Dans un bel écrin, rue Peel, se déploie une gastronomie qui plaira aux amoureux de Barcelone. Restant près des classiques de la cuisine ibérique, Ibérica se distingue dans l'exécution sans faille des plats, une cuisine savoureuse et l'utilisation de produits d'exception, sous l'égide du chef Marino Tavares.

Marino Tavares est loin d'être un inconnu dans la métropole. On le connaît notamment en tant qu'ancien bras droit de Carlos Ferreira, poste qu'il a occupé pendant près de 20 ans. Leur séparation, il y a quelques années, a été douloureuse. Depuis, le chef a cumulé différents projets, mais sans vraiment trouver sa place.

Plus maintenant, car il semble comme un poisson dans l'eau chez Ibérica, où ses racines portugaises le servent de belle façon. Il propose à sa clientèle un menu authentique inspiré de la cuisine ibérique et catalane. Et, coup du hasard, le restaurant est situé à une porte du Ferreira Café...

Un espace unique

D'abord, impossible de passer sous silence le superbe travail qu'a fait le designer chouchou des restaurateurs montréalais, Zébulon Perron (Montréal Plaza, Café Parvis, Bar Le Royal), dans ce local longiligne qui était auparavant un magasin de vêtements pour hommes.

Le look de l'endroit, qu'on pourrait qualifier d'industriel-chic, fait contraster les murs et colonnes en béton brut avec les matières nobles: boiseries, tables en marbre, imposants lustres en verre au plafond, confortables fauteuils en cuir et velours.

Un environnement bien pensé pour ce restaurant de 90 places et sa cuisine ouverte, qui propose une cuisine simple et traditionnelle, mais haut de gamme dans sa sélection de produits fins, dont plusieurs sont uniques à l'endroit. Ibérica est également le second établissement montréalais (après Ikanos) à s'être doté d'un très onéreux four à bois Josper, qui permet de donner un goût fumé unique aux viandes, poissons et accompagnements grâce à une cuisson à la braise.

Maîtrise des éléments

Attablés à la mezzanine offrant une belle vue sur l'espace par un samedi soir occupé et animé, nous avons eu droit à un service avenant et impeccable - quoique notre serveur, en fin de parcours, était fort occupé avec sa section qui s'est remplie soudainement -, des plats tout aussi savoureux et réussis les uns que les autres, le tout accompagné de bien belles choses à boire.

Pour amorcer la soirée comme il se doit, un cocktail s'impose. La liste de créations maison fait une belle place aux alcools comme le vermouth, le xérès et l'absinthe, et joue beaucoup sur l'amertume. Notre Tuxedo, mélange bien balancé de gin, vermouth, liqueur de marasquin, absinthe et bitter Angustura, est herbacé et légèrement citronné et sucré. Une introduction fort réussie. Sans être renversé, notre partenaire apprécie son Old Fashioned Ibérica, allongé au soda et avec une touche de xérès.

Le menu, long, peut donner le tournis. Que choisir entre les charcuteries, les conserves espagnoles, les différents «pan», les huîtres, les tapas, les paellas, les «ensaladas» et les différentes grillades? Une visite ne suffit pas à en faire le tour.

Aiguillés par le serveur et ses choix bien avisés, nous jetons notre dévolu, pour le premier service, sur les croquettes et tapas. Nous ne sommes pas déçus; nos quatre croquettes assorties (morue, homard et crevette, poulet, jambon), encore brûlantes (il aurait fallu attendre quelques instants avant de les servir... ou de les manger!), sont croquantes à l'extérieur et moelleuses à l'intérieur et toutes fort délicieuses.

À la conquête des classiques

Nos tapas sont tout aussi satisfaisantes. La star est le plat de calmars «a la plancha», simplement saisis au beurre et au citron, puis joliment déposés sur un trait d'encre de seiche. Ils sont encore fermes sous la dent et les petits tentacules, croquants et dodus; un plat tout simple qui rend hommage au produit. La caille aux oignons confits avec réduction de xérès, rôtie sur son coffre puis découpée en quatre morceaux (poitrines et cuisses), est bien laquée et tendre sous les doigts. Le goût fumé et légèrement piquant rehausse la viande de belle façon.

Tandis que nous dégustons avec bonheur notre vin blanc O Rosal (Albarino 2016), choix judicieux de notre serveur, tout en minéralité, voici qu'arrive dans sa poêle notre paella. Superbe autant pour les yeux que pour les palais, notre paella aux fruits de mer (en raison d'une intolérance aux coquillages, la cuisine a accepté de servir à part, à notre invité, un plat de palourdes et moules, une belle attention) est riche et relevée, avec son riz encore légèrement résistant sous la dent, ses rondelles croustillantes de chorizo fumé, ses crevettes tendres et son poulet juteux. Difficile de faire mieux.

Il fallait évidemment essayer un plat cuit dans ce fameux four Josper. Le choix tout indiqué est cet intrigant porc ibérique de Bellota, race autochtone élevée en liberté et qui se nourrit notamment de «bellotas» (glands de chêne), que l'Ibérica est le seul à proposer à Montréal. Nous y allons pour la bavette, servie avec broccolinis, carottes et une purée de pommes de terre lisse et crémeuse à faire rêver. La pièce de viande, mince et bien saisie, est franchement délicieuse avec son goût fumé et son trait de sauce chimichurri qui relève le tout. À essayer même si le porc n'est pas votre viande de prédilection.

Ceux qui ont un penchant pour le sucre seront servis chez Ibérica. Ne vous éloignez pas des classiques: les churros, mignons avec leurs sauces (dulce de leche et chocolat, un peu trop dense) servies dans des boîtes à conserve, rappelleront Barcelone à ceux qui y sont déjà allés, alors que la crème brûlée catalane offre une version rafraîchissante de la traditionnelle recette avec un appareil très aérien et sa couche de sucre blanc à la cannelle caramélisée sur le dessus.

En somme, ces classiques de la cuisine ibérique sont parfaitement exécutés et l'utilisation d'ingrédients de premier choix élève ses plats simples et traditionnels pour en faire une cuisine gastronomique de qualité. Chapeau. Cela dit, soyez avisé: une visite ici n'est pas donnée et la facture monte vite. On réserve donc l'Ibérica pour une grande occasion ou pour venir prendre l'apéro en dégustant quelques petits plats.

Photo François Roy, La Presse

Le menu, long, peut donner le tournis. Que choisir entre les charcuteries, les conserves espagnoles, les différents «pan», les huîtres, les tapas, les paellas, les «ensaladas» et les différentes grillades? Une visite ne suffit pas à en faire le tour.

Ibérica. 1450, rue Peel, Montréal. 514 285-1888. https://www.iberica.ca/

Notre verdict

Prix: assez cher. 25 $ pour une assiette de charcuteries mixtes, entre 8 $ et 25 $ pour les tapas, de 24 $ à 38 $ pour les paellas et entre 26 $ et 42 $ pour les viandes au four Josper.

Carte des vins: beau choix de vins blancs et rouges issus exclusivement de la péninsule ibérique, des bulles (cava) et une sélection de vins fortifiés, dont plusieurs xérès.

Service: avenant, attentionné, belle connaissance de la carte, suggestions éclairées.

Décor et ambiance: décor somptueux de Zébulon Perron, beaucoup de détails et de matériaux nobles. Ambiance animée, surtout en fin de soirée.

On aime: à peu près tout du menu, le service, le décor, les plats classiques et traditionnels élevés de par l'exécution et le choix de produits fins de qualité.

On aime moins: la température de certains plats, les prix assez élevés.

On y retourne? Oui.

Photo François Roy, La Presse

Notre paella aux fruits de mer, dans sa poêle, est superbe, autant pour les yeux que pour les palais. Elle est riche et relevée, avec son riz encore légèrement résistant sous la dent, ses rondelles croustillantes de chorizo fumé, ses crevettes tendres et son poulet juteux. Difficile de faire mieux.