a pas au menu.

On nous a suggéré d'aller chez le glacier en face, Dalla Rose. Un autre endroit pas mal du tout.

Notre verdict

Prix: Conserves à partager de 13 à 24 $. Assiettes de charcuteries de 8 à 30 $. Tapas de 3,50 $ à 14 $.

Carte des vins: Pour boire, le matin, on y fait de l'excellent café. Pour le reste de la journée, apéros et cocktails sont rois. En revanche, carte des vins très courte.

Ambiance: On aime la petite terrasse de bois, l'été, qui nous amène dans la rue même si elle est un peu exiguë. L'aménagement de l'intérieur du café-bar est très soigné. Ceux qui s'y donnent rendez-vous sont les créatifs du quartier en transformation, qui y habitent, qui y travaillent, X, milléniaux. Ils se donnent rendez-vous en petits groupes le soir, prennent des cafés en tête à tête le matin.

Plus: Le pain à la tomate.

Moins: Ça manque de légumes frais, de dessert...

On y retourne? Oui, c'est déjà fait.

Cordova. 4606, rue Notre-Dame Ouest, Montréal. 514 647-4338. https://www.cordovasthenri.com

Photo Olivier PontBriand, La Presse

Vue de la terrasse du Cordova, à Saint-Henri