J'ai envie de chercher des défauts au nouveau Vin Mon Lapin parce que sinon, je vais avoir l'air gaga tellement j'aime ce nouveau restaurant.

Parce qu'effectivement, j'adore pas mal tout de cette table récemment arrivée rue Saint-Zotique, dans la Petite Italie. La généreuse place faite aux produits locaux, le choix judicieux de vins naturels et de petits artisans, l'accueil et l'atmosphère conviviaux et sympathiques, les combinaisons de saveurs recherchées sans jamais être trop excentriques, la variété des textures et techniques de cuisson.

Dans ce dernier projet de la bande du Vin papillon - soit Vanya Filipovic au service et au vin, Alex Landry à l'accueil et Marc-Olivier Frappier à la conception des recettes, avec en plus comme chef de cuisine Jessica Noël, une ancienne de Blue Hills at Stone Barns - qui n'a pas la prétention de faire concurrence aux grands étoilés Michelin mais qui élève l'idée du restaurant de quartier à un autre niveau, tout est exactement à sa place.

On n'a jamais l'impression de manger un plat vu ailleurs. Et en même temps, tout est facile à aimer et préparé avec doigté. La créativité ne se laisse jamais aller aux dépens de la cohérence. Et sait brillamment suivre les saisons. J'y suis allée deux fois et à chacune des occasions, on mettait en vedette des produits du moment. Des tout nouveaux petits radis, premiers de la saison, de la Ferme des Quatre Temps, trempés dans une sauce onctueuse à l'anguille fumée de Kamouraska. (La maison a une fascination pour le Bas-du-Fleuve, d'où vient Alex Landry.) C'était juste parfaitement croquant, salé, frais. Une autre fois, on s'est lancés dans le crabe des neiges, le roi d'avril, et les crevettes, présentés avec un beurre aromatisé à la brioche et un aïoli. Dans un autre plat, c'étaient les toutes dernières feuilles d'oseille qui étaient mises de l'avant pour rehausser de leur fraîcheur et de leur pointe d'acidité des bourgots charnus servis avec un crumble de brioche.

Rien de compliqué mais tout est dans la fraîcheur précisément cuite des crustacés - juste assez, pas trop - dans la finesse des sauces, dans la présentation pour que le fruit de mer soit à la fois facile à manger mais nécessitant encore un peu de travail, ce qui ajoute au plaisir de la dégustation et fait penser aux vacances à la mer...

Donc comme je disais, cherchons les défauts... Un des plus grands est évident d'entrée de jeu: comme on ne peut pas réserver et que le lieu est déjà très populaire, il faut attendre sa table. Et attendre debout n'est pas l'activité favorite de grand monde. (Et oui, même si on me connaît et reconnaît, j'attends, comme j'ai vu attendre un grand designer italien en visite en ville et des vedettes de notre petit écran...)

Mais la maison sait comment nous calmer: on offre rapidement, pour patienter, de prendre un verre de vin et si l'attente se prolonge, on peut grignoter quelques snacks appuyé sur un mini comptoir. Des croque-monsieur de brioche au céleri-rave à tremper dans une sauce aux oeufs soyeuse comme de la crème anglaise salée, du jambon cuit tranché finement, comme du papier, que l'on sert avec de fines tranches de Fleur des Monts, un fromage de lait de brebis, sur laquelle on fait couler un beurre noisette évoquant presque le caramel...

Ce ne sont pas tous les plats que l'on peut manger ainsi. Je vous recommande fortement les tagliatelles au ragoût d'agneau braisé, un plat chaleureux, savoureux, digne témoignage de l'amour et du temps que le chef Frappier a passé dans la région de Bologne en Italie. Mais pour celui-là, j'attendrais d'être assis. Même chose pour la légendaire salade de laitues rouges amères aux copeaux de foie gras, une combinaison originale où l'acidité et l'amertume du légume racine sont doucement enrobées par la douceur du foie gras. Et je crois aussi que la polenta aux oursins, un plat tout en délicates variations sur le thème du crémeux, mérite d'être dans une position confortable. Ça se mange à la cuillère.

Mais cherchons donc un autre défaut... Trop de tableaux de Peter Hoffer sur les murs, peut-être? L'artiste canadien a déjà beaucoup de pièces dans les autres restaurants du groupe et là, il y en a encore plusieurs autres. Ceci permet de créer une certaine unité dans les atmosphères mais si j'avais à changer quelque chose, je n'en laisserais qu'un. Il aurait plus de force ainsi, je crois. Mais bon, ceci est une question de goût bien personnelle...

Je passe en revue mon dernier repas où tout m'a semblé impeccable. Tiens, les fraises. Les premières de la saison, en serres. Elles nous ont été servies avec un sabayon au vermouth et je crois que je les aurais préférées plus simples pour apprécier leur nouveauté. La tisane? On nous propose des infusions de la marque Kusmi. Rien de local alors que tout le reste l'est. Ou presque. Et seules des options de camomille et verveine... On pourrait faire un petit effort d'originalité et d'approvisionnement.

Mais est-ce grave? Pas quand ladite boisson accompagne une jolie glace à la faisselle de chèvre, au miel et au sapin, délicate et surprenante. Comme tout ce repas dont on ne dira pas qu'il est hors des sentiers battus mais plutôt qu'il en trace de nouveaux.

Photo Olivier PontBriand, La Presse

On n'a jamais l'impression de manger un plat vu ailleurs. Et en même temps, tout est facile à aimer et préparé avec doigté.

Vin Mon Lapin. 150, rue Saint-Zotique, Montréal. https://vinmonlapin.com

Notre verdict

Prix: petites assiettes à partager qui vont, grosso modo, de 3 $ - du pain à la farine de topinambour avec de la margarine maison au tournesol - à 23 $ pour du crabe frais. Desserts 5,50 $ à 7,50 $.

Carte de vins: comme chez Vin Papillon, la priorité va aux vins naturels, en biodynamie, de petits producteurs. Une des meilleures cartes de ce genre en ville, avec vins oranges et produits locaux, bien évidemment.

Service: toutes les fois où j'y suis allée, c'était bondé, donc tout le monde travaille fort, avec le sourire, pour répondre à toutes les demandes.

Atmosphère: déco savamment éclectique, comme la faune qui va de l'animateur vedette au designer italien connu internationalement en passant par tout le fan club déjà convaincu des restos de la bande du Joe Beef. Petit espace appelant à la convivialité. On ne va pas là pour un tête en tête secret tout en chuchotements. Pour rencontrer du monde et rigoler? Ça, oui.

Plus: la qualité de la cuisine à prix abordables, la carte de vins naturels.

Moins: l'attente en arrivant.

On y retourne? Oui.

Photo Olivier PontBriand, La Presse

La priorité va aux vins naturels, en biodynamie, de petits producteurs.