Voilà quelque temps que nous suivions sur les réseaux sociaux le dynamique Comptoir Restaurant, un sympathique endroit se spécialisant dans les vins nature et la cuisine de marché à Saint-Jean-sur-Richelieu.

Nous avons donc pris la route un samedi soir pluvieux de mai afin d'aller goûter - et boire! - la carte de ce restaurant aux hauts plafonds, à l'espace en longueur assez dénudé, décoré avec simplicité: grands murs de briques, traverses de bois apparentes au plafond, bar de béton poli avec cuisine ouverte, quelques tables et un long comptoir convivial, avec de larges fenêtres offrant la vue sur la rivière Richelieu.

Précisons: la vue est présentement obstruée par l'immense chantier de construction du pont Gouin, en train d'être complètement refait. Il y a quelques années, le Comptoir Restaurant était situé juste en face, exactement où se trouve le chantier. Comme bien d'autres commerces de la rue du Quai, il s'est fait exproprier et a dû fermer ses portes en décembre 2013.

Découragé, le propriétaire, Jean-Mathieu Bouchard, a bien cru que c'était la fin de l'histoire. Mais, un an plus tard jour pour jour après la fermeture, il a signé le bail de ce local de la rue Richelieu, et ce fut la renaissance du Comptoir Restaurant en juillet 2015.

Chaleureux et volubile, le restaurateur n'est pas né de la dernière pluie. C'est lui qui a fondé le restaurant à déjeuners L'Enveloppé (aujourd'hui Les Bonnes Soeurs), situé pas très loin dans la même rue. Après l'avoir vendu, il est retourné à Rimouski, sa ville natale, où il a exploité pendant quelques années le 360 degrés. La vie l'ayant ramené à Saint-Jean-sur-Richelieu, il s'est finalement lancé dans l'aventure du Comptoir en 2009.

Bonnes choses à boire

Passionné de bonnes choses à boire, le propriétaire s'est donné comme mission de rendre les vins nature plus accessibles dans sa région, et de les faire connaître à tout un chacun. Il s'assure d'ailleurs de passer de table en table afin d'aiguiller les clients et de bien les conseiller, selon leurs envies.

La carte, fort variée, est composée en grande partie d'importations privées - dont quelques créations québécoises comme les produits de Pinard & Filles et du Domaine du Nival. Vous y trouverez des jus plus accessibles et faciles à boire, comme d'autres trouvailles pour ceux qui ont envie de s'aventurer hors des sentiers battus.

Tout cela est fait sans aucune forme de snobisme; la carte prend le temps d'expliquer ce que sont les vins orange - tout simplement un vin blanc vinifié comme du vin rouge, inscrit-on - alors que les vins blancs et rouges comptent une section «vins différents» où sont regroupés les vins pour papilles plus averties.

Notre choix s'arrête sur un vin orange italien de la région des Abruzzes, Ceci n'est pas un bianchetto, par la maison Lammidia, dont les vignes sont situées à 700 m d'altitude. Tout en fraîcheur et en acidité, ce mélange des variétés Trebbiano, Montonico et Pecorino est une introduction parfaite à ce type de vinification. Un compagnon idéal pour notre repas.

Petits plats, grands plaisirs

Les petits plats sont à la mode, pas de doute. Mais M. Bouchard les mettait déjà à son menu dans son restaurant de Rimouski il y a plus de 10 ans, donc on ne pourra pas lui reprocher de succomber aux saveurs du jour.

La carte change souvent, puisque l'établissement se fait un point d'honneur de mettre les produits de saison de l'avant, et plus précisément les produits de la Montérégie: yogourt et mozzarella de bufflonne, fromage Le Gré des champs, sans oublier les légumes de producteurs de la région.

Malgré le temps maussade dehors, le menu du moment prend des airs d'été avec ses petits et moyens plats tout en fraîcheur. Les premières asperges du Québec sont arrivées, impossible, donc, de résister au tartare de flétan (du Saint-Laurent, précise fièrement le propriétaire), qui se présente mélangé avec de la sauce au yogourt de bufflonne, du raifort et des petits morceaux d'asperge, accompagné de croûtons et d'une tête d'asperge tempura, vraiment trop minuscule à notre goût. C'est frais et délicieux, même si le goût est un peu trop délicat - davantage de raifort lui aurait donné un peu plus de personnalité.

Notre coup de coeur est la salade de bette à carde, servie avec gravlax de truite, courges rôties au thym, graines de citrouille, vinaigrette au xérès, le tout déposé sur du fromage frais onctueux.

On adore la cohabitation des textures et des parfums, la générosité de l'assiette, les couleurs. Le genre de salade qu'on dégusterait chaque jour, sans se lasser.

De son côté, notre invité fait la fête à ses pétoncles parfaitement cuits et bien colorés. Les gnocchis croustillants qui les accompagnent ajoutent de la texture à l'assiette et la crème aux pois verts, de l'onctuosité. Un plat de saison bien réussi.

Côté bistro

En deuxième service, on se lance dans des plats plus copieux, à la personnalité davantage bistro que cuisine du marché - il faut bien plaire à un large public, donc le menu propose également un burger, de la poutine et des pizzas, une nouveauté.

Les pizzas sont cuites sur une pâte de pain baguette. Une idée originale, mais qui ne convainc pas entièrement. La pâte est très craquante, moins moelleuse qu'attendue. Les garnitures - confit de canard, feuilles de choux de Bruxelles, oignons marinées, champignons - se marient bien ensemble. C'est satisfaisant sans être épatant.

Le burger, avec sa généreuse boulette de boeuf Wagyu, sa tranche épaisse de bacon laqué, ses oignons frits, son cheddar vieilli deux ans et ses tomates confites, est exquis. «Tout ce qu'un burger doit être», lance notre convive. En effet. En revanche, les frites dodues, mais un peu molles qui l'accompagnent ne sont pas mémorables.

Au bout du compte? On avoue préférer les petits plats de cuisine du marché, mieux réussis et plus inspirés. Ils sont aussi des parfaits compagnons pour les jolis vins qui se trouvent sur la carte.

Décevant dessert

Notre estomac rempli nous invite à oublier le dessert, mais nous nous laissons convaincre par la suggestion de la maison, une pomme confite, fourrée au centre avec un caramel à l'érable, servie sur une crème d'amandes dont la texture fait penser au pouding chômeur. Le tout se révèle plus intéressant sur papier qu'en réalité. La pomme, froide à l'intérieur, manque de cuisson et l'appareil avec crème d'amandes n'est pas assez moelleux. L'idée est intéressante, mais l'exécution laisse à désirer.

Un faux pas qu'on pardonne vite, grâce à deux petits cromesquis de foie gras avec purée de poire et crumble de noisettes qui explosent délicieusement dans la bouche, accompagnés en digestif de vin de miel liquoreux Or du temps, vieilli 20 ans, de la ferme Desrochers, fait à partir de miel brut biologique des Miels d'Anicet.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Le tarte de flétan du Saint-Laurent, avec sa sauce au yogourt de bufflonne et ses asperges.

Comptoir Restaurant. 210, rue Richelieu, Saint-Jean-sur-Richelieu. 450 741-4412. https://comptoirrestaurant.ca

Notre verdict

Prix: Une bonne affaire; la plupart des petits et moyens plats sont à 16 $.

Carte des vins: Sans contredit la place sur la Rive-Sud pour déguster et découvrir des vins vivants, nature, biologiques dans un cadre décontracté.

Service: Un peu vert et discret, mais soutenu par le propriétaire très sympathique.

Aménagement et ambiance: Espace dénudé, beaucoup de matières brutes, pas très élaboré mais accueillant et chaleureux.

Plus: Le propriétaire, la carte à boire, des petits plats de cuisine du marché bien fignolés.

Moins: Quelques plats de cuisine bistro qui charment moins, les desserts.

On y retourne? De passage dans le coin, absolument.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Assez dénudé, l'espace en longueur et hauts plafonds du Comptoir met de l'avant les matières brutes : mur de briques, bar en béton poli, traverses de bois au plafond.