Une nouvelle garde s'est installée depuis quelques mois à la barre du beau local vitré du boulevard Saint-Laurent, tout près de Saint-Joseph. Désormais baptisé Sir Joseph, le resto est mené par une jeune équipe dynamique avec beaucoup de bonne volonté, qui compense quelque peu une cuisine qui a besoin de trouver ses repères.

À cette même adresse, il y a d'abord eu Projet 67, un concept quelque peu alambiqué inspiré d'Expo 67, lancé en 2012 et qui n'a pas fait long feu. S'est ensuite installé l'année suivante le Pub Sir Joseph, qui misait sur une approche franchement plus décontractée à renforts d'huîtres, tartares, burgers, fish n'chips et d'une sélection de bières anglaises.

L'endroit est favorablement situé tout près d'Espace Go, et accueille majoritairement une clientèle qui vient casser la croûte avant de se rendre au théâtre.

Les propriétaires cherchaient à vendre depuis un certain temps quand une jeune équipe a pris le relais l'été dernier. Le nouveau propriétaire, Simon Desrosiers, est sommelier et maître d'hôtel. Il est passé par plusieurs établissements montréalais, dont le Laloux, et c'est son premier restaurant. C'est le chef Mark Gutenkunst (Laloux, Barroco, XO de l'hôtel St. James) qui est en cuisine.

Sir Joseph, donc, a laissé tomber son «pub» et sa proposition se veut plus raffinée et gastronomique, tout en restant accessible. Depuis la semaine dernière, l'endroit est aussi un café, le jour, qui sert pains grillés, scones et granolas maison.

Charmant service

La salle a gardé sa «charpente» - dont le comptoir-bar en béton qui trône au centre de l'espace et lui donne du caractère -, mais l'espace, sobre et urbain, a été épuré. D'emblée, à notre arrivée, on nous demande si nous allons au théâtre - il est 19 h, un jeudi soir, et la salle, assez remplie, se videra sur les coups de 20 h. Non, nous avons tout notre temps. Parfait.

Notre serveur est franchement sympathique, un peu pince-sans-rire, et il répond à nos questions avec célérité. Vivement du personnel de service avec de la personnalité!

Rapidement, il nous envoie le sommelier-propriétaire, qui nous aiguille à travers une belle carte des vins composée à 95 % d'importations privées. Voyant notre goût pour l'aventure, il nous propose d'essayer un riesling bulgare, tout en nous racontant l'histoire romantique de ce couple de vignerons français qui seraient tombés en panne devant ce vignoble de Bulgarie et qui, charmés, auraient acheté le domaine où est produit ce vin atypique et fort intéressant.

La soirée commence bien.

Menu inégal

Le menu est très court - un peu trop, peut-être -: trois entrées, quatre plats principaux et quelques en-cas, dont une planche de charcuteries qui semble populaire, à en juger par les tables voisines.

Les choix se font un peu par défaut; nous avions entendu parler du burger, gargantuesque, mais nous avons plutôt envie de légèreté. Nous optons donc pour une salade amère et un plat de truite. Notre convive, lui, choisit le potage et un plat de risotto végétarien. Des plats pas tout à fait printaniers, qui font peut-être écho à la grisaille tenace de cette fin du mois d'avril.

La salade de fenouil et chicorée rouge, avec fines lamelles d'oignons rouges marinés et olives vertes en rondelles, le tout déposé sur une onctueuse ricotta maison au citron et saupoudrée de chapelure, est le plat le plus réussi de la soirée.

Le mélange, surprenant, voire incongru, de ces aliments s'avère heureux: d'un côté, l'amertume du fenouil et de la chicorée, de l'autre, le côté vinaigré des oignons et des olives, le tout adouci par la ricotta. Le jeu des textures est amusant. On aurait bien pris une touche d'acidité ou de piquant de plus, pour relever le tout, mais ça reste une belle idée.

Nul doute, le chef tente de mettre de l'avant sa créativité dans sa sélection de plats et ses amalgames d'ingrédients, ce qu'on salue, mais côté exécution, on aimerait des plats plus équilibrés, mieux maîtrisés et à la présentation visuelle davantage raffinée.

Ainsi, le potage de topinambour, servi brûlant, présente une texture un peu trop épaisse. En bouche, ce n'est pas mauvais, avec les graines de citrouille rôties et les tuiles de parmesan qui ajoutent du croquant, mais, au bout du compte, le plat est trop salé et il manque de finesse.

Les plats principaux nous laissent mi-figue, mi-raisin. La truite du Québec confite est cuite à point, mais pas très goûteuse, ce qui est compensé par le bouillon dashi bien relevé et des armillaires de miel marinés, de petits champignons dodus dont on aurait pris un pot entier tellement ils étaient délicieux. Mais les nouilles de sarrasin qui accompagnent le tout ne sont pas assaisonnées, et contribuent à rendre le plat un peu fade, au bout du compte. Quant aux fines lamelles craquantes de radis melon d'eau, elles semblent déposées là pour faire joli seulement, sans vraiment s'intégrer au plat.

Le risotto à la courge musquée et au fromage Oka est décevant. C'est une enfilade de «trop»: texture trop liquide, trop de fromage Oka, trop d'huile de pépins de courge torréfiés. Visuellement, ce n'est pas joli, trop huileux. Mieux dosé, ce plat pourrait pourtant être intéressant.

Au dessert, une agréable surprise sous la forme d'un mariage orange et chocolat bien décliné nous attend: les brownies au chocolat présentent un petit goût frais d'orange, le tout accentué par une crème à l'orange et accompagné d'une mousse au chocolat bien onctueuse et de meringue. Une assiette assez copieuse pour deux, bien présentée, qui conclut notre repas sur une bonne note.

Au bout du compte, il y a du travail et de la réflexion à faire en cuisine afin d'arriver à proposer des assiettes plus équilibrées et travaillées, qui s'arrimeront à la qualité du service et de la carte à boire. L'ajout de quelques propositions plus simples et de saison au menu pourrait être une avenue à explorer. Avec des ajustements et une certaine constance, l'endroit pourrait même réussir à s'imposer parmi les bonnes tables du coin. On le souhaite.

Photo Alain Roberge, La Presse

Salade de fenouil et chicorée rouge, avec fines lamelles d'oignons rouges marinés et olives vertes en rondelles, le tout déposé sur une onctueuse ricotta maison au citron et saupoudré de chapelure.

Sir Joseph. 4902, boulevard Saint-Laurent, Montréal. 514 564-7477. lesirjoseph.com

Notre verdict

Prix: acceptables. Huîtres à 18 $ pour 6, assiette de charcuteries à 18 $, entrées entre 11 et 19 $, plats principaux entre 20 $ et 26 $.

Carte des vins: grande majorité d'importations privées. Carte bien fignolée par le sommelier-propriétaire, avec quelques choix pour les papilles plus aventureuses. Belle carte des cocktails et choix assez vaste de bières, whiskies et autres digestifs.

Service: le point fort de l'endroit et qui nous poussera à y retourner. Sympathique, avec beaucoup de personnalité. Rafraîchissant.

Décor et ambiance: bel espace avec caractère, design sobre et urbain. Ambiance agréable, animée mais pas bruyante. Le soir de notre passage, la vaste majorité de la clientèle se rendait au théâtre.

Plus: le service, la sélection de produits à boire, l'emplacement, quelques bonnes idées dans l'assiette.

Moins: une offre gourmande qui doit se préciser et trouver son équilibre.

On y retourne? Sans doute, pour suivre l'évolution de l'endroit.

Photo Alain Roberge, La Presse

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