Installé aux confins du Mile End, là où le boulevard Saint-Laurent se prépare à se glisser sous la rue Van Horne pour amorcer son périple vers la Petite-Italie, le Butterblume a des allures d'oasis, de havre, de cette maison aux lumières chaleureuses qu'on admire quand on marche dehors, quand on a froid et qu'on rêve d'aller s'y réfugier.

En effet, pour s'y rendre quand on avance sur notre belle Main, qu'on passe les commerces à la mode et que tout a l'air de moins en moins convivial, de plus en plus un peu paumé, pas exactement rénové, peut-être fermé, on commence à avoir un doute sur l'adresse. Et là, tout à coup, hop, le Butterblume apparaît.

Et il est charmant.

Microboutique à l'avant, café au milieu avec un bar pour s'asseoir et manger, resto dans le fond, cette nouvelle adresse n'a rien de prétentieux mais s'impose par sa finesse. De la décoration à l'assiette, tout est dans la quête d'équilibres délicats. Entre la modernité et la convivialité. Entre la créativité et le confort. Entre le minimalisme et la générosité. Mais c'est surtout un lieu où on se sent facilement bien. Qu'on s'y rende pour bruncher entre amis ou pour prendre une bouchée seule au comptoir, le midi.

Ce sont deux femmes, Nadine Boudreau, une diplômée en sommellerie qui a longtemps travaillé au Pullman, et Julie Romano, issue des formidables cuisines de Rhubarbe et Olive + Gourmando, qui ont ouvert le Butterblume - bouton d'or en allemand - à la fin du printemps dernier. Ensemble, elles ont défini le concept esthétique et culinaire et choisi de travailler avec un chef allemand, Jens Ruoff (Van Horne, Bouillon Bilk), et une pâtissière appelée Jacinthe Doucet-Dagenais.

Depuis, on s'arrache les pains et les viennoiseries maison - c'est probablement là qu'on trouve actuellement les meilleures brioches à la cannelle en ville - et les places pour le brunch et le lunch ou l'apéro.

Mon plat préféré : une assiette de blinis maison sur laquelle je suis tombée un midi, au coeur d'une séance de shopping intensif de Noël. Un peu sucrées, un peu salées, ces galettes portaient du saumon façon gravlax, le tout coiffé d'un oeuf décrit dans le menu de ce jour-là comme « parfait » - une promesse plutôt hardie - et, effectivement, il était parfaitement poché. La composition proposait en plus des chips de légumes racines pour le croquant, une salade de fenouil frais pour la fraîcheur, une jolie louchée de crème sure pour la grasse et légèrement acide onctuosité, crème dont on soupçonne qu'elle provenait d'une laiterie artisanale. Oh, et il y avait aussi, pour terminer, du caviar de Mujol, celui qui vient d'Espagne et ne met aucune espèce de poisson en danger et qui ajoute un air marin salé à tout ce qu'il touche. Bref, rien qui réinvente la roue, mais tout du bien fait, sage, précis, savoureux....

Tous les plats ne sont pas aussi harmonieux.

À ma première visite, j'avais été déçue par la tartine au fromage blanc aromatisé à la poire avec un oeuf poché, des noix de macadamia grillées et une tuile de champignons. Pain trop costaud, fromage blanc qui ne goûtait pas la poire suffisamment pour qu'on s'en réjouisse - j'aurais préféré, je l'admets, croquer dans de vrais morceaux de fruits - et des macadamias un peu sortis de nulle part. Pourquoi faire venir un produit de si loin, alors qu'il a si peu de personnalité ? Certes, la tuile de champignons avait, elle, texture et saveurs intéressantes, mais tout ensemble, c'était bancal.

En revanche, ce jour-là, le cake de chou-fleur au piment d'Espelette avait totalement conquis toute la table avec son esprit racoleur légèrement relevé, charnu, aux références à la fois hivernales et potagères. Idem pour le ravioli allemand farci aux épinards et au porc, sur un « dashi de poulet » - on s'entend : un bon bouillon de volaille ! - avec oignon confit et huile de persil.

Le plat de saumon aux lentilles ? Simple et sage. Une combinaison de deux sortes de lentilles - rouges et vertes - présentées comme un gâteau tout rond sur lequel on dépose le morceau de poisson et une montagne de cresson rouge bien frais (il y avait des feuilles bien vertes et vitaminées sur tous les plats). Une mayonnaise à l'aneth et au jalapeno en trois gouttes finit le plat.

Pour terminer le repas, on s'est partagé un dessert à trois et c'était amplement. Un gâteau au chocolat bien dense avec des bananes caramélisées craquant sous la dent, de la purée de bananes au caramel et des arachides dans le caramel... Une assiette riche et franchement joyeuse. Comme, on l'espère, cette année qui commence. 

Meilleurs voeux!

Butterblume

5836, boulevard Saint-Laurent

Montréal

(514) 903-9115

Prix: Soupe pour 6 $, plats entre 13 $ et 16 $, petits plats dits « à côté » - qui se prennent aisément à l'apéro ou en entrée - entre 4 $ et 6 $. Dessert - assez gros pour trois personnes - 13 $.

Carte de vins: Carte d'apéritifs et de boissons très courte, mais sympathique. Des bulles, de la bière, quelques cocktails, du blanc, du rouge, du rosé. Prix très raisonnables.

Service: Sympathique et chaleureux.

Ambiance: Décor minimaliste d'un goût parfait, où on met en valeur des artisans d'ici. (Tout comme dans la miniboutique à l'avant du restaurant.) Cuisine ouverte. Style très relax. Lieu fréquenté par tout le Mile End, donc autant les travailleurs de la techno que les mamans en congé de maternité.

Plus: Le style décontracté et fin, la cuisine savoureuse, les brioches !

Moins: Ce n'est pas ouvert le soir. Et quelques plats à peaufiner.

On y retourne ? Oui.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

De la décoration à l'assiette, tout est dans la quête d'équilibres délicats.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Le cake de chou-fleur au piment d'Espelette a totalement conquis toute la table.