Savez-vous ce que veut dire « nosh » ?

Je l'ai appris la semaine dernière en allant au restaurant Arthurs dans Saint-Henri, un casse-croûte sympathique de la rue Notre-Dame Ouest, qui s'est autoproclamé « nosh bar ». Bar à quoi ?

Nosh veut tout simplement dire « bouffe » en yiddish, un mot familier et affectueux pour parler de nourriture pas compliquée.

En utilisant ce mot, les copropriétaires de cette nouvelle table de Saint-Henri, Alexandre Cohen et Raegan Steinberg -  apparentée de loin à la fameuse famille des supermarchés - annoncent leurs couleurs : leur resto est simple et relax et le menu s'inspire des traditions juives montréalaises autant sépharades qu'ashkénazes.

Oh, qu'il était vraiment temps que des jeunes se lancent dans ce créneau ! Du smoked meat aux bagels, la culture culinaire montréalaise doit immensément à ses racines juives. 

Aux côtés du pâté chinois ou de la tourtière, ces mets sont des piliers de notre identité et il fallait que des chefs allumés se penchent sur leur cas. Pour tout dire, j'ai toujours trouvé injuste que des Montréalais soient allés brillamment réinventer l'art du delicatessen version actuelle à Brooklyn avant de le faire ici - oui, je parle de vous les gens du Mile End Delicatessen !

Mais enfin, ça bouge ici aussi.

Cohen et Steinberg ne sont pas de nouveaux venus en cuisine. C'est Fred Morin, l'un des chefs de Joe Beef, où Steinberg a travaillé, qui lui a conseillé en tant que mentor, relate Steinberg, d'ouvrir un restaurant puisant dans ses racines et ses souvenirs. La soupe au poulet, les latkes... Arthur, c'est le nom du papa de Raegan, mort bien jeune.

Au gré des saisons

Actuellement, le menu du resto est en cours de conversion, à cause du changement de saison. De nouveaux plats apparaîtront donc à la carte bientôt et d'autres le quitteront - malheureusement la salade cuite, l'un de mes mets préférés de la cuisine sépharade, et le foie haché typiquement ashkénaze n'y seront plus ! - mais l'idée demeure la même toute l'année : reprendre des classiques en les modernisant. 

Ou encore en les préparant avec grand soin, comme la soupe poulet et nouilles aux boulettes de pain azyme, les fameuses « matzoh balls », par exemple, qu'on fait avec du vrai bouillon de poulet fait maison et non une version industrielle, ce qui explique d'ailleurs qu'elle ne soit pas très, pour ne pas pas dire pas assez, salée. L'ensemble est donc, à part ce détail, impeccable. Des nouilles aux oeufs fines qui glissent dans la bouche, tout en réconfort soyeux. Une boulette charnue à base de miettes de pain azyme et de gras de poulet cacher, le fameux schmaltz agissant pour lier tout cela. De fines rondelles de carottes trahissant par leur texture encore un peu craquante, pas trop cuite, et par la charmante imperfection de leur forme ciselée qu'elles n'arrivent pas d'un sac de surgelé.

On dit de cette soupe qu'elle guérit toutes sortes de maux de l'âme. À essayer.

Évidemment, on peut aussi choisir un sandwich bagel, fromage à la crème, tomates, oignons et saumon. Pour le petit-déjeuner, moment fort chez Arthurs - qui n'est ouvert que le matin et pendant la journée, pas le soir - on le prépare avec des ingrédients particulièrement doux et frais, un bagel très tendre, du saumon mariné, le fameux « lox », presque velouté...

L'effet schnitzel

La grande surprise ? Le sandwich Arthur classique au schnitzel de poulet. Le schnitzel, c'est une escalope panée d'origine autrichienne, très présente dans la cuisine ashkénaze, qu'on propose ici en version poulet dans un gros sandwich de pain hallah, du pain aux oeufs très proche de la brioche, très tendre et franchement juste délicieux. Ajoutez à cela un peu de tomate et une montagne de laitue iceberg pour la fraîcheur - cette salade, c'est comme croquer dans de l'eau, m'a déjà dit un enfant - de la mayonnaise pour lier le tout et quelques tranches de cornichons pour leur légère acidité et hop, voilà un sandwich spectaculaire. Un nouveau classique montréalais, oserais-je avancer.

Si le pain hallah vous fascine autant que moi, je vous recommande aussi les tartines au miel dans le menu du petit-déjeuner. Une grosse tranche de pain, du beurre, du miel. La combinaison la plus simple qui soit, mais parfaitement délicieuse quand chaque ingrédient est, comme ici, particulièrement bien choisi. Avec un peu de café filtre de qualité et un verre de jus d'orange fraîchement pressé, voici, selon moi, un petit-déjeuner juste bien dosé. J'avais aussi pris le salami grillé mais je l'ai laissé de côté. Trop salé. Pas assez délicat.

En revanche, après un repas, que ce soit de la salade de poulet au houmous ou une bonne vieille Cobb, des pierogis ou des latkes, ou même un bon vieux grilled-cheese - au pain hallah - il ne faut pas éviter les desserts, dont le gâteau aux carottes bien moelleux et délicat servi avec une montagne de glaçage, presque trop. Ou encore un babka - brioche - à la cannelle, qu'on sert chaud, beurré avec une pincée de fleur de sel. Shalom.

Arthurs Nosh Bar

4621, rue Notre-Dame Ouest, Montréal, 514 757-5190

Prix: toutes sortes de plats, allant du sandwich à la salade, entre 3 $ - salade de chou - et 15 $ -sandwich au schnitzel.

Carte de vins: très courte, mais sélectionnée par des copains sommeliers des proprios, qui aiment les petits crus naturels, originaux et bien faits.

Service: sympathique mais un peu décousu parfois, ce qui crée des lenteurs.

Atmosphère: animée, dès le début du petit-déjeuner à 8h le matin...

Concept: un casse-croûte pas compliqué ouvert par des jeunes en hommage à leurs origines juives.

Plus: enfin on revisite la cuisine juive traditionnelle de Montréal !

Moins: le menu pourrait être plus créatif, plus recherché.

On y retourne ? Oui, pour le brunch notamment.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE