Ce sont les propriétaires de Primi Piatti, pizzéria chic de Saint-Lambert, qui ont ouvert cette adresse spécialisée dans le poisson et les fruits de mer, l'an dernier, dans cette ville de banlieue cossue de la Rive-Sud. Le restaurant s'appelle Cru, comme le sont les huîtres, les tartares et les sashimis qu'on y sert. Mais on y trouve aussi des plats cuisinés, des poissons entiers grillés, des pavés de thon ou de saumon.

Le lieu ne ressemble plus du tout à l'ancienne table française qui avait pignon sur rue avant que les nouveaux propriétaires n'y emménagent. En été, on dit que la terrasse est très chouette, et quand il fait trop frais pour manger dehors, on s'installe dans un intérieur soigné et aménagé dans un style contemporain épuré. Des fauteuils modernes gris perle, des panneaux et des tables de bois où l'on a gravé le nom du restaurant.

Au fond de la pièce, un bar permet aux convives solitaires de se poser, comme dans tout bon restaurant de quartier. Mais pas n'importe quel quartier. Les prix, en effet, ne sont pas aussi délicats que l'agencement des tons neutres de la salle à manger. Des huîtres à 3 $ ou 4 $ ou 5 $, ce n'est pas donné. Et les plats principaux grimpent jusqu'à 48 $. On est dans un registre chic. Et cela crée des attentes.

On aimerait, par exemple, avoir des explications claires sur les origines des poissons servis, autres que «voici le nom de notre fournisseur», surtout si le plat coûte 43 $. C'est chouette de faire affaire avec de bonnes maisons, mais quand on se spécialise dans le poisson et qu'on sert du thon rouge en plat du jour, par exemple, on aimerait savoir où et comment il a été pêché... C'est comme pour le vin, non? En haut de certains prix, le client n'a-t-il pas le droit de réclamer des explications un peu étoffées?

Le service, autrement, est professionnel et courtois, et côté vins, justement, on s'efforce d'apporter des informations pertinentes.

Dans l'assiette, il y a du délicieux, du correct et du décevant.

Par exemple, on pourra reprocher aux huîtres, servies avec de la mignonnette au champagne, de la sauce piquante maison et du raifort râpé, d'être chères, mais pas d'être banales. De provenances diverses - Martha's Vineyard au Massachusetts, Glidden Point dans le Maine ou Glacier Bay au Nouveau-Brunswick, par exemple -, elles sont charnues, dodues, bien fraîches, juste assez iodées. Des bouchées océaniques glorieuses.

Les tacos à l'espadon, par contre, sont plutôt banals. La tortilla est lourdaude, la sauce aux tomatillos, pas assez parfumée, le poisson frit et l'avocat n'apportent aucun contraste. On est loin des explosions de saveurs de la cuisine contemporaine mexicaine.

En revanche, les crevettes géantes grillées avec salsa oignon et paprika sont impeccablement cuites. Et le côté bien savoureux des accompagnements les sert bien. On aurait juste aimé avoir une réponse quand on a demandé d'où elles venaient.

En plat principal, si on a envie de manger du poisson, on peut le prendre entier, grillé, comme le vivaneau, par exemple, mais cela change chaque jour selon les arrivages. Il arrive alors complet dans l'assiette, avec salsa de fenouil grillé à l'orange. Ou encore on le prend en filet, poêlé, et là encore, tout change selon les disponibilités, mais ce sera peut-être un morceau de cardeau bien frais, tendre et juste assez cuit, comme le soir où nous sommes passés par là. Mais les accompagnements de ce plat sont surprenants: de la burrata, donc de la mozzarella très fraîche, très crémeuse, des tomates confites et du broccolini, le tout servi avec de grands et fins croûtons. L'ensemble d'inspiration italienne n'est pas inintéressant, bien qu'un peu baroque.

Le plat de thon du jour, lui, se composait de trois morceaux de poisson à peine saisis et bien rouges, déposés sur de la purée de patate douce, des morceaux de poire légèrement cuits et déglacés au balsamique blanc, et des feuilles de chou de Bruxelles. Une très belle et savoureuse assiette. Pour 43 $, quand même.

Au dessert, l'expérience déçoit. On dirait des assiettes composées par des ados pour calmer une crise de sucre en fin de soirée de fête. Un biscuit lourd et géant couvert de chocolat Toblerone fondu avec de la crème glacée à la vanille et un caramel annoncé à la grappa, mais où ce détail semble se perdre, des churros au zeste d'orange - joli détail quand même - avec de la guimauve et de la tire éponge ainsi que de la sauce au chocolat... Ouf. Une fin inélégante pour un repas qui aurait pu l'être.

PHOTO ÉDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Cru. 585, avenue Victoria. Saint-Lambert. 450 671-8278. restaurantcru.ca

Notre verdict

Prix: Entrées entre 11 $ et 20 $, plats entre 23 $ et 48 $.

Carte des vins: Sans créativité débridée ni faux pas. Beaucoup d'importations privées. On aurait aimé plus d'options nature, bio, de petits producteurs fous... Mais ça, c'est juste une idée comme ça.

Service: Courtois et professionnel, sauf pour les réponses aux questions pointues...

Atmosphère: Chic et de bon goût, pour un repas d'affaires, avec les beaux-parents, pour un repas de qualité en tête à tête ou seul... Animé même un mardi soir.

Plus: De beaux plats de poissons frais et un joli décor.

Moins: Cher et pas aussi spectaculaire et raffiné que ça pourrait l'être à ces prix-là.

On y retourne? Pas tout de suite.

PHOTO ÉDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE