Si j'avais pris uniquement ma salade, mes pâtes et mon dessert végétalien, je serais repartie repue, souriante et profondément enthousiaste d'Il Miglio, le comptoir de pâtes très abordable du Mile End ouvert l'année dernière par la bande de restaurateurs du Club Chasse et Pêche, du Serpent et compagnie.

Ce sont les autres plats que j'ai essayés pour en savoir un peu plus qui ont légèrement ralenti mes ardeurs.

Laissez-moi vous raconter.

D'abord, déclaration de fan: j'adore ce que proposent le restaurateur Hubert Marsolais et le chef Claude Pelletier et leur gang de cuisiniers, de sommeliers, leur pâtissière de génie dans leurs multiples établissements.

Le Club Chasse et Pêche et Le Serpent dans le Vieux-Montréal, Le Filet sur Mont-Royal, maintenant même la taverne Le Pélican de l'avenue Laurier. Toutes ces tables sont chouettes à leur façon. Peut-être pas parfaites - Le Filet, par exemple, est trop bruyant et l'éclairage difficile - , mais qui n'aime pas le soin apporté à l'aménagement, au service et à la cuisine, sous la houlette de Pelletier, ainsi que les cartes de vin sans clichés. La passion de Marsolais pour l'art contemporain - il a même organisé récemment une exposition éphémère avenue Laurier, là où il projette de construire un hôtel - est aussi un grand cadeau car elle signifie que ses lieux sont dotés d'oeuvres majestueuses. On aime le Pierre Dorion du Serpent, les pièces de Nicolas Baier au Club Chasse et Pêche, le Geneviève Cadieux au Filet. L'aménagement de tous les espaces est toujours recherché et n'est aucunement convenu. Chez Il Miglio, on a travaillé avec T-B-A pour créer un aménagement en noir et blanc minimaliste et raffiné, avec des pointes de graphisme pour les instructions fonctionnelles, un lieu évoquant vraiment une cafétéria née dans les rêves d'un architecte milanais des années 80 réincarné à Montréal en 2018.

Dommage que cette cantine italienne du boulevard Saint-Laurent, à peu près en face de ce qui fut jadis le Lux, n'est pas aussi géniale, dans l'assiette, que je l'aurais espéré. Peut-être mes attentes étaient-elles trop élevées?

C'est bon, mais c'est, justement, un peu trop une cantine. Même la meilleure des sauces à lasagne, par exemple, ne peut ressusciter un plat sans assez de définition, de tenue. Cuisson exagérée? Qualité des pâtes? Personne à table n'a été renversé. Même chose pour les boulettes de viande. On cherchait le moelleux, on cherchait le genre de pointe d'acidité qu'apporte le citron, un parfum d'herbe peut-être, quelque chose pour leur donner de la personnalité, quelque chose pour qu'il n'y ait pas que le simple appel d'un estomac affamé pour nous donner envie de plonger et replonger la fourchette dans l'assiette. On comprend qu'on veut rester abordable, mais encore.

Dommage que ces plats soient moyens, parce que le reste du repas, lui, était excellent, en commençant par la salade de tomates et concombres aux oignons rouges tout doux. Frais, croquants. «Trop simple», a dit celle qui mangeait avec moi et qui aurait espéré plus d'originalité quelque part. C'est vrai que c'était à la limite du trop pas compliqué - des crudités et de l'huile - , mais la douceur exquise des oignons rouges en fines, fines lamelles m'a charmée. Je ne me rappelle pas la dernière fois où j'ai mangé des oignons crus comme ça sans traumatiser mes papilles pour 48 heures. Mais les tomates aussi étaient parfaites, ne faisons pas de jaloux.

Les papardelles à la bette à carde nous ont, elles aussi, ravies. Amertume des tiges de légumes encore croquants à peine soutenue par une discrète sauce aux tomates cerises confites. Velouté charnu des larges pâtes plates.

Mais le vrai coup de coeur, je le réserve au dessert végétalien aux noisettes et au chocolat où on sent le génie de Masami Waki, la pâtissière de tout le groupe. Ciel que c'était bon. Une sorte de gianduja qui se mange à la cuillère. Crémeux, vraiment praliné. On a omis d'ajouter les granolas qui venaient en accompagnement et personne ne s'est plaint. Je veux la recette.

En temps normal, nous a-t-on expliqué, il y a d'autres créations chocolatées de la pâtissière, façon rocher, mais en été, on fait une pause de tout ce fondant. Pour la route, j'ai emporté un morceau de gâteau au chocolat et au caramel que j'ai goûté plus tard. Là encore, on a droit à du Masami impeccable, riche, juste. De la grande pâtisserie pour 2,75 $.

Nous avons bu de l'eau avec tout ça, mais on aurait pu prendre une boisson gazeuse ou même du vin. La maison en propose une seule sorte, en blanc et en rouge. Les menus sont courts chez Il Miglio. Côté vin, mais côté antipasti et pâtes aussi.

En verrouillant mon vélo en arrivant, près de la porte, j'ai entendu des gens parler de jeu vidéo. Dans le restaurant, les hommes formaient la majorité. Est-ce parce que dans le quartier, avec toutes ses entreprises technos, en commençant par celles de jeu vidéo, on emploie plus d'hommes ou est-ce parce que les femmes sont ailleurs à manger de la salade plutôt que des pâtes, selon le vieux stéréotype?

C'est vrai que c'est bon, la salade. Mais si je travaillais dans le quartier, j'y retournerais, pour les pâtes créatives et pour les desserts de Masami.

Photo Edouard Plante-Fréchette, La Presse

La campanelle aux champignons du Il Miglio

Notre verdict

Il Miglio. 5235, boul. Saint-Laurent, Montréal. 514 360-3069. https://ilmiglio.ca

Prix: salade 5 $, boulettes de viande 9 $, papardelles 11 $, lasagne 9 $, dessert végétalien 3 $, gâteau au chocolat et au caramel 2,75 $.

Carte des vins: deux sortes de vin, du rouge et du blanc. Sinon, de l'eau ou des boissons gazeuses.

Concept: cantine-épicerie-traiteur, où on peut manger des pâtes et quelques antipasti sur place, commander des repas de groupe ou solo à emporter ou, encore, où on peut acheter du prêt-à-manger.

Décor: minimaliste et élégant, tout en noir et blanc, signé T-B-A.

Service: souriant, mais au comptoir. Pas de service aux tables.

Faune: les travailleurs du Mile End, aussi connu comme étant le quartier du jeu vidéo.

Plus: les desserts de Masami Waki.

Moins: les pâtes à manger sur place, inégales.

On y retourne? Oui.

Photo Édouard Plante-Fréchette, La Presse

Le décor est minimaliste et élégant, tout en noir et blanc, signé T-B-A.