Cet été, on sort! Avant un spectacle, après une randonnée ou dans le cadre d'une escapade, nos critiques mettent à l'essai des restaurants un peu partout dans la grande région de Montréal. Cette semaine, une charmante terrasse à l'île des Moulins de Terrebonne.

Ce sont les lecteurs de La Presse qui nous ont parlé de ce restaurant, Bâtiment B, en grand bien au printemps. On les avait sondés pour qu'ils nous disent quels étaient leurs restaurants préférés en banlieue de Montréal et il était clairement ressorti du lot. B comme beau et bon, dans le secteur historique de Terrebonne.

Beau, ça, c'est vrai. Et pas un peu.

Installé sur les rives de la rivière des Mille Îles, dans l'île des Moulins - où il y a aussi une salle de spectacle et une bibliothèque - , dans un immeuble patrimonial du XIXe siècle, ce restaurant est dans un lieu absolument magnifique.

La terrasse, par une belle journée d'été, quand l'on regarde les hérons passer au-dessus des rapides, l'on entend malgré la musique du resto le son d'une petite chute aménagée pas loin et l'on espère voir les riverains venus pêcher en cuissardes, marchant dans l'eau jusqu'à la taille, attraper quelques belles prises, est spectaculaire.

Il y a peu, au Québec, de restaurants aussi bien situés, dans un espace tirant aussi bien parti du patrimoine naturel. On en voudrait plus sur les rives du fleuve, dans les hauteurs de Charlevoix, dans les vallons presque toscans de l'Estrie, tout en haut du mont Royal...

Le problème souvent, cependant, avec ces restaurants situés dans des endroits hors du commun, c'est que la cuisine n'est pas toujours à la hauteur du paysage. Comme si le fait que les clients soient au rendez-vous quoi qu'il en soit pour regarder l'eau ou le ciel ou les paysages ou la beauté de bâtiments historiques suffisait pour freiner la motivation perfectionniste des commerçants. Quiconque a déjà pris un café sur la place Saint-Marc vous le dira. Non seulement il sera hors de prix, mais pas très bon. Mais le lieu, lui...

Au Bâtiment B, à Terrebonne, on sent une volonté de faire bien les choses quand on lit le menu. Pilons de canard, sauce à l'argousier, cailles confites au foie gras, tartare de bison... Mais la réalité concrète connaît des ratés.

La musique est bien forte, le service souriant, mais éparpillé. Les plantes dans les boîtes à fleurs vivotent, et encore. Et quand, après une heure à regarder la même serviette sale traîner par terre au milieu de la place, on finit par devoir le signaler à la serveuse, c'est que quelqu'un, quelque part, n'a pas instauré une culture du dépassement, du soin. Et c'est franchement dommage, car le lieu mérite amplement mieux. Et ça se goûte dans l'assiette aussi.

Tout n'est pas inintéressant, loin de là.

La très classique salade mozzarella tomates, par exemple, est impeccable. Le fromage de bufflonne version québécoise est moelleux et doux. Les tomates de saison goûtent le soleil. On a mis un peu de balsamique pour sucrer le tout, alors que de costaudes feuilles de basilic apportent fraîcheur et notes parfumées. Une valeur sûre.

Le duo d'omble chevalier fumé est moins réussi. Le poisson fumé à froid et à chaud s'avère chouette. Et c'est une bonne idée de faire contrepoids avec des légumes vinaigrés croquants comme des asperges et des carottes. Mais le chutney d'algues? Oh là... Une acrobatie de haute voltige qui se casse la figure. Et on cherche un peu de pain noir, des craquelins de grains entiers peut-être, pour rester dans le ton, quelque chose de croquant où déposer le poisson fumé.

Après cela arrivent trois autres «petits plats», parce que c'est la formule sur la terrasse. Il y a une assiette de pleurotes érigés qu'on a fait griller et qui sont accompagnés de bettes à carde et de grosses échalotes confites. Alors que les feuilles amères sont délicieuses, encore joliment résistantes côté feuilles, et chaleureusement accompagnées des bulbes fondants côté tiges, les champignons, eux, sont coriaces, voire un peu secs. Cette cuisson ne leur va pas. Déception aussi avec le plat de courge spaghetti où tout est franchement trop cuit, autant les pommes de terre bleues dures que les fines asperges desséchées, que la cucurbitacée devenue presque gibelotte.

En revanche, le troisième plat, un pavé de truite poêlée, est réjouissant. Le chutney de légumes - carottes, courgettes - qui le coiffe est sucré mais sympathique, et on aime autant la bette à carde à peine saisie et la purée d'aubergine sur lesquelles le poisson est déposé.

Bref, si c'était à refaire, je commanderais la mozzarelle et la truite, et le repas serait impeccable.

Pour les desserts, on n'a pas pris de risque, on a tout essayé.

Un gâteau au fromage à la confiture d'hibiscus - léger et doux, mais l'hibiscus détonne dans un restaurant où l'on suit quand même le thème de la cuisine locale...

Un gâteau au chocolat au beurre de cajou avec guimauve et tire-éponge maison - sucré et costaud et classique - est parfait pour ceux qui ont un penchant pour le sucre.

Un financier à la compote de fraise et de rhubarbe - que j'aurais aimé aimer davantage. Mais le biscuit manquait de moelleux et, à ce temps-ci de l'année, n'est-ce pas le temps des fraises fraîches pleines de soleil plutôt que de la compote? Pour la pêche pochée et la glace au basilic, l'idée de cuire le fruit alors qu'il commence à être en saison était moins agaçante. Probablement parce que le fruit gardait son tonus. Et que la combinaison était surprenante et joliment exécutée.

Comme pour le reste du repas, des hauts et des bas. Et toujours la magnifique vue.

Photo Ivanoh Demers, La Presse

Au Bâtiment B, à Terrebonne, on sent une volonté de faire bien les choses quand on lit le menu. Pilons de canard, sauce à l'argousier, cailles confites au foie gras, tartare de bison... Mais la réalité concrète connaît des ratés.

Bâtiment B. 940, place de l'Île-des-Moulins, Terrebonne. (450) 964-3939. batimentb.ca

Notre verdict

Prix: De petits plats de toutes les tailles et de tous les prix, de 6 $ à 45 $. Desserts entre 10 $ et 14 $ chacun ou 24 $ pour les essayer tous.

Carte de vins: Beaucoup plus de rouges que de blancs, des vins québécois, des crus bien choisis un peu partout dans le monde, à prix raisonnables.

Style: La décoration est rustique et l'on en tire bien parti dans la partie extérieure et dans la salle toute vitrée. Mais on aimerait sentir qu'on prend mieux soin de ce joyau justement, que quelqu'un veille à ce que ça soit impeccable.

Ambiance: On a tous envie d'avoir un lieu si joli près de chez soi, presque en ville, pour traîner le soir avec les copains, l'été...

Plus: Le lieu!

Moins: Il faudrait mieux dorloter ce lieu et ce menu.

On y retourne? Pour prendre un verre sur la terrasse.

Photo Ivanoh Demers, La Presse

La décoration est rustique et l'on en tire bien parti dans la partie extérieure et dans la salle toute vitrée.